Impôt sur le revenu des sociétés au Canada : recettes, taux et justification

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Les gouvernements financent les biens et les services qu’ils offrent de diverses façons, notamment par l’imposition, l’investissement et l’emprunt.

La première de ces façons, l’imposition, peut prendre plusieurs formes. Au Canada, les sources qui contribuent à financer les initiatives fédérales comprennent notamment l’impôt sur le revenu des sociétés, l’impôt sur le revenu des particuliers, les taxes à la consommation et les cotisations de sécurité sociale.

La présente Note de la Colline fournit de l’information au sujet des recettes, des taux et de la justification concernant l’impôt fédéral sur le revenu des sociétés au Canada. D’autres Notes se penchent sur l’impôt sur le revenu des particuliers, les taxes à la consommation et les cotisations de sécurité sociale.

Recettes

La figure 1 montre qu’en 2019–2020, les recettes provenant de l’impôt sur le revenu des sociétés se sont chiffrées à 50,1 milliards de dollars, soit 12,3 % de la totalité des recettes fiscales et des cotisations de sécurité sociale fédérales.

Figure 1 – Recettes fiscales et cotisations de sécurité sociales fédérales, 2019–2020 (milliards de dollars)

La figure 1 est un graphique à colonnes indiquant les montants des différentes sources de recettes fiscales et de cotisations de sécurité sociale fédérales pour 2019–2020. Au cours de cette année, la source la plus importante a été l’impôt sur le revenu des particuliers (167,6 milliards de dollars), suivie par les cotisations de sécurité sociale (94,1 milliards de dollars), les taxes à la consommation (56,5 milliards de dollars), l’impôt sur le revenu des sociétés (50,1 milliards de dollars) et les autres impôts, taxes et revenus (37,7 milliards de dollars).Notes : Par « cotisations de sécurité sociale », on entend les cotisations au Régime de pensions du Canada et au Régime de rentes du Québec (RPC et RRQ), ainsi que les cotisations à l’assurance-emploi. Le RRQ ne s’applique qu’au Québec, et le RPC s’applique dans le reste du Canada. Aux fins de cette figure, les cotisations au RRQ sont combinées avec celles au RPC, d’où le terme « fédérales ».
Les « taxes à la consommation » sont la taxe sur les produits et services, la taxe de vente harmonisée, les taxes sur l’énergie, les droits de douane à l’importation, les autres taxes et droits d’accise ainsi que les redevances sur les combustibles.
Par « autres impôts, taxes et revenus », on entend l’impôt sur le revenu des non-résidents, les recettes des sociétés d’État entreprises fédérales et entités similaires, les recettes nettes sur les opérations de change et les recettes provenant d’autres programmes.
Sources : Figure préparée par Nathalie Pothier de la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de : Statistique Canada, «
 Tableau 10-10-0015-01 : Situation des opérations des administrations publiques et bilan, statistiques de finances publiques (x 1 000 000) », base de données, consultée le 16 février 2021 (pour les valeurs du RPC et du RRQ); et Receveur général du Canada, Comptes publics du Canada 2020, Volume 1, 2020.

Taux

Les sociétés canadiennes doivent se conformer aux règles fiscales applicables. Les entreprises enregistrées et les travailleurs autonomes sont imposés au taux de l’impôt des particuliers, mais le revenu imposable d’une société correspond à ses recettes dont on soustrait :

  • les dépenses actuelles, qui sont déductibles dans l’année où elles sont payées et qui comprennent les salaires, les honoraires, les loyers, les intrants de production et l’intérêt à payer sur les emprunts;
  • les achats de biens d’équipement, comme les bâtiments et la machinerie, qui sont déduits au fil du temps en fonction de taux prescrits pour les diverses catégories de biens amortissables;
  • les pertes d’entreprises, qui peuvent être déduites pour les années passées ou au cours d’années subséquentes.

En outre, les sociétés canadiennes paient des impôts sur leur revenu imposable gagné partout dans le monde, tandis que les sociétés étrangères paient des impôts sur leur revenu imposable gagné au Canada.

