Le partenariat régional économique global : un aperçu

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Le 15 novembre 2020, 15 pays ont signé le Partenariat régional économique global (Regional Comprehensive Economic Partnership, RCEP), un accord commercial régional regroupant l’Australie, la Chine, la Corée du Sud, le Japon et la Nouvelle-Zélande ainsi que les 10 pays membres de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) : le Brunéi Darussalam, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, le Myanmar, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam. Les négociations du RCEP avaient été amorcées en 2012 par les 15 pays susmentionnés ainsi que l’Inde; ce pays a toutefois annoncé son retrait du RCEP en 2019 après que le premier ministre indien [en anglais] ait indiqué que certaines préoccupations du pays n’avaient pas été considérées dans l’accord.

S’il est mis en œuvre, le RCEP formerait la plus grande zone de libre-échange en termes de produit intérieur brut (PIB) devant celles établies par l’Accord Canada–États-Unis–Mexique et le marché unique de l’Union européenne (UE).

Aperçu du contenu de l’accord

Le texte légal de l’accord RCEP [en anglais] comprend 20 chapitres couvrant, entre autres, le commerce des biens et des services, l’investissement, les marchés publics, la propriété intellectuelle et le commerce électronique.

L’accord devrait éliminer approximativement 90 % des droits de douane perçus sur les marchandises échangées entre ses pays membres au terme d’une libéralisation échelonnée sur plus de 20 ans. En comparaison, la proportion des droits de douane éliminés par l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), dont fait partie le Canada, sera d’environ 98 % une fois sa mise en œuvre complétée.

Selon une analyse [en anglais] réalisée par le Asian Trade Centre, les concessions tarifaires prévues dans le RCEP excluent plusieurs produits considérés sensibles, notamment dans les secteurs agricoles.

Puisqu’il réunit des pays ayant des niveaux de développement économique très différents, l’accord offre une latitude à ses membres quant à la mise en œuvre de certaines dispositions. C’est le cas, notamment, des échéanciers concernant l’entrée en vigueur de certaines obligations, par exemple en matière de facilitation des échanges, qui varient significativement selon le pays signataire.

Les pays ont aussi adopté différentes approches relatives à leurs listes de concessions tarifaires et de services couverts par l’accord : certains proposent par exemple une liste tarifaire unique s’appliquant à tous les membres alors que d’autres accordent des concessions tarifaires variables selon le partenaire. Le texte de l’accord qui en résulte est donc complexe et volumineux.

Des accords de libre-échange (ALE) existent déjà entre plusieurs des signataires du RCEP. Par exemple, la Chine a des ALE bilatéraux avec plusieurs autres pays membres du RCEP. Sept pays signataires de l’accord sont également signataires du PTPGP alors que des ALE existent entre l’ANASE et chacun des autres membres du RCEP dans le cadre des accords « ANASE+1 ». Bien que la portée de l’accord puisse sembler limitée à certains égards, des observateurs [en anglais] soulignent que le RCEP se démarque particulièrement par le fait qu’il contribuerait à harmoniser les règles qui gouvernent les relations commerciales de plusieurs pays de l’Asie-Pacifique.

Figure 1 – Parties aux négociations du Partenariat régional économique global

Cette carte illustre les quinze pays membres du Partenariat régional économique global dans la région Asie-Pacifique. Les quinze pays membres sont l'Australie, le Brunéi Darussalam, le Cambodge, la Chine, l'Indonésie, le Japon, le Laos, la Malaisie, le Myanmar, la Nouvelle-Zélande, les Philippines, Singapour, la Corée du Sud, la Thaïlande et le Vietnam. La carte illustre également l'Inde. L'Inde s'est retirée du Partenariat régional économique global en novembre 2019.

Source : Carte produite par la Bibliothèque du Parlement, Ottawa, 2021, au moyen des données de Natural Earth, 1.50m Cultural Vectors [en anglais], version 4.1.0.  Les logiciels suivants ont été utilisés : Esri, ArcGIS PRO version 2.7.2.

Les règles d’origine de l’accord, soit les critères qui permettent d’établir la provenance d’un produit dans le but de déterminer si celui-ci est admissible au traitement préférentiel conféré par l’accord, constituent peut-être la caractéristique la plus importante du RCEP. D’une part, l’accord établit des règles d’origine communes [en anglais] : un seul certificat d’origine pourrait alors être utilisé dans l’ensemble de la zone commerciale créée par le RCEP, permettant ainsi aux entreprises de réduire certains coûts associés au commerce. D’autre part, l’accord établit des règles d’origine souples [en anglais] : dans la plupart des cas, celles-ci permettraient qu’un bien soit considéré comme provenant de la région si seulement 40 % du contenu provient de la région formée par les pays signataires du RCEP. Cette souplesse pourrait donc permettre aux entreprises de diversifier et d’optimiser leurs chaînes d’approvisionnement.

L’accord est jugé moins ambitieux [en anglais] que d’autres accords commerciaux régionaux, y compris le PTPGP. Par exemple, il ne contient pas de chapitre sur l’environnement, sur le travail ou sur les entreprises d’État. Aussi, ses dispositions sur l’investissement, la propriété intellectuelle et le commerce électronique sont considérées comme moins étendues ou approfondies que celles contenues dans le PTPGP.

