(Available in English: The United Nations at 75: “Imperfect but indispensable”?)
Lors d’une réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) tenue le 21 septembre 2020, les États membres de l’Organisation des Nations Unies (ONU) ont adopté une déclaration formulée à l’occasion de la célébration du 75e anniversaire de l’Organisation.
La déclaration précise qu’aucune autre organisation mondiale n’a « la légitimité, la puissance de rassemblement et le pouvoir nominatif de l’Organisation des Nations Unies », mais admet également que « l’Organisation des Nations Unies a aussi connu son lot de déceptions ».
D’une part, selon la déclaration, le système des Nations Unies (c’est-à-dire ces organes principaux, ses institutions spécialisées, ses comités, ses départements, ses fonds et ses rapporteurs) a aidé « à atténuer des dizaines de conflits », à fournir une aide humanitaire qui a permis de sauver des centaines de milliers de vies, à offrir une éducation à des millions d’enfants, ainsi qu’à promouvoir et à protéger les droits et les libertés fondamentales des personnes du monde entier.
D’autre part, on y reconnaît que notre monde est toujours « en proie à des inégalités de plus en plus graves, à la pauvreté, à la faim, aux conflits armés, au terrorisme, à l’insécurité, aux changements climatiques et aux pandémies ». Dénonçant les progrès limités réalisés par l’ONU à l’égard de la résolution de ces fléaux, les détracteurs [en anglais] caractérisent le système des Nations Unies comme étant trop bureaucratisé, non démocratique et inefficace.
Cela dit, malgré les critiques, le système onusien est généralement perçu positivement dans le monde entier. Selon un sondage [en anglais] du Pew Research Center réalisé auprès de 34 904 personnes, réparties dans 32 pays, entre mai et août 2019, l’organisation jouirait d’un taux de satisfaction médian de 61 %.
Le système des Nations Unies intervient dans presque tous les dossiers d’intérêt mondial, de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques aux 18 milliards de dollars américains d’aide humanitaire [en anglais] qu’il a contribué à mobiliser et à coordonner pour des secours en 2019, en passant par les enquêtes, les procès et les déclarations de culpabilité de la Cour pénale internationale.
Il y a, à tout le moins, un fond de vérité à l’expression qui revient souvent [en anglais] : si l’ONU n’existait pas, il faudrait l’inventer.
Réformer le Conseil de sécurité des Nations Unies
En juin 2020, lorsqu’on lui a demandé de cerner la plus grande réalisation de l’ONU au cours de ses 75 ans d’existence, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres (neuvième titulaire de ce poste), a répondu [en anglais] que c’était le fait d’avoir su éviter « une confrontation majeure entre les grandes puissances ».
Selon M. Guterres, le pire échec des Nations Unies est de ne pas avoir été en mesure de prévenir la prolifération des conflits de petite et moyenne envergure, comme ceux de la Syrie, de la Libye, du Yémen et de l’Afghanistan. En ce qui a trait à ces conflits toujours non résolus, il en attribue le blâme, du moins en partie, au Conseil de sécurité de l’ONU, qui, soutient-il, n’est pas « intervenu de manière décisive afin d’amener ces pays à décréter un cessez-le-feu, à entamer des pourparlers et à rétablir la paix. »
Le rôle et le fonctionnement du Conseil de sécurité de l’ONU, dont la responsabilité première consiste à « maintenir la paix et la sécurité internationales », font depuis longtemps l’objet de critiques.
Les pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie méridionale ne sont pas représentés parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité ayant un droit de veto, soit la Chine, la France, la Russie, le Royaume-Uni et les États-Unis, collectivement appelés le P5. Cette situation crée ce que certains États membres de l’ONU considèrent comme une légitimité lacunaire. Certains États membres proposent [en anglais] notamment d’accroître le nombre de membres permanents du Conseil de sécurité et d’abolir ou d’étendre leur droit de veto.
Selon l’organisation Security Council Report [en anglais], les membres du Conseil de sécurité de l’ONU peinent depuis quelques années à parvenir à un consensus et à adopter des résolutions. Cet échec ne fait qu’attiser la critique négative à l’égard de son rôle. Récemment, une résolution en vue de l’établissement d’un cessez-le-feu à l’échelle mondiale [en anglais] a été retardée pendant des mois au début de la pandémie de COVID‑19 parce que les États-Unis et la Chine ne s’entendaient pas sur la mention de l’Organisation mondiale de la santé, laquelle fait partie du système de l’ONU.
Cependant, réformer le Conseil de sécurité de l’ONU ne serait pas une mince affaire. Toute modification de la Charte des Nations Unies [en anglais], qui établit les règles régissant le Conseil de sécurité, nécessite l’appui des deux tiers des 193 États membres de l’ONU ainsi que l’appui de tous les membres permanents du Conseil de sécurité.