Les sociétés paient le taux d’imposition de base des sociétés, à 38 %, et jouissent de réductions dans certains cas. Les sociétés qui paient des impôts provinciaux ou territoriaux ont droit à un abattement d’impôt fédéral de 10 points de pourcentage, ce qui fait passer leur taux d’imposition à 28 %.

Le tableau 1 montre les taux d’imposition effectifs qui ont été appliqués à divers types de revenu des sociétés au cours de certaines années entre 1960 et 2020.

Tableau 1 – Taux d’imposition fédéral sur le revenu des sociétés, certaines années, 1960–2020 (%)

  Taux d’imposition net sur le revenu général des sociétés Taux d’imposition sur le revenu des sociétés tiré de la fabrication et de la transformation Taux d’imposition des sociétés, avec déduction pour petites entreprises Taux de la surtaxe des sociétés
1960 8,0 %<25 000 $
37,0 %>25 000 $
8,0 %<25 000 $
37,0 %>25 000 $
8,0 %<25 000 $
37,0 %>25 000 $
0
1970 8,0 %<35 000 $
37,0 %>35 000 $
8,0 %<35 000 $
37,0 %>35 000 $
8,0 %<35 000 $
37,0 %>35 000 $
1,50
1980 36,0 30,0 15,0 1,80
1990 28,0 24,5 12,0 0,84
2000 28,0 21,0 12,0 1,12
2001 27,0 21,0 12,0 1,12
2002 25,0 21,0 12,0 1,12
2003 23,0 21,0 12,0 1,12
2004–2007 21,0 21,0 12,0 1,12
2008 19,5 19,5 11,0 0
2009 19,0 19,0 11,0 0
2010 18,0 18,0 11,0 0
2011 16,5 16,5 11,0 0
2012–2015 15,0 15,0 11,0 0
2016 15,0 15,0 10,5 0
2017 15,0 15,0 10,5 0
2018 15,0 15,0 10,0 0
2019–2020 15,0 15,0 9,0 0

Source : Tableau préparé par Nathalie Pothier de la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1, diverses années, 21 janvier 2020.

Après 1973, les bénéfices tirés d’activités de fabrication et de transformation ont donné droit à une réduction du taux d’imposition. En 2004, la réduction du taux général a atteint le pourcentage de la réduction du taux relatif aux activités de fabrication et de transformation. Par conséquent, le traitement fiscal préférentiel des bénéfices provenant de ces activités a été éliminé. De même, depuis octobre 2000, les secteurs de l’économie qui n’avaient pas encore droit à d’autres réductions de taux sont maintenant admissibles à une réduction générale du taux pour le revenu admissible; cette réduction est actuellement de 13 %.

Selon le montant de capital imposable employé au Canada, les petites sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC) font l’objet d’un taux d’imposition inférieur à celui des autres sociétés. La déduction pour petite entreprise dépend du revenu de la SPCC et de son plafond des affaires. Les taux suivants s’appliquent :

  • SPCC ayant un capital imposable inférieur à 10 millions de dollars – 9 % sur la première tranche de 500 000 $ de revenu imposable, qui représente le plafond des affaires;
  • SPCC ayant un capital imposable se situant entre 10 et 15 millions de dollars – le plafond des affaires de 500 000 $ en revenu imposable pour les petites entreprises est réduit de 1 $ par tranche de 10 $ de capital excédant 10 millions de dollars.

Les SPCC dont le revenu imposable dépasse 15 millions de dollars ne sont pas admissibles à la déduction accordée aux petites entreprises.

Pour les années d’imposition postérieures à 2018, le plafond des affaires pour petites entreprises est réduit pour les SPCC dont le revenu de placement dépasse 50 000 $. Pour calculer la réduction, on multiplie par cinq le montant du revenu de placement total dépassant 50 000 $; si le revenu atteint 150 000 $, le plafond des affaires est éliminé. La réduction du plafond des affaires pour petites entreprises d’une SPCC correspond à la plus élevée de deux réductions, à savoir la réduction liée au capital imposable excédant 10 millions de dollars et la réduction liée au revenu de placement excédant 50 000 $.

