Les déchets d’équipements électriques et électroniques (déchets électroniques) sont constitués de gros appareils ménagers, de petits appareils (comme les téléphones ou les ordinateurs), de câbles usés, de piles et d’ampoules fluorescentes. En 2019, 53,6 millions de tonnes de déchets électroniques ont été produites à l’échelle mondiale, soit l’équivalent du poids de plus de 350 paquebots de croisière, et cette quantité risque d’augmenter de 40 % d’ici 2030.
Comme les déchets électroniques contiennent à la fois des substances toxiques et des métaux précieux, ils ne devraient pas être éliminés avec les déchets ordinaires. Une gestion formelle de ce type de déchets s’impose pour mieux exploiter les matières premières qu’ils renferment et pour protéger l’environnement et la santé des travailleurs. Afin de mieux comprendre l’enjeu que représentent ces déchets, la présente Note de la Colline propose de se pencher sur les considérations environnementales et les mouvements transfrontaliers associés à leur gestion. Sur le même thème, une Note de la Colline publiée récemment traite de la valorisation des déchets électroniques et de la législation les encadrant.
Considérations environnementales
En 2019, 82,6 % des déchets électroniques produits à l’échelle mondiale ont été envoyés dans des sites d’enfouissement, brûlés ou traités de manière informelle. Et comme ces déchets contiennent des substances toxiques, tels le mercure et le plomb, ces méthodes d’élimination entraînent des répercussions néfastes sur l’environnement [en anglais] et sur la santé des travailleurs. Par exemple, 50 tonnes de mercure se retrouvent chaque année dans les flux mondiaux de déchets électroniques non documentés. Le rejet de substances toxiques dans des sites d’enfouissement contamine les sources d’eau souterraine et les sols, alors que leur incinération libère des composés toxiques dans l’air. Dans le secteur informel, les travailleurs qui gagnent leur vie en récupérant des métaux précieux des sites d’enfouissement risquent d’être exposés à des centaines de substances nocives. Les enfants, qui représentent une part importante des travailleurs du secteur informel, sont particulièrement vulnérables à ces substances.
Ces répercussions négatives sont surtout ressenties dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où le recyclage des métaux précieux contenus dans les déchets électroniques est une source de revenus importante et où l’infrastructure de gestion est principalement informelle ou absente. La figure 1 offre un aperçu de la gestion des déchets électroniques dans le monde.
Figure 1 – Aperçu de la gestion des déchets électriques et électroniques dans le monde
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Vanessa Forti, et al., Suivi des déchets d’équipements électriques et électroniques à l’échelle mondiale pour 2020 : Quantités, flux et possibilités offertes par l’économie circulaire, rapport, Université des Nations Unies.
L’Union européenne (UE) s’est dotée en 2003 d’une directive pour empêcher l’utilisation de 10 substances [en anglais] potentiellement nocives pour les humains et l’environnement, comme le cadmium, le mercure et le plomb, dans l’équipement électrique et électronique (EEE). Tous les produits comportant un composant électrique et électronique, sauf exception, doivent respecter ces restrictions. Au Canada, en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), le gouvernement fédéral est tenu de maîtriser et de prévenir les risques que posent les substances toxiques. La liste de substances toxiques gérée sous cette loi est mise à jour périodiquement. Par ailleurs, il convient de noter que les EEE contiennent plusieurs des substances figurant sur cette liste, et notamment du mercure. Un projet de règlement sur certaines substances toxiques, qui introduirait des restrictions sur la fabrication, l’utilisation, la vente et l’importation de produits les contenant, a été annoncé en 2022, mais n’est pas encore entré en vigueur.
Gestion régionale et internationale des mouvements transfrontaliers
Aperçu des mouvements transfrontaliers
La gestion des déchets électroniques n’est pas l’apanage des pays qui les produisent, mais passe par un ballet complexe d’importations et d’exportations qu’on appelle mouvements transfrontaliers (ou transfrontières). Ces mouvements ne sont pas sans comporter leur lot de difficultés, notamment en ce qui a trait à leur quantification. Plusieurs raisons expliquent toutefois la difficulté liée à la quantification des mouvements transfrontaliers des déchets électroniques [en anglais]. En voici quelques-unes :
- Les déchets électroniques gérés de façon informelle posent un problème de traçabilité.
- Des déchets électroniques sont parfois désignés comme EEE réparables plutôt que comme déchets, et ce, dans le but d’être exportés pour réparation, afin d’éviter les coûts qu’engendrerait leur gestion au pays.
- Les rapports nationaux [en anglais] exigés au titre de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination (la Convention) ne contiennent pas de données détaillées sur les mouvements transfrontaliers des matières dangereuses, comme il n’est pas obligatoire de les fournir.
- La collecte de données sur les déchets électroniques n’est pas harmonisée entre les pays.
Malgré le manque de données, l’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche a estimé [en anglais] qu’en 2019, près de 10 % de la quantité mondiale de déchets électroniques a traversé les frontières nationales et près de 65 % de ces mouvements ont été effectués de façon non contrôlée. La figure 2 présente un aperçu des mouvements transfrontaliers, contrôlés et non contrôlés, des déchets électroniques.
