L’équité en matière d’emploi dans la fonction publique fédérale du Canada

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(Available in English: Employment Equity in Canada’s Federal Public Service)

Équité en matière d’emploi : le cadre juridique

La fonction publique fédérale s’efforce d’atteindre l’équité en matière d’emploi dans ses effectifs. Son but est de corriger les désavantages sur le plan de l’emploi qui sont le fait de certains groupes. La fonction publique fédérale étant le plus grand employeur au Canada, ses efforts touchent directement beaucoup de Canadiens tout en pouvant servir de modèle pour les autres employeurs.

La mesure la plus fondamentale menant à l’équité en matière d’emploi est la non-discrimination. La discrimination est interdite aux employeurs sous réglementation fédérale par l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi canadienne sur les droits de la personne et plusieurs traités internationaux auxquels le Canada adhère.

Par exemple, selon l’article 2 de la Convention concernant la discrimination (emploi et profession) de l’Organisation internationale du Travail, les États membres s’engagent à promouvoir l’« égalité de chances et de traitement en matière d’emploi et de profession, afin d’éliminer toute discrimination en cette matière ». Les fonctionnaires fédéraux qui vivent de la discrimination peuvent porter plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, démarche pouvant se conclure par une médiation ou une décision du Tribunal canadien des droits de la personne.

En plus de protéger les employés contre la discrimination, la fonction publique fédérale est censée promouvoir activement l’équité en matière d’emploi. Cela signifie tenir compte des conditions défavorables auxquelles sont confrontés certains groupes, dans le but d’avoir un effectif plus diversifié, fondé sur le mérite et basé sur l’égalité des chances.

La Loi sur l’équité en matière d’emploi – qui est entrée en vigueur en 1996 – traite essentiellement de quatre « groupes désignés » : les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les personnes qui font partie de minorités visibles ». (Il est question plus loin de la terminologie employée dans la Loi.)

La Loi exige de la fonction publique de faire plus que de traiter ces groupes comme les autres. Elle lui demande plutôt d’instaurer des politiques, des pratiques et des mesures raisonnables d’adaptation pour que les personnes dans les groupes désignés soient représentées dans la même mesure que dans la population active canadienne.

Pareillement, les mesures spéciales pour promouvoir l’équité en matière d’emploi dans la fonction publique sont encouragées par des traités internationaux que le Canada a ratifiés. Par exemple, en vertu de l’article 27 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, les États parties s’engagent à employer des personnes handicapées dans le secteur public.

De plus, depuis 2005, la Commission de la fonction publique doit, conformément à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, veiller à ce que la fonction publique observe le principe du mérite tout en étant représentative et présenter un rapport annuel au Parlement pour rendre compte de ces efforts.

Accroître la diversité et suivre la situation

Principales mesures de la fonction publique au chapitre de l’équité en matière d’emploi :

  • Publier des guides pour assurer l’équité dans les processus d’embauche;
  • Collaborer avec les réseaux de diversité fédéraux, y compris le Réseau des peuples autochtones, le Réseau des personnes handicapées, le Réseau des minorités visibles et le Caucus des employés fédéraux noirs;
  • Demander aux grandes organisations qui font affaire avec le gouvernement fédéral de s’efforcer d’embaucher une diversité de travailleurs;
  • Mener le Projet pilote sur le recrutement anonyme.

Une partie essentielle des efforts au chapitre de l’équité en matière d’emploi est le suivi des progrès au moyen de la collecte de données. Le tableau 1 montre les niveaux de représentation des groupes désignés dans la fonction publique fédérale en 2018-2019.

La disponibilité au sein de la population active (DPA) correspond à la proportion de la population active canadienne qui pourrait travailler dans la fonction publique fédérale. En 2018-2019, le gouvernement fédéral a atteint les repères relatifs à la DPA pour tous les groupes désignés, sauf celui des personnes handicapées. Toutefois, tous les groupes désignés sont sous-représentés aux postes de cadres par rapport à leur niveau d’emploi total. Depuis 2014-2015, les proportions de femmes et de membres de minorités visibles ont augmenté alors que la proportion d’Autochtones est restée la même et que celle d’employés handicapés a baissé.

Tableau 1 – Les groupes désignés dans la fonction publique fédérale, 2018-2019 (en %)

Groupe désigné Repère de la DPAa % de tous les employés % de tous les cadresb % de toutes les embauches et nominations % de toutes les promotions % de tous les départs
Femmes 52,7 54,8 50,2 56,5 60,4 57,3
Autochtones 4,0 5,1 4,1 4,1 4,8 5,1
Personnes handicapées 9,0 5,2 4,6 3,7 4,3 6,6
Membres des minorités visibles 15,3 16,7 11,1 19,3 18,7 9,8

Remarques : a : Le gouvernement fédéral a calculé la disponibilité au sein de la population active pour 2018-2019 avec les données recueillies lors du recensement de 2016 et de l’Enquête canadienne sur l’incapacité de 2017.
b : Comprend les groupes Direction et Gestion du droit. Ces groupes professionnels ne sont plus utilisés.
c : Comprend tous les départs : démissions et départs à la retraite.

Source : Tableau préparé par les auteurs avec des données obtenues du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, L’équité en matière d’emploi dans la fonction publique du Canada, p. 8, 28 et 30.

Le tableau 2 montre les échelles salariales des groupes visés par l’équité en matière d’emploi en 2018­-2019. À quelques exceptions près, les employés fédéraux des groupes désignés sont surreprésentés dans les échelles salariales inférieures et sous-représentés dans les échelles salariales supérieures.

