La Déclaration sur les droits et responsabilités des athlètes du Comité International Olympique (CIO) stipule que les athlètes ont droit à la protection de leur santé mentale et physique – ce qui comprend notamment une protection contre le harcèlement – et qu’ils ont la responsabilité de dénoncer le harcèlement et les abus. À ce titre, ces actes constituent une violation [en anglais] des droits des athlètes.
Récemment, au Canada, plusieurs athlètes ont dénoncé publiquement le harcèlement et les abus dont ils étaient victimes dans la pratique de leur sport. Par exemple, en janvier 2021, les joueuses de l’équipe nationale sénior de rugby féminin à sept ont déposé une plainte visant leur entraîneur, ce qui a poussé Rugby Canada à ouvrir une enquête à ce sujet. Par ailleurs, en 2022, Gymnasts for Change Canada [en anglais], un groupe représentant plus de 500 gymnastes et alliés, a appelé le gouvernement fédéral à confier à une tierce partie le mandat d’amorcer une enquête judiciaire indépendante pour faire la lumière sur les allégations de maltraitance de gymnastes.
La présente Note de la Colline se penche sur l’enjeu du harcèlement et des abus dont des athlètes sont victimes dans la pratique de leur sport, plus particulièrement sur la prévalence des mauvais traitements à l’endroit d’athlètes des équipes nationales canadiennes et sur certaines mesures adoptées par le gouvernement du Canada afin d’y remédier.
Le harcèlement et les abus dans le sport
Tous les athlètes ont le droit d’évoluer dans un environnement sportif sain, respectueux, équitable et exempt de harcèlement et d’abus. Les premiers efforts [en anglais] pour protéger les athlètes et favoriser un environnement sportif sécuritaire se sont concentrés autour du harcèlement et des abus sexuels. Les travaux de plusieurs chercheurs ont permis de définir d’autres dimensions des formes de violence dont peuvent être victimes les athlètes, par exemple les violences individuelles, relationnelles (qui regroupent les violences psychologique et sexuelle) et structurelles.
En 2016, dans sa déclaration de consensus sur le harcèlement et les abus (violence non accidentelle) dans le sport [en anglais], le CIO a élargi la portée de sa précédente déclaration qui ne traitait que du harcèlement et des abus sexuels. Ainsi, le CIO reconnaît que le harcèlement et les abus peuvent prendre différentes formes, en combinaison ou isolément, et peuvent être associés à une variété de facteurs identitaires, comme l’illustre la figure 1.
Figure 1 – Contexte, formes et conséquences du harcèlement et des abus dans le sport
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Margo Mountjoy, Celia Brackenridge, Malia Arrington, et al., « The IOC Consensus Statement: harassment and abuse (non-accidental violence) in sport » [en anglais], British Journal of Sports Medicine, vol. 50, no 17, 26 avril 2016, p. 1019-1029.
Certains groupes d’athlètes sont plus susceptibles d’être victimes de harcèlement et d’abus ou ont des besoins de protection particuliers, notamment les femmes, les enfants, les athlètes handicapés et les personnes aux deux esprits, lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queers, intersexuées et d’autres minorités sexuelles et de genre (2ELGBTQI+).
Les connaissances scientifiques actuelles [en anglais] démontrent que les athlètes membres des communautés 2ELGBTQI+ sont régulièrement victimes de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre dans leur sport. Selon les résultats de l’étude internationale Out on the Field [en anglais] publiés en 2015, 82 % des participants s’identifiant comme lesbiennes, gais ou bisexuels ont indiqué avoir été témoins ou victimes d’actes homophobes dans leur sport. Le sondage OUTSPORT [en anglais] mené en Europe en 2019 a aussi mis en évidence des différences importantes au sein des communautés 2ELGBTQI+. On y rapporte que :
- les personnes transgenres étaient trois fois plus susceptibles de déclarer avoir vécu des expériences négatives dans le monde sportif que les personnes cisgenres (36 % comparativement à 12 %);
- les personnes transgenres étaient plus susceptibles de se sentir exclues ou d’arrêter de pratiquer certains sports en raison de leur identité de genre que les personnes lesbiennes, gaies ou bisexuelles.
Étendue des mauvais traitements dans le sport au Canada
Afin d’évaluer la prévalence des expériences de mauvais traitements, un sondage a été mené en 2019 auprès de plus de 1000 athlètes actuels ou à la retraite des équipes nationales canadiennes. Il s’agissait alors de la première étude de ce type en plus de 20 ans. La forme de mauvais traitements la plus fréquemment rapportée par les athlètes était la violence psychologique (p. ex. cris, insultes, humiliation) suivie de la négligence (p. ex. traitement inégal, entraînement forcé malgré une blessure).
Pour tous les types de mauvais traitements, la proportion de femmes ayant signalé avoir été victimes d’au moins une forme de mauvais traitement était significativement plus élevée que celle des hommes.
Figure 2 – Proportion des répondants ayant signalé avoir été victimes d’au moins une forme de mauvais traitement, par statut et genre
Note : Un des répondants au sondage ayant signalé avoir été victimes d’au moins une forme de violence a indiqué une identité de genre autre que « homme » ou « femme ».
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Gretchen Kerr, Erin Willson, et Ashley Stirling, Prévalence des mauvais traitements chez les athlètes, tant anciens qu’actuels, de l’équipe nationale, 30 avril 2019, p. 14.
