Le pilotage maritime au Canada : en route vers la modernisation de la Loi sur le pilotage

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(Available in English: Marine Pilotage in Canada: En Route to Modernizing the Pilotage Act)

En mai 2017, Transports Canada a lancé l’Examen de la Loi sur le pilotage, un examen qui a mené à la publication d’un rapport final le 22 mai 2018. Celui-ci contenait 38 recommandations à l’intention du gouvernement du Canada, dont la révision des objectifs de la Loi, l’amélioration du modèle de gouvernance du pilotage au pays, l’uniformisation du système à l’échelle nationale et l’allègement du processus d’établissement des tarifs. C’est dans le cadre du projet de loi C-97, Loi n° 1 d’exécution du budget de 2019, sanctionné le 21 juin 2019, que le gouvernement du Canada a apporté des changements à la Loi.

Figure 1 – Les administrations de pilotage au Canada

 

Carte affichant les quatre administrations de pilotage au Canada : Pacifique, Grands Lacs, Laurentides et Atlantique.

Le système de pilotage canadien

Le pilotage consiste à la prise de contrôle d’un navire par des pilotes maritimes afin de guider celui-ci à travers les rivières, les ports, les lacs, les détroits et autres voies navigables. Selon le rapport de la Commission royale d’enquête sur le pilotage de 1968, l’exercice du pilotage au Canada remonte aux premiers jours de la colonie et est organisé sur le fleuve Saint-Laurent depuis plus de 200 ans.

L’adoption de la Loi sur le pilotage en 1972 a pavé la voie à la création de quatre administrations de pilotage au pays dont la mission consiste à régir et exploiter un service de pilotage efficace et sécuritaire dans une région déterminée. Chaque administration a l’exclusivité de l’offre de service de pilotage dans sa région respective.

Figure 2 – Zones de pilotage obligatoire sous l’autorité de l’Administration de pilotage du Pacifique

Cette carte illustre les zones de pilotage obligatoire sous l’autorité de l’Administration de pilotage du Pacifique, telles que définies dans la Loi sur le pilotage. Les zones de pilotage obligatoire se trouvent dans les eaux canadiennes de la province de Colombie-Britannique et ses environs. L’Administration de pilotage du Pacifique compte cinq zones de pilotage obligatoire désignées. Elles sont représentées sur la carte en bleu et délimitées par un contour bleu foncé.

Figure 3 – Zones de pilotage obligatoire sous l’autorité des administrations de pilotage des Grands Lacs et des Laurentides

Cette carte illustre les zones de pilotage obligatoire sous l’autorité de l’Administration de pilotage des Grands Lacs et de l’Administration de pilotage des Laurentides, telles que définies dans la Loi sur le pilotage. L’Administration de pilotage des Grands Lacs compte, d’est en ouest, les cinq zones de pilotage obligatoire désignées suivantes : - la circonscription de Cornwall, soit les eaux du fleuve Saint-Laurent entre le port de Montréal et la station d’embarquement de pilotes près de Cornwall; - la circonscription internationale no 1, soit les eaux du fleuve Saint-Laurent de la station d’embarquement de pilotes près de Cornwall à Kingston; - la circonscription du lac Ontario; - la circonscription internationale no 2, soit les eaux du canal Welland, du lac Érié et les eaux de communication entre le lac Érié et le lac Huron; - la circonscription internationale no 3, soit les eaux des lacs Huron, Michigan et Supérieur, y compris les eaux de communication. L’Administration de pilotage des Laurentides compte, du sud ou nord, les trois zones de pilotage obligatoire désignées suivantes : - la circonscription 1.1, soit les eaux du fleuve Saint-Laurent dans le port de Montréal; - la circonscription 1, soit les eaux du fleuve Saint-Laurent entre le port de Montréal et la ville de Québec; - la circonscription 2, soit les eaux du fleuve Saint-Laurent entre Québec et Les Escoumins ainsi que les eaux navigables de la rivière Saguenay.

