Les déchets d’équipements électriques et électroniques : une mine urbaine à fort potentiel

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Introduction

Les déchets d’équipements électriques et électroniques (déchets électroniques) sont constitués d’équipements électriques et électroniques (EEE) dont on ne se sert plus, tels les gros appareils ménagers, les petits appareils (comme les téléphones ou les ordinateurs), les câbles usés, les piles et les ampoules fluorescentes. Selon le Global e-Waste Partnership [en anglais], en 2019, le Canada a généré 757 kilotonnes (kt) de déchets électroniques, soit l’équivalent du poids de près de 40 000 autobus.

Comme les déchets électroniques contiennent des substances toxiques (tels le mercure et le plomb), des métaux précieux et des minéraux critiques, ils ne devraient pas être éliminés avec les déchets ordinaires. Une gestion adéquate de ce type de déchets s’impose donc pour protéger l’environnement et mieux exploiter les matières premières qu’ils renferment. La présente Note de la Colline traite du potentiel économique des déchets électroniques.

Potentiel économique des déchets d’équipements électriques et électroniques

Les déchets électroniques sont parfois qualifiés de « mine urbaine », car ils contiennent plusieurs métaux précieux et minéraux critiques. En 2019, la quantité de déchets électroniques produits à l’échelle mondiale était estimée à 53 600 kt et la valeur des matières premières se trouvant dans leur composition s’élevait à plusieurs dizaines de milliards de dollars américains.

Figure 1 – Quantité et valeur potentielle des matières premières présentes dans les déchets d’équipements électriques et électroniques dans le monde en 2019

Matières premières : • Fer : 20 466 kilotonnes d’une valeur de 24 645 millions de dollars américains. • Or : 0,2 kilotonne d’une valeur de 9 481 millions de dollars américains. • Argent : 1,2 kilotonne d’une valeur de 579 millions de dollars américains. Minéraux critiques : • Cuivre : 1 808 kilotonnes d’une valeur de 10 960 millions de dollars américains. • Aluminium : 3 046 kilotonnes d’une valeur de 6 062 millions de dollars américains. • Cobalt : 13 kilotonnes d’une valeur de 1 036 millions de dollars américains. • Antimoine : 76 kilotonnes d’une valeur de 644 millions de dollars américains. • Indium : 0,2 kilotonne d’une valeur de 17 millions de dollars américains. • Bismuth : 0,1 kilotonne d’une valeur de 1,3 million de dollars américains. • Germanium : 0,01 kilotonne d’une valeur de 0,4 million de dollars américains.

Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Vanessa Forti et al., Suivi des déchets d’équipements électriques et électroniques à l’échelle mondiale pour 2020 : quantités, flux et potentiel pour l’économie circulaire.

Comme l’explique l’Agence internationale de l’énergie [en anglais], développer davantage l’industrie du recyclage pour récupérer les minéraux et les métaux permettrait de diminuer, en partie, la pression actuelle sur l’industrie minière, qui est très sollicitée dans le développement de technologies à faible émission de carbone et dans la production d’EEE. Par exemple, en 2019, la demande mondiale de fer, d’aluminium et de cuivre pour la production de nouveaux EEE s’élevait à environ 39 000 kt, et on estimait qu’environ 25 000 kt de ces matériaux se trouvaient dans les déchets électroniques produits cette même année.

Toutefois, compte tenu de la grande variété d’EEE, de leur constante évolution et du fait qu’ils contiennent des substances toxiques, les technologies de recyclage actuellement disponibles ne sont pas encore assez avancées pour permettre la mise en place de filières de recyclage économiquement viables pour tous les types d’EEE.