Réussites en matière de maintien de la paix
Dag Hammarskjöld, deuxième secrétaire général de l’ONU, a dit [en anglais] un jour : « L’ONU n’a pas été créée pour conduire l’humanité au paradis, mais pour la sauver de l’enfer. » Les opérations de maintien de la paix de l’ONU, établies et supervisées par le Conseil de sécurité, se poursuivent partout dans le monde.
À l’heure actuelle, 82 245 Casques bleus issus de 120 États membres participent aux 13 opérations en cours de l’ONU, dont sept se déroulent en Afrique. Ces opérations se réalisent avec un budget inférieur à 0,5 % des dépenses militaires mondiales.
De même, les données des Nations Unies [en anglais] montrent que, au 30 juin 2020, l’Éthiopie était le plus important contributeur d’effectifs aux opérations de maintien de la paix, avec un total de 6 638 personnes. Au sein du P5, la contribution de la Chine, de 2 534 personnes, était la plus importante et représentait plus du double de la contribution des quatre autres membres du P5 combinés. La contribution du Canada était de 34 personnes.
Problèmes de financement
Au chapitre des finances, selon les critères établis par des résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies [en anglais], les États-Unis sont le plus important contributeur au budget des opérations de maintien de la paix de l’ONU ainsi qu’à son budget ordinaire, lequel permet de financer l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité, la Cour internationale de justice, le Secrétariat de l’ONU de même que d’autres organes du système onusien.
Le paiement des quotes-parts à ces deux budgets constitue une condition d’appartenance aux Nations Unies. En 2019, la quote-part des États-Unis aux opérations de maintien de la paix s’élevait à 27,89 % du budget des opérations de maintien de la paix, alors que leur quote-part au budget ordinaire de l’ONU pour 2020 était de 22 %. À titre de comparaison, la quote-part du Canada à chacun de ces budgets était de 2,73 %.
Tout au long de l’histoire des Nations Unies, les États membres ont mis du temps à payer leur quote-part. Par exemple, en octobre 2019, sur les 193 États membres de l’ONU, seulement 129 avaient payé celle de 2019. Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général Guterres, avait alors décrit [en anglais] la situation financière dans laquelle se trouvait l’ONU à ce moment-là comme étant « la pire crise financière qu’ont connue les Nations Unies en près d’une décennie ».
Source : Tableau préparé par l’auteur à partir de données provenant de : Secrétariat des Nations Unies, Montants à mettre en recouvrement auprès des États membres au titre des avances au Fonds de roulement pour 2020 et des contributions au financement du budget ordinaire de l’Organisation des Nations Unies pour 2020.
Cependant, outre les quotes-parts, les contributions volontaires [en anglais], dont les plus importantes sont également versées par les États-Unis, contribuent à financer un grand nombre de programmes tels que le Fonds des Nations unies pour l’enfance, le Programme alimentaire mondial et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.
Les Nations Unies à 100 ans
Le 1er janvier 2020, l’ONU a lancé son initiative « UN75 » afin de célébrer son 75e anniversaire et d’amorcer le processus de réflexion en vue de déterminer ses priorités pour le prochain jalon : son centenaire, en 2045.
En mars 2020, le « dialogue mondial » [en anglais] dans le cadre de l’initiative, qui comprenait un sondage en ligne et d’autres activités de mobilisation, avait atteint 13 millions de participants répartis dans presque l’ensemble des États membres. Le rapport final sera présenté en janvier 2021, mais, selon les résultats préliminaires du sondage, les trois grandes priorités des répondants sont les changements climatiques, les conflits armés et les risques pour la santé.
Les résultats préliminaires révèlent également que « 95 % des personnes qui ont répondu au sondage ont indiqué que la coopération internationale est “essentielle” ou “très importante” pour gérer les tendances mondiales », notamment les changements climatiques, et, plus récemment, le « bouleversement socioéconomique causé par la COVID‑19 ».
Malgré tous les défis qu’il admet devoir relever, le système onusien demeure, pour reprendre les paroles de l’ancienne sous-secrétaire générale de l’ONU, Gillian Martin Sorensen, « imparfait, mais indispensable » [en anglais].
Ressources additionnelles
Scott McTaggart, Le rôle des membres non permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, Bibliothèque du Parlement, 12 juin 2020.
Council on Foreign Relations, The Role of the UN General Assembly, 24 septembre 2019 [en anglais].
Auteur : B. J. Siekierski, Bibliothèque du Parlement
Catégories :Affaires internationales et défense, Économie et finances