Figure 4 – Zones de pilotage obligatoire sous l’autorité de l’Administration de pilotage de l’Atlantique

Cette carte illustre les zones de pilotage obligatoire sous l’autorité de l’Administration de pilotage de l’Atlantique, telles que définies dans la Loi sur le pilotage. Les zones de pilotage obligatoire se trouvent dans les eaux canadiennes des provinces de Terre-Neuve-et-Labrador, de l’Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, ainsi que dans leurs environs. L’Administration de pilotage de l’Atlantique compte 17 zones de pilotage obligatoire désignées. Elles sont représentées sur la carte par un cercle bleu foncé.

Cartes produites par la Bibliothèque du Parlement, Ottawa, 2020, à partir de données tirées de Ressources naturelles Canada (RNCan), « Entités administratives », Limites administratives au Canada – Série Canvec, 2019; RNCan, « Entités hydrographiques », Lacs, rivières et glaciers au Canada – Série Canvec, 2019; Natural Earth, 1:10m Cultural Vectors [en anglais], version 4.1.0; National Geospatial-Intelligence Agency, World Port Index [en anglais], consulté le 25 juin 2020; Administration de pilotage des Grands Lacs, Carte des circonscriptions de pilotage de la région des Grands Lacs; Administration de pilotage des Laurentides, Limites géographiques des activités; Administration de pilotage de l’Atlantique, Zones de pilotage obligatoire; et données fournies par l’Administration de pilotage du Pacifique concernant les zones de pilotage obligatoire. Les logiciels suivants ont été utilisés : Esri, ArcGIS Pro, version 2.5.0. Contient de l’information visée par la Licence du gouvernement ouvert – Canada.

En vertu de la Loi sur le pilotage, pour qu’un navire puisse naviguer à l’intérieur des zones de pilotage obligatoire, souvent situées près des côtes et des ports, il doit « se trouver sous la conduite d’un pilote breveté ou du titulaire d’un certificat de pilotage ». Un pilote doit donc se rendre à destination du navire, souvent grâce à un bateau-pilote s’il est en mer, monter à bord de celui-ci et le guider jusqu’à ce qu’il ait traversé la zone de pilotage obligatoire. Les types de navires visés par le pilotage obligatoire peuvent varier d’une administration à l’autre; ceux-ci incluent des navires cargos, des embarcations de plaisance d’une certaine grandeur ainsi que des plates-formes de forage pétrolier.

À l’heure actuelle, les quatre administrations établissent leurs zones de pilotage obligatoire, les catégories de navires assujettis au pilotage obligatoire et les circonstances dans lesquelles un navire peut bénéficier d’une dispense de pilotage obligatoire par l’entremise de règlements.

Les administrations peuvent embaucher des pilotes salariés ou recourir à des pilotes sous service contractuels. Cependant, lorsque la majorité des pilotes d’une région ou d’une zone donnée décident de se regrouper en corporation, les administrations peuvent louer les services de ces pilotes au moyen d’un contrat de louage de services. Lorsque cela se produit, les administrations de pilotage de cette région ou de cette zone ne peuvent pas embaucher de pilotes.

Dans le cas d’un litige entre les administrations de pilotage et les corporations de pilotes au sujet des termes des contrats de louage de services, un médiateur est désigné pour régler l’impasse. Si la mésentente persiste, un arbitre demandera à chaque partie de présenter une offre finale et il en choisira une dans son intégralité. Puisque le service de pilotage est obligatoire en vertu de la loi, celui-ci doit être maintenu durant le processus de médiation et d’arbitrage.