À partir de 1968, le gouvernement fédéral a imposé aux sociétés une surtaxe de 3 % de leur taux d’imposition général. Cette surtaxe a été éliminée en 1972, puis rétablie pour la plupart des années entre 1980 et 2007 selon un taux allant de 2,5 à 5 %, selon l’année. Cette surtaxe a de nouveau été éliminée à compter de janvier 2008.

Le gouvernement fédéral s’est mis à imposer le capital des institutions financières en 1985, et celui des grandes sociétés en 1989 (pour les grandes sociétés, l’impôt sur le capital a été éliminé en janvier 2006). Les institutions financières sont toujours soumises à un impôt de 1,25 % sur le capital imposable employé au Canada au-delà de 1 milliard de dollars, mais elles peuvent réduire leur impôt fédéral sur le capital en fonction du montant d’impôt fédéral qu’elles versent.

Les réductions du taux d’imposition fédéral sur le revenu des sociétés que le Canada a accordées au fil des ans correspondent à la tendance mondiale. Selon la base de données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui contient des données sur l’impôt des sociétés de 109 pays, 76 pays ont abaissé leur taux d’imposition sur le revenu des sociétés entre 2000 et 2020; au cours de cette période, 7 pays ont augmenté leurs taux, et 13 pays n’y ont apporté aucun changement.

La figure 2 montre les taux d’imposition sur le revenu des sociétés prévus par la loi, tous ordres de gouvernement confondus, de pays de l’OCDE choisis, pour diverses années.

Figure 2 – Taux d’imposition des sociétés prévus par la loi, tous ordres de gouvernement confondus, certains pays, 2000, 2006, 2012 et 2020

La figure 2 est un graphique à colonnes qui montre les taux d’imposition des sociétés prévus par la loi pour tous les ordres de gouvernement dans certains pays pour certaines années entre 2000 et 2020. Les pays sélectionnés sont les suivants : Irlande, Allemagne, Canada, Royaume-Uni, États-Unis, Italie, Finlande, Pays-Bas, Espagne, Japon, Suède, Norvège, France, Mexique, Australie et Corée du Sud. Pour chacun des pays sélectionnés, le taux d’imposition des sociétés prévu par la loi était plus bas en 2020 qu’en 2000.Source : Figure préparée par Nathalie Pothier de la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de l’Organisation de coopération et de développement économiques, « Table II.1. Statutory Corporate income tax rate », base de données, consultée le 16 juin 2021.

Si les taux d’imposition des sociétés prévus par la loi permettent de comparer l’impôt sur le revenu des sociétés d’un pays à l’autre, ils ne tiennent pas compte des différences entre ces pays dans la définition du « revenu imposable », des incitations fiscales disponibles ou des autres impôts ou taxes que les sociétés peuvent avoir à payer. Par conséquent, les économistes utilisent parfois d’autres mesures pour évaluer dans quelle mesure un pays est « compétitif sur le plan fiscal ».

L’une des façons dont les économistes évaluent la compétitivité fiscale consiste à calculer – et à comparer – les taux effectifs marginaux d’imposition (TEMI) des pays, qui, selon le ministère des Finances du Canada, est une mesure plus complète de la compétitivité fiscale que le taux d’imposition des sociétés prévu par la loi. Le TEMI est un indicateur du niveau d’imposition des nouveaux investissements des entreprises. Il tient compte de l’imposition par les différents ordres de gouvernement et de divers aspects du régime fiscal, comme les déductions, les crédits d’impôt et les autres impôts.