Figure 2 – Aperçu des mouvements transfrontaliers des déchets électriques et électroniques
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de C.P. Baldé, et al., Global Transboundary E-waste Flows Monitor 2022 [en anglais], rapport, Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche.
Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination
La Convention est le principal traité international régissant les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux. Ratifiée par 189 pays, dont le Canada, elle est axée sur la prévention des schémas de commerce de déchets dangereux préjudiciables à l’environnement et à la société.
La Convention classe les déchets en fonction de leurs propriétés chimiques et de leurs caractéristiques dangereuses intrinsèques, mais certains types de déchets sont explicitement considérés comme dangereux ou nécessitant des considérations particulières. Les parties ont modifié les annexes de la Convention [en anglais] en 2022 pour ajouter les déchets électroniques à la liste des déchets nécessitant une considération particulière. Ces modifications entreront en vigueur en 2025. De plus, la Convention exige des parties qu’elles réduisent au minimum la production de déchets dangereux et de déchets nécessitant des considérations particulières et qu’elles assurent leur élimination et leur transport en toute sécurité.
En vertu de la Convention, les pays importateurs de déchets doivent donner leur consentement préalable en connaissance de cause avant de recevoir des déchets dangereux ou nécessitant des considérations particulières. Les parties peuvent conclure des accords distincts avec d’autres parties ou avec des non-parties, tant que ces accords ne sont pas « moins respectueux de l’environnement » que les dispositions de la Convention. Par exemple, depuis 1986, le Canada et les États-Unis sont liés par l’Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d’Amérique concernant les déplacements transfrontaliers de déchets dangereux qui définit les conditions administratives de l’exportation, de l’importation et du transport des déchets dangereux entre les deux pays. Plus de 98 % des déplacements transfrontaliers de déchets dangereux du Canada se font avec les États‑Unis.
En 2019, un amendement d’interdiction [en anglais] de la Convention est entré en vigueur. En vertu de cet amendement, les membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l’UE, et le Liechtenstein n’ont pas le droit d’exporter des déchets dangereux vers des pays non membres de l’OCDE en vue de leur élimination, de leur récupération ou de leur recyclage. Environ la moitié des parties à la Convention, dont le Canada, n’ont pas encore ratifié cet amendement. Entre-temps, le Canada peut encore exporter légalement, lorsqu’il obtient le consentement préalable, des déchets dangereux ou de l’EEE réparable vers tout pays non membre de l’OCDE qui n’a pas non plus ratifié l’amendement. Plusieurs groupes environnementaux ont demandé au gouvernement canadien de ratifier l’amendement [en anglais].
Comme le montre la figure 2, malgré la Convention, plusieurs pays, le Canada y compris, exportent encore des déchets électroniques vers des pays à revenu faible ou intermédiaire, sans obtenir leur consentement préalable. Par exemple, des rapports du Basel Action Network ont noté que le Canada [en anglais], les États-Unis [en anglais] et l’Australie [en anglais] exportaient illégalement des cargaisons de déchets électroniques en Asie. Le manque de données sur les mouvements transfrontaliers et le manque de surveillance de ces mouvements dans la plupart des pays peuvent contribuer aux exportations illégales.
Pistes d’action
Plusieurs pays et organisations se mobilisent pour améliorer la gestion régionale et internationale des déchets électroniques. Par exemple, l’Union Internationale des télécommunications, l’Université des Nations Unies (par le biais de son programme Sustainable Cycles) et l’International Solid Waste Association ont fondé le Global E‑Waste Statistics Partnership [en anglais] pour répondre aux défis associés à la gestion des déchets électroniques, dont le manque de données internationales. L’initiative StEP [en anglais] rallie des parties prenantes issues de divers secteurs pour trouver des solutions au problème mondial de la gestion des déchets électroniques. Disposer de meilleures données [en anglais] permettrait de fixer des objectifs de réduction, de suivre les progrès dans le temps et d’établir de meilleures politiques. Cela pourrait aussi contribuer à prévenir les exportations illégales et le recyclage informel, tout en encourageant le recyclage formel.
En mars 2023, Environnement et Changement climatique Canada a lancé des consultations sur les modifications proposées au Règlement sur les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de matières recyclables dangereuses pour ajouter notamment une nouvelle disposition qui interdirait l’exportation de déchets dangereux et de matières recyclables dangereuses et qui permettrait ainsi au Canada de s’aligner aux obligations découlant de l’amendement d’interdiction de la Convention.
Au terme d’une conférence [en anglais], qui a eu lieu en mai 2023, les parties à la Convention et d’autres parties prenantes ont décidé d’élaborer des directives pour la création d’inventaires de déchets électroniques dans le but de mieux distinguer l’EEE susceptible d’être réellement réparé des simples déchets électroniques lors de l’exportation.
Par Sarah Lemelin-Bellerose, Bibliothèque du Parlement
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