Tableau 1 – Le nombre de pilotes, de missions de pilotage et la moyenne de missions par pilote dans les quatre administrations de pilotage du Canada en 2019

 

Administrations de
pilotage

Pilotes Missions de pilotage

Moyenne de missions de pilotage par pilote

 

employés

contractuels

   
Atlantique 50 11 8 694 142
Laurentides 0 180 24 670 137
Grands Lacs 59 0 10 093 170
Pacifique 9 123 13 282 100
Total pour toutes les administrations 118 314 56 739 131
 

432

   

Note : Le nombre exacte de pilotes pour l’Administration de pilotage des Grands Lacs est de 59,1 en équivalent temps plein.
Source : Les données sur les pilotes employés et contractuels proviennent de : Administration de pilotage de l’Atlantique, Rapport annuel 2019; Administration de pilotage des Laurentides, Rapport annuel 2019; Administration de pilotage des Grands Lacs, Rapport annuel 2019; Administration de pilotage du Pacifique, Rapport annuel 2019. Les données sur le nombre de missions, le nombre total de pilotes par administration et la moyenne de missions de pilotage par pilote proviennent de Transports Canada, Les transports au Canada 2019 : Addenda statistique, 2019.

Les administrations de pilotage sont autonomes financièrement et ne perçoivent pas de crédits parlementaires. Leurs dépenses comprennent principalement les salaires des pilotes et les frais relatifs aux bateaux-pilotes. Quant aux revenus des administrations, ils proviennent surtout des montants payés par les navires (armateurs) qui empruntent les cours d’eau situés sur le territoire couvert par chaque administration. Les administrations établissent leurs propres tarifs (ou redevances) de droits de pilotage; ceux-ci peuvent être contestés auprès de l’Office des transports du Canada par toute personne selon certaines modalités.

Figure 5 – Dépenses et recettes des administrations de pilotage du Canada (2010 à 2019)

Graphique Atlantique : Le graphique démontre que les recettes de l’Administration de pilotage de l’Atlantique ont été supérieures aux dépenses pour la majorité de la décennie 2010, sauf en 2012, 2014 et 2015. Graphique Laurentides : Le graphique démontre que les recettes de l’Administration de pilotage des Laurentides ont surpassé les dépenses pour l’ensemble de la décennie 2010, sauf en 2018. Graphique Grands Lacs : Le graphique démontre que les recettes de l’Administration de pilotage des Grands Lacs ont surpassé les dépenses pour la majorité de la décennie 2010, sauf en 2015, 2016 et 2019. Graphique Pacifique : Le graphique démontre que les recettes de l’Administration de pilotage du Pacifique ont surpassé les dépenses pour une partie décennie 2010, sauf entre 2013 et 2017.

Source : Figure préparée par l’auteure à partir des données tirées de Transports Canada. Les transports au Canada 2019 : Addenda statistique, 2019.

Le Règlement général sur le pilotage spécifie certaines exigences concernant la santé et les qualifications relatives à la navigation pour les demandeurs de brevet ou de certificats de pilotage au pays. Chaque administration a actuellement le pouvoir d’imposer des critères supplémentaires pour la délivrance de brevets ou de certificats; les frais de délivrance de ceux-ci peuvent varier d’une administration à l’autre.

Modernisation de la Loi sur le pilotage

Selon Transports Canada, l’Examen de la Loi sur le pilotage visait à moderniser la Loi tout en conservant « les éléments qui contribuent à l’excellent dossier de sécurité du Canada en matière de pilotage ». Le projet de loi C-97, Loi n° 1 d’exécution du budget de 2019, a apporté plusieurs modifications à la Loi, notamment le fait que le ministre des Transports doit dorénavant procéder à un examen de la Loi tous les dix ans. Les sections ci-dessous fournissent un aperçu de certains changements apportés à la Loi. Il est à noter que certains ne sont pas encore entrés en vigueur.

A. Gouvernance

Afin d’améliorer « la clarté, la prévisibilité et l’uniformité des politiques à l’échelle nationale », le rapport sur l’examen a recommandé l’ajout d’un énoncé général ou d’un préambule à la Loi. Les modifications apportées par le projet de loi C-97 ont permis d’insérer une déclaration de principes pour la prestation des services de pilotage. Celle-ci doit notamment être efficace et efficiente, prendre en compte l’évolution des technologies et utiliser efficacement les outils de gestion du risque.