Aperçu de la gestion des déchets d’équipements électriques et électroniques au Canada et à l’étranger

Données internationales

Malgré l’important potentiel économique que représente le recyclage des déchets électroniques, une grande partie de ceux-ci n’est pas collectée. Par exemple, à l’échelle mondiale, en 2019, seulement 17 % des déchets électroniques ont été répertoriés comme ayant été officiellement collectés et recyclés. Voici le taux de collecte [en anglais] dans certains pays :

  • Canada : 14 %
  • Allemagne : 52 %
  • Australie : 11 %
  • Croatie : 78 %
  • États-Unis : 15 %
  • Finlande : 61 %
  • France : 56 %
  • Royaume-Uni : 57 %
  • Suède : 70 %

Ainsi, on remarque que l’Australie, le Canada et les États-Unis ont de faibles taux de collecte de déchets électroniques, alors que plusieurs pays européens ont des taux de collecte élevés. Ces écarts s’expliquent, en partie, par la législation et les initiatives mises en place dans ces pays.

Gestion des déchets électroniques au Canada

Au Canada, il n’existe pas de législation spécifique pour encadrer la gestion des déchets électroniques, mais certaines lois fédérales ont des répercussions directes sur celle-ci, notamment La loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) et le Règlement sur certaines substances toxiques interdites (2012).

Le gouvernement canadien a aussi établi des normes environnementales et sécuritaires pour régir le recyclage des déchets électroniques. L’Association pour le recyclage des produits électroniques (ARPE), une organisation à but non lucratif, s’est quant à elle vu confier la responsabilité de s’assurer que les recycleurs certifiés respectent les exigences prévues par ces normes.

La figure 2 propose un aperçu de la gestion des déchets électroniques au Canada et quelques données sur leur recyclage.

Figure 2 – Aperçu de la gestion de fin de vie des déchets d’équipements électriques et électroniques au Canada

Le Canada produit plusieurs centaines de kilotonnes de déchets électroniques par année, mais n’en recycle qu’une petite partie. Pour se débarrasser des équipements électriques et électroniques, les ménages canadiens les apportent à des centres de récupération, les entreposent, les donnent, les jettent aux ordures, les réparent ou les vendent. En fin de vie, les déchets électroniques suivent ce parcours : • Ils sont apportés à des centres de récupération, puis transportés vers un point de groupage et réemballés. • De là, ils sont envoyés dans des centres de recyclage certifiés où les équipements sont désassemblés. • L’aluminium, le cuivre, l’argent, l’or, le verre et le plastique sont récupérés en vue d’être traités. • Les déchets électroniques non recyclables sont acheminés vers les sites d’enfouissement, exportés ou réparés.

Sources : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Environnement et Changement climatique Canada, Étude économique sur l’industrie, les marchés et les déchets du plastique au Canada, 2019; de Statistique Canada, Suivre le fil de l’élimination des déchets textiles et électroniques ménagers au Canada, 15 février 2022; de Recycle my electronics, The Journey of End-of-Life Electronics [en anglais]; de Association pour le recyclage des produits électroniques, Recycleurs certifiés; de C. P. Baldé et al., United Nations University, International Telecommunication Union & International Solid Waste Association, « Canada », The Global E‑waste Monitor – 2017 [en anglais]; et de Vanessa Forti et al., Suivi des déchets d’équipements électriques et électroniques à l’échelle mondiale pour 2020 : quantités, flux et possibilités offertes par l’économie circulaire.

Ce sont les gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux [en anglais] qui sont principalement responsables des programmes de recyclage des déchets électroniques dans leurs régions. De façon générale, ceux-ci privilégient le modèle de la responsabilité élargie des producteurs, qui oblige les manufacturiers et les détaillants d’EEE à veiller au recyclage des produits en fin de vie. La plupart des entreprises s’acquittent de cette tâche en facturant des écofrais aux consommateurs.

La mise en œuvre des normes et la surveillance des programmes régionaux de gestion des déchets électroniques relèvent surtout des sections régionales de l’ARPE, sauf dans le cas de l’Alberta, des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon qui ont leur propre programme de recyclage provincial. Le Nunavut est la seule région qui ne dispose pas d’un programme de recyclage des déchets électroniques.