Bien que certaines recherches soulignent que les jeunes athlètes handicapés sont plus susceptibles d’être victimes de harcèlement et d’abus, les résultats du sondage mené auprès des athlètes des équipes nationales canadiennes en 2019 ne montrent pas de différences statistiquement significatives de la prévalence de la maltraitance chez les para-athlètes et chez les athlètes sans handicap. Toutefois, deux fois plus de para-athlètes que d’athlètes sans handicap ont signalé avoir vécu des situations où leurs besoins essentiels n’étaient pas comblés (20 % comparativement à 9 %). Les auteurs de cette étude ont souligné la nécessité de mener davantage de recherches sur les expériences de maltraitance chez les para‑athlètes afin d’élaborer des stratégies de prévention de la maltraitance adaptées à leur situation unique.
Malgré le fait que le Canada a obtenu le meilleur « score d’inclusion [en anglais] » parmi les pays à l’examen, les résultats de l’étude Out on the Field de 2015 montrent que les actes homophobes demeurent répandus dans le sport au Canada [en anglais] : 53 % des participants canadiens gais, lesbiennes ou bisexuels ont indiqué avoir été victimes de tels actes (57 % des athlètes gais et 45 % des athlètes lesbiennes).
Au cours des dernières années, plusieurs athlètes canadiens [en anglais] ont dénoncé le racisme et la discrimination dont ils ont été victimes dans le cadre de la pratique de leur sport, mais aussi dans la société canadienne plus largement. Selon Femmes et Sport au Canada et l’E-Alliance, davantage de recherches sur l’expérience des Noirs, des Autochtones et des personnes racisées dans le monde sportif doivent être menées afin de bien comprendre les expériences de ces personnes et d’éliminer les obstacles auxquels elles peuvent être confrontées.
Actions du gouvernement fédéral et du Parlement du Canada
En collaboration avec les différents ordres de gouvernement et les organismes nationaux de sport (ONS), le gouvernement fédéral joue un rôle important afin d’assurer aux athlètes un environnement sportif sain.
En 2017, le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes a présenté le rapport Les femmes et filles dans le sport, dans lequel il explore l’enjeu du harcèlement sexuel dans le sport. Ce comité a recommandé au gouvernement fédéral de s’appuyer « sur les initiatives visant à éliminer le harcèlement et les abus dans le sport canadien et [de] continue[r] d’appuyer les activités qui rendent le sport plus sécuritaire et plus accessible ».
De plus, le 31 octobre 2022, le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes a convenu d’entamer une étude sur le sport et la condition féminine, notamment en ce qui concerne la santé physique et émotionnelle et la sécurité des femmes et des filles dans les sports.
L’engagement du gouvernement du Canada à l’égard de la création d’un environnement sportif sain et sécuritaire prend plusieurs formes, notamment les suivantes :
- Le Centre de règlements des différends sportifs du Canada (CRDSC) : En 2021, le gouvernement du Canada a mandaté le CRDSC afin qu’il mette sur pied un mécanisme indépendant de gestion des plaintes d’abus dans le sport. Ce mécanisme doit prévoir la mise en œuvre d’un code de conduite et assurer un processus neutre et sécuritaire de signalement des incidents. L’engagement entourant la mise en œuvre de ce mécanisme a été réitéré la même année dans la lettre de mandat de la ministre des Sports.
- Le Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport (CCUMS) : Élaboré à la suite de consultations auprès de la communauté sportive, ce code a été publié au nom des ONS, des organismes de services multisports et des membres du Réseau des instituts du sport olympique et paralympique du Canada. Tous les organismes qui reçoivent du financement dans le cadre du Programme de soutien au sport de Patrimoine canadien doivent intégrer les principes de ce code dans leurs activités.
- Le Bureau du commissaire à l’intégrité dans le sport (BCIS) : Le BCIS est un organisme indépendant chargé de recevoir les plaintes portant sur des violations présumées du CCUMS. En avril 2022, le CRDSC a nommé Sarah-Ève Pelletier à titre de commissaire à l’intégrité dans le sport au Canada. Le BCIS a entrepris ses activités le 20 juin 2022. Le gouvernement du Canada a d’ailleurs annoncé que tous les ONS devront, progressivement, utiliser les services du BCIS.
- La Ligne d’assistance du sport canadien : Le gouvernement fédéral finance ce service créé en 2019 et géré conjointement par le CRDSC et le Centre canadien de la santé mentale et du sport [en anglais]. Cette ligne offre aux témoins et aux victimes membres de la communauté sportive du soutien, de l’écoute et des conseils en cas de harcèlement, d’abus ou de discrimination.
Ressources supplémentaires
Comité International Olympique. Cadre du CIO sur l’équité, l’inclusion et la non-discrimination sur la base de l’identité sexuelle et de l’intersexuation.
Comité International Olympique. Protéger les athlètes contre le harcèlement et les abus dans le sport – Référentiel du CIO pour les FI et les CNO en relation avec la création et la mise en place des politiques et procédures de protection des athlètes.
Donnelly, Peter et Gretchen Kerr. Revising Canada’s Policies on Harassment and Abuse in Sport: A Position Paper and Recommendations, Centre for Sport Policy Studies, août 2018 [en anglais].
Gouvernement du Canada. Groupe de travail sur l’équité des genres dans le sport de la ministre des Sciences et des Sports.
Secrétariat des conférences intergouvernementales canadiennes. Déclaration de Red Deer – Pour la prévention du harcèlement, de l’abus et de la discrimination dans le sport.
Par Gabrielle de Billy Brown et Dominique Montpetit, Bibliothèque du Parlement
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