(Available in English: Executive Summary – Indigenous People and Sentencing in Canada)
Au Canada, les Autochtones sont beaucoup plus susceptibles d’être incarcérés que les non-Autochtones, et l’écart entre les taux d’incarcération de ces deux groupes continue d’augmenter. De nombreuses commissions, notamment la Commission d’enquête sur l’administration de la justice et les Autochtones du Manitoba, la Commission royale sur les peuples autochtones et la Commission de vérité et réconciliation, se sont penchées sur la question de la surreprésentation des Autochtones dans le milieu carcéral. Elles ont cerné de nombreux facteurs qui ont contribué au problème, dont le colonialisme, le racisme ainsi que le traumatisme intergénérationnel causé par les pensionnats autochtones et la « rafle des années 1960 ».
En 1996, le Parlement a modifié le Code criminel (le Code) afin d’y ajouter l’alinéa 718.2e), qui exige que les juges, au moment de la détermination de la peine, tiennent compte du contexte et des circonstances propres aux délinquants autochtones ainsi que de toutes les sanctions possibles autres que l’emprisonnement qui pourraient convenir. Cette disposition vise à réduire le taux d’incarcération des Autochtones au Canada.
La Cour suprême du Canada a examiné pour la première fois l’alinéa 718.2e) dans l’affaire R c. Gladue (1999). Dans cet arrêt, la Cour suprême a statué qu’au moment de déterminer la peine à infliger à un délinquant autochtone, le juge doit examiner ce qui suit : 1) « les facteurs systémiques ou historiques distinctifs qui peuvent être une des raisons pour lesquelles le délinquant autochtone se retrouve devant les tribunaux »; et 2) « les types de procédures de détermination de la peine et de sanctions qui, dans les circonstances, peuvent être appropriées à l’égard du délinquant en raison de son héritage ou [de ses] attaches autochtones ». Ces principes sont connus sous le nom de « principes de l’arrêt Gladue ». Dans l’affaire R c. Ipeelee (2012), la Cour suprême a réaffirmé ces principes et en a élargi la portée.
Les principes de l’arrêt Gladue sont appliqués de différentes façons. Certaines provinces ont créé des tribunaux Gladue spécialisés à l’intention des personnes qui s’identifient comme Autochtones. Une autre méthode courante pour mettre en œuvre les principes de l’arrêt Gladue consiste à préparer et à examiner des rapports spéciaux, appelés des rapports Gladue, lesquels peuvent fournir au juge qui prononce la peine des renseignements sur le contexte et les circonstances propres à un délinquant autochtone, et proposer des sanctions convenables autres que l’emprisonnement qui sont accessibles dans la collectivité du délinquant.
Le juge qui prononce la peine peut envisager différentes solutions de rechange à l’incarcération, comme des processus de justice réparatrice ou une peine dans un pavillon de ressourcement, qui est adapté aux délinquants autochtones. Les mesures de rechange (on parle également de déjudiciarisation) sont une autre option et permettent à l’accusé d’éviter des poursuites tout en le tenant responsable de ses actes.
Les principes de l’arrêt Gladue et leur application ont été décrits comme étant injustes du fait des facteurs à prendre en considération au moment de déterminer la peine, lesquels diffèrent selon qu’une personne est autochtone ou non autochtone. La Cour suprême du Canada a toutefois attribué ces critiques à un manque de compréhension des principes et a affirmé que les possibles différences entre les peines des Autochtones et celles des non-Autochtones seront fondées sur les circonstances propres à chaque personne relativement aux principes de détermination de la peine.
La mise en œuvre des principes de l’arrêt Gladue s’est heurtée à différentes difficultés. Même s’ils ont été conçus pour s’attaquer au taux d’incarcération élevé des Autochtones au Canada, le nombre et la proportion de délinquants autochtones dans les établissements correctionnels fédéraux continuent d’augmenter. Parmi les défis à relever figure la coordination difficile des programmes Gladue, étant donné que chaque province et territoire est responsable de la mise en œuvre des principes sur son territoire. Cette situation s’est traduite par des différences profondes dans la disponibilité des programmes et des rapports Gladue d’un bout à l’autre du pays. Un manque de financement et de ressources à cet égard est un autre obstacle qui persiste partout au pays. Les dispositions du Code qui exigent des peines minimales obligatoires pour certains actes criminels constituent quant à elles un dernier obstacle. Ces dispositions limitent le pouvoir discrétionnaire du juge qui prononce la peine et peuvent entraver l’application des principes établis dans l’arrêt Gladue.
Lisez le texte intégral de l’étude générale : Les peuples autochtones et la détermination de la peine au Canada
Auteur : Graeme McConnell, Bibliothèque du Parlement
Catégories :Affaires autochtones, Lois, justice et droits, Résumé