En ce qui concerne les nominations au sein des conseils d’administration de pilotage, la Loi interdit maintenant aux utilisateurs des services de pilotage et aux personnes qui offrent des services de pilotage d’être membres du conseil d’une administration de pilotage.

Certaines recommandations du rapport sur l’examen concernant la gouvernance n’ont pas été retenues, comme la fusion des administrations de pilotage des Laurentides et des Grands Lacs par exemple.

B. Main-d’œuvre

Le rapport sur l’examen a souligné la problématique du processus d’arbitrage en cas de mésentente entre les administrations de pilotage et les corporations de pilotes quant aux termes des contrats de louage de services, puisque ce processus ne tenait pas compte de la viabilité à long terme des administrations de pilotage (par exemple, lorsqu’une offre choisie par un arbitre n’est pas financièrement viable pour une administration). À cet effet, le rapport a recommandé que l’arbitre tienne compte du but et des principes de la loi, ce qui est maintenant le cas à la suite des modifications apportées par le projet de loi C-97. Notons que le contenu des contrats de louage de services sera désormais public.

Bien que le rapport sur l’examen a recommandé également que les pilotes employés puissent travailler dans les mêmes zones de pilotage que celles des corporations de pilotes, la Loi reste inchangée à cet égard.

C. Cadre de sécurité

Selon le rapport sur l’Examen de la Loi sur le pilotage, le taux de missions de pilotage sans accident s’élève à 99,9 % au Canada. À l’heure actuelle, chaque administration établit les règlements précisant les zones de pilotage obligatoire, le type et la taille des navires visés par le pilotage et les conditions dans lesquelles il peut y avoir dispense de pilotage obligatoire. Tel que recommandé par le rapport sur l’examen, le projet de loi C-97 transférera la responsabilité de la prise de règlements visant la prestation de services de pilotage des administrations au ministre des Transports. Le ministre des Transports deviendra également responsable de la délivrance des brevets et des certificats de pilotage.

Également, tel que recommandé dans le rapport sur l’examen, le projet de loi octroie un pouvoir accru d’application de la Loi au ministre des Transports, prévoit une augmentation des sanctions pécuniaires pour les infractions à la Loi et conférera au ministre la responsabilité des évaluations du risque.

D. Tarifs

Le rapport sur l’examen a souligné la durée et la lourdeur du processus réglementaire de modification des taux tarifaires et a recommandé que les administrations de pilotage aient le « plein pouvoir » de fixer les tarifs, tout en maintenant le processus de consultation auprès des parties prenantes. Selon Transports Canada, l’ensemble du processus d’établissement des taux tarifaires, incluant les consultations et l’approbation du gouverneur en conseil, dure en moyenne de six à huit mois. Le projet de loi C-97 a remplacé le terme « tarifs des droits de pilotage » par celui de « redevances » et exige que les administrations de pilotage établissent les redevances par résolution et non plus par règlement. À cet égard, chaque administration doit publier sur son site Web un avis pour toute proposition visant à établir ou à réviser une redevance de pilotage.

Cela dit, contrairement à ce qui était recommandé dans le rapport sur l’examen, toute personne (et non seulement les parties prenantes) peut commenter la proposition et déposer un avis d’opposition auprès de l’Office des transports du Canada.

Ressources supplémentaires

Division des affaires juridiques et sociales, Résumé législatif du projet de loi C-97 : Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2019 et mettant en œuvre d’autres mesures, publication n°42-1-C97-F, Ottawa, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, le 25 juin 2019.

Loi sur le pilotage, L.R.C. 1985, ch. P-14, Modifications non en vigueur.

Transports Canada, Discussion sur l’Examen de la Loi sur le pilotage, octobre 2017.

Transports Canada, Examen de la Loi sur le pilotage : Sommaires de recherche, février 2018.

Transports Canada, Examen de la Loi sur le pilotage : Mémoires, mars 2018.

Auteure : Geneviève Gosselin, Bibliothèque du Parlement



Catégories :Industrie, entreprises et commerce, Lois, justice et droits

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