Les types d’EEE pouvant être recyclés varient d’une région à l’autre. Cette situation fait en sorte qu’il est souvent plus difficile de recycler certains déchets électroniques dans les régions rurales et éloignées. En plus des programmes mis sur pied par les différents ordres de gouvernement, il existe également des programmes d’initiatives volontaires ainsi que des programmes mis en place par l’industrie.

Gestion des déchets électroniques à l’étranger

Aux États-Unis, il n’y a pas de réglementation officielle pour encadrer la gestion des déchets électroniques. En 2011, le gouvernement américain a toutefois lancé la National Strategy for Electronics Stewardship (NSES) [en anglais], qui détaille son plan pour améliorer la gestion des déchets électroniques. La United States Environmental Protection Agency [en anglais] soutient la NSES et travaille de concert avec les gouvernements et les responsables de l’environnement sur le plan local et international pour gérer les déchets électroniques.

L’Union européenne (UE) a adopté différentes mesures pour soutenir le recyclage des déchets électroniques. Par exemple, en 2012, elle a publié la Directive relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques qui fixe des objectifs pour leur collecte, leur valorisation et leur recyclage. Des consultations sont en cours pour déterminer si la directive est toujours adaptée à ses objectifs. L’UE a aussi publié un rapport sur les diverses options [en anglais] qui existent pour améliorer le recyclage des déchets électroniques.

En Australie, le gouvernement fédéral a lancé en 2011 le National Television and Recycling Scheme [en anglais] financé par l’industrie. Il permet aux petites entreprises et aux ménages australiens de recycler certains déchets électroniques gratuitement (p. ex. les téléviseurs, les ordinateurs, les imprimantes et autres périphériques).

Pistes d’action

Plusieurs pistes d’action peuvent être envisagées pour augmenter la quantité de métaux et minéraux récupérés grâce au recyclage des déchets électroniques. Celles-ci peuvent notamment viser à :

  • encourager une plus grande collecte de déchets électroniques, en augmentant par exemple le nombre de points de collecte et les EEE pouvant être collectés et en s’assurant que les déchets électroniques ne sont pas exportés, de sorte que le Canada ait accès aux minéraux critiques qu’ils contiennent (p. ex., le Canada pourrait harmoniser les programmes de collecte entre les régions [en anglais] afin d’augmenter les types d’EEE pouvant être collectés);
  • améliorer la transparence et l’efficience des filières de recyclage des déchets électroniques et la communication entre les parties impliquées (p. ex. le Canada pourrait centraliser certaines opérations de recyclage [en anglais], car la plupart des provinces disposent d’installations de tri et de démantèlement, mais doivent transporter un volume important de matériaux vers d’autres régions du pays, ce qui est onéreux et chronophage);
  • investir dans la recherche et le développement [en anglais] pour diminuer les coûts de recyclage;
  • améliorer la collecte de données pour mieux orienter les politiques publiques en ce qui concerne le processus de recyclage des déchets électroniques, notamment le type et la quantité de déchets électroniques recueillis aux différents points de collecte;
  • mettre en place des incitatifs pour que les entreprises fabriquent des EEE plus faciles à recycler.

Par ailleurs, l’Agence internationale de l’énergie a souligné dans un rapport sur le rôle des minéraux critiques dans la transition écologique [en anglais] que les mesures mises en place par les gouvernements jouent un rôle essentiel dans la quantité de déchets électroniques collectés et dans la valorisation de leur potentiel.

Conclusion

Les déchets électroniques représentent une mine urbaine avec un important potentiel économique, particulièrement dans un contexte où les minéraux critiques et les métaux précieux sont de plus en plus convoités. Les différents ordres de gouvernement ont un rôle à jouer pour mettre en place des politiques adéquates et coordonner leurs actions pour que le Canada exploite pleinement le potentiel de ses ressources et devienne un leader dans la gestion des déchets électroniques.

Par Sarah Lemelin-Bellerose, Bibliothèque du Parlement



Catégories :Agriculture, environnement, pêches et ressources naturelles, Industrie, entreprises et commerce

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