En raison des liens géographiques, économiques et autres entre le Canada et les États-Unis, les entreprises peuvent tenir compte de divers facteurs pour décider du pays dans lequel elles feront des investissements. La Tax Cuts and Jobs Act de 2017 des États-Unis a réduit le taux d’imposition fédéral sur le revenu des sociétés du pays et a mis en œuvre d’autres mesures fiscales. Par conséquent, le TEMI des États‑Unis a chuté. Le 21 novembre 2018, le gouvernement fédéral du Canada a apporté des modifications fiscales qui ont fait baisser le TEMI du pays. Les changements comprenaient l’autorisation de passer immédiatement en charges les machines et équipements utilisés dans la fabrication et la transformation de biens.

Justification

Par le biais de la Loi taxant les profits d’affaires pour la guerre, le gouvernement fédéral du Canada a introduit un impôt sur le revenu des sociétés en 1916 pour aider à financer la participation du pays à la Première Guerre mondiale.

L’impôt sur le revenu des sociétés présente à la fois des inconvénients et des avantages. En ce qui concerne les inconvénients, bien que l’objectif du régime fiscal canadien soit de n’imposer le revenu qu’une seule fois, le revenu peut être imposé deux fois : lorsqu’il est gagné par une société, puis lorsque les actionnaires reçoivent des dividendes qui sont imposés comme un revenu personnel.

De plus, l’imposition du revenu des sociétés peut avoir des conséquences négatives sur l’investissement, les finances des entreprises, les consommateurs et les employés. Par exemple, étant donné que l’impôt sur le revenu des sociétés s’applique au retour sur investissement, il peut affecter la décision d’une société d’effectuer de nouveaux investissements.

En ce qui concerne le financement des entreprises, la déductibilité des intérêts du revenu imposable peut conduire les sociétés à recourir davantage à la dette qu’aux capitaux propres pour financer leurs investissements, ce qui présente un risque plus élevé de défaut ou de faillite.

En ce qui concerne les consommateurs et les employés, la charge de l’impôt sur le revenu des sociétés peut être transférée aux premiers par une hausse des prix et/ou aux seconds par une baisse de la rémunération. Selon un rapport de 2012 de l’Association canadienne d’études fiscales, une grande partie de cette charge est transférée aux employés.

Cela dit, il existe des raisons de maintenir un régime d’impôt sur le revenu des sociétés. Premièrement, plutôt que de distribuer immédiatement tous les revenus de la société aux actionnaires sous forme de dividendes qui seront imposés comme des revenus personnels, la société peut conserver une partie des revenus sous forme de bénéfices non distribués, ce qui peut faire augmenter le prix des actions et générer des gains en capital pour les actionnaires. Étant donné que les gains en capital sont traités comme un revenu personnel des actionnaires seulement après la vente des actions et la réalisation des gains, le prélèvement d’un impôt sur les sociétés permet de collecter plus rapidement les recettes fiscales.

Deuxièmement, une partie, sinon la totalité, du revenu des sociétés peut être distribuée à des actionnaires étrangers, où l’imposition du revenu de source canadienne est conforme aux conventions fiscales. Selon les dispositions des conventions, il est possible que ces revenus de source canadienne ne soient pas imposés. Dans ce cas, l’imposition canadienne du revenu des sociétés garantirait la perception d’au moins une partie des recettes fiscales.

Le Canada, reconnaissant que l’imposition du revenu des sociétés présente des avantages, a mis en place des mesures pour limiter au moins un de ses inconvénients : la double imposition. Par exemple, la valeur des impôts payés par les sociétés canadiennes est retournée aux actionnaires par le biais du crédit d’impôt pour dividendes, ce qui réduit l’incidence de la double imposition.

Ressources connexes

Heather Kerr, Ken McKenzie et Jack Mintz (dir.), Tax Policy in Canada, l’Association canadienne d’études fiscales, Toronto, 2012, p. 7–31.

Agence du revenu du Canada, Tableaux statistiques sur les sociétés (années d’imposition 2012 à 2016), 31 décembre 2018.

Agence du revenu du Canada, Guide T2 – Déclaration de revenus des sociétés – Avant de commencer, 19 mars 2021.

Auteurs : Simon Richards et Brett Stuckey, Bibliothèque du Parlement



Catégories :Économie et finances

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