Tableau 2 – Échelles salariales des groupes désignés, 2018-2019 (% du groupe désigné)

Groupe désignéa 0 à 34 999 $ 35 000 à 49 999 $ 50 000 à 74 999 $ 75 000 à 99 999 $ 100 000 $ et plus
Tous les employés 0,6 4,8 43,8 32,6 18,3
Femmes 0,6 6,0 50,2 28,2 14,9
Autochtones 0,6 5,3 48,1 34,0 12,0
Personnes handicapées 0,8 5,5 47,3 29,7 16,7
Membres des minorités visibles 0,5 5,0 46,2 30,9 17,2

Remarque : a : La somme des chiffres pourrait ne pas égaler 100 % du fait que certains ont été arrondis.
Source : Tableau préparé par les auteurs avec des données obtenues du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, L’équité en matière d’emploi dans la fonction publique du Canada, p. 29.

Principales difficultés

En dépit de certaines réussites au cours des dernières années, la fonction publique a des difficultés à surmonter pour diversifier son effectif.

Terminologie : Selon certains, la Loi sur l’équité en matière d’emploi définit certains groupes en des termes dépassés qui sont susceptibles de masquer les causes et les conséquences de l’inégalité. Par exemple, en anglais, le terme « Aboriginal » est un terme juridique qui décrit les Premières Nations ainsi que les peuples inuits et métis, bien que beaucoup de gens lui préfèrent le terme « Indigenous ». Le terme « personnes handicapées » se rapporte à un groupe diversifié de gens dont les expériences et les besoins peuvent différer. Pour des raisons semblables, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale a exprimé des préoccupations dans ses observations de 2007 au sujet de l’utilisation du terme « minorités visibles » par le Canada et a recommandé au Canada de « poursuivre sa réflexion » sur ses incidences.

Données : Bien que le gouvernement publie des données regroupées sur chaque groupe, dans bien des cas, il est impossible d’obtenir de l’information sur chaque sous-groupe (ex. : échelles salariales pour les employés d’une certaine origine ethnique). L’utilisation de données regroupées pourrait occulter des inégalités importantes entre des sous-groupes. En outre, certains laissent entendre que le gouvernement pourrait en faire plus pour publier et analyser les données intersectionnelles (sur les personnes qui appartiennent à plusieurs groupes, p. ex. les femmes autochtones). Il pourrait être nécessaire de faire plus d’études quantitatives pour s’attaquer aux causes profondes des inégalités. De plus, aux fins de la collecte de données, le gouvernement compte sur le fait que les employés se déclarent eux-mêmes membres d’un groupe désigné. Un grand nombre d’employés choisissent de ne pas s’auto-identifier, ce qui peut se traduire par des données incomplètes ou trompeuses.

Obstacles à l’emploi : Les obstacles socio-économiques peuvent aider à comprendre pourquoi les membres de certains groupes désignés sont moins susceptibles de postuler un emploi dans la fonction publique ou d’y être embauchés. Par exemple, les personnes handicapées et les Autochtones sont moins nombreux à postuler que ce que leur disponibilité dans la population active laisserait penser. Il est possible que cette tendance révèle des obstacles socio-économiques à l’emploi plus grands pour ces groupes. Il est aussi possible que le processus de dotation comporte des obstacles systémiques et que les groupes désignés soient confrontés à de la discrimination et à des préjugés (même implicites). En effet, les personnes handicapées, les Autochtones et les membres de minorités visibles sont moins susceptibles de percevoir les processus de dotation de la fonction publique comme étant transparents, justes et fondés sur le mérite.

Obstacles à l’avancement : Chaque groupe désigné est confronté à des obstacles uniques à l’avancement. Les taux de promotion sont plus faibles chez les employés autochtones et les employés handicapés que chez les membres des groupes non désignés. Alors que le taux de promotion de l’ensemble des femmes est plus élevé que celui des hommes, ce n’est pas le cas du taux de promotion des femmes des minorités visibles, qui est semblable à celui des hommes. En outre, le taux de promotion des employés autochtones à des postes de direction ou à des fonctions équivalentes est inférieur à celui des employés non autochtones. En ce qui concerne les groupes de relève de la direction, le taux de promotion des membres des minorités visibles est inférieur à celui de leurs homologues, alors que, pour tous les autres groupes, leur taux de promotion est supérieur. Au sein de la direction, le taux de promotion de tous les groupes désignés est inférieur à celui de leurs homologues.

Facteurs de départ : Les départs à la retraite, les démissions, les licenciements et les congédiements sont tous considérés comme des « départs ». Les taux de départs sont plus élevés que les taux d’embauche pour les personnes handicapées et les femmes, sans qu’on en connaisse vraiment les causes. Il y a peu d’études sur les taux de départs dans les groupes désignés. Parmi les facteurs pouvant contribuer au départ de ces employés, mentionnons de plus hauts taux de discrimination et de harcèlement que chez les autres groupes, ainsi que des préoccupations concernant des préjugés, le degré d’aménagement, les pratiques des cadres ou de la direction, la responsabilisation et la culture de la fonction publique. Des tendances d’ordre social peuvent aussi expliquer les départs. Par exemple, les employés exempts d’incapacité au moment d’être embauchés peuvent développer une incapacité à l’approche de la retraite. Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de démissionner, souvent pour cause d’insatisfaction professionnelle ou pour des motifs personnels ou familiaux.

Auteurs : Robert Mason et Ryan van den Berg, Bibliothèque du Parlement



Catégories :Emploi et travail, Gouvernement, Parlement et politique, Lois, justice et droits

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