Le RCEP entrera en vigueur 60 jours suivant sa ratification par au moins six des 10 pays membres de l’ANASE et au moins trois des cinq autres pays signataires de l’accord. À ce jour, des observateurs [en anglais] estiment que le RCEP pourrait entrer en vigueur d’ici la fin de l’année 2021 ou au début de l’année 2022. L’adhésion de tout autre pays ou territoire douanier pourrait être considérée à compter de 18 mois suivant son entrée en vigueur; l’adhésion de l’Inde, identifiée par les pays signataires [en anglais] du RCEP comme un partenaire régional d’importance, pourrait quant à elle être considérée immédiatement après la mise en œuvre de l’accord.

Portée économique et géopolitique

Le RCEP représente un développement significatif du point de vue de l’économie mondiale : ses signataires représentent environ 30 % de la population mondiale et regroupent 29 % du PIB mondial selon les données [en anglais] de la Banque mondiale. Il serait aussi le premier ALE à réunir les trois principales économies d’Asie : la Chine, le Japon et la Corée du Sud, respectivement les 2e, 3e et 12e économies mondiales.

L’accord rassemble les pays d’une région en croissance économique rapide et où se concentre déjà une part importante [en anglais] des chaînes de valeur mondiales. Des observateurs [en anglais] pensent que le RCEP renforcerait la position de l’Asie-Pacifique comme pôle commercial mondial et rendrait la région encore plus attrayante pour les investisseurs.

Une simulation [en anglais] réalisée par des économistes montre que le RCEP stimulerait les échanges de biens et de services entre les pays signataires de façon significative et pourrait ajouter de 186 à 209 milliards de dollars US par an aux revenus mondiaux d’ici 2030. Les trois principales économies d’Asie seraient celles qui profiteraient le plus des retombées économiques du RCEP selon la même simulation.

Le RCEP pourrait aussi avoir une incidence du point de vue de la géopolitique. Certains observateurs [en anglais] remarquent par exemple que le RCEP offrirait à la Chine une plateforme lui permettant d’accroître son influence en Asie-Pacifique. Il convient de rappeler que la conclusion du RCEP survient dans le contexte du retrait des États-Unis du Partenariat transpacifique, une initiative qui visait selon le Président Obama [en anglais] à s’assurer que les États-Unis « rédigent » les règles commerciales dans l’Asie-Pacifique « plutôt que de laisser la Chine les rédiger pour eux ».

Des analystes [en anglais] pensent toutefois qu’il ne faut pas exagérer le rôle joué par la Chine ou négliger celui exercé par l’ANASE dans la négociation du RCEP.

Incidence possible pour le Canada

Le Canada devra tenir compte du RCEP alors qu’il cherche à renforcer ses relations économiques dans la région de l’Asie-Pacifique.

Le Canada a déjà un accord bilatéral avec la Corée du Sud ainsi qu’un accord avec l’Australie, le Brunéi Darussalam, le Japon, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, Singapour et le Vietnam dans le cadre du PTPGP. Toutefois, le Canada n’a pas d’accord bilatéral avec la Chine, la troisième destination en importance des exportations canadiennes après les États-Unis et l’UE, ou avec l’ANASE, que plusieurs voient comme une région à privilégier pour diversifier les relations commerciales du Canada. À cet égard, le Canada a annoncé en 2019 la conclusion de discussions exploratoires avec l’ANASE en vue d’un possible ALE, mais il a annoncé en 2020 l’abandon [en anglais] des négociations d’un ALE avec la Chine. La figure 2 montre les principaux accords commerciaux de la région de l’Asie-Pacifique, ainsi que les accords commerciaux du Canada avec leurs parties.

Figure 2 – Principaux accords commerciaux de la région de l’Asie-Pacifique et accords du Canada avec leurs parties

Ce diagramme illustre les pays membres du Partenariat régional économique global, de l’Association des Nations de l'Asie du Sud-Est, de l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste et de l’Accord de libre-échange Canada-Corée. Les pays membres du Partenariat régional économique global sont : l'Australie, le Brunéi Darussalam, le Cambodge, la Chine, l'Indonésie, le Japon, le Laos, la Malaisie, le Myanmar, la Nouvelle-Zélande, les Philippines, Singapour, la Corée du Sud, la Thaïlande et le Vietnam. Les pays membres de l’Association des Nations de l'Asie du Sud-Est sont : le Brunéi Darussalam, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, le Myanmar, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam. Les pays membres de l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste sont : l’Australie, le Brunéi Darussalam, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam. Les pays membres de l’Accord de libre-échange Canada-Corée sont : le Canada et la Corée du Sud.

Note : * Indique les pays qui n’ont pas ratifié l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) en date du 25 mars 2021.

Source : Figue réalisée par les auteurs à partir d’informations tirées de : Organisation mondiale du commerce, Accords Commerciaux Régionaux : Base de données [en anglais].

Certains produits canadiens exportés vers des pays signataires du RCEP avec lesquels le Canada n’a pas d’ALE pourraient être désavantagés par rapport à ceux provenant d’autres pays signataires du RCEP. Par exemple, la Canada West Foundation [en anglais] a publié une analyse préliminaire suggérant que des exportations canadiennes pourraient faire face dans certains marchés du RCEP à une compétition accrue en provenance de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, puisque ceux-ci pourraient profiter de meilleures conditions d’accès au marché en vertu de leur adhésion à l’accord.

Ressources supplémentaires

Association des Nations de l’Asie du Sud-Est. « Summary of the Regional Comprehensive Econcommerceomic Partnership Agreement », 15 novembre 2020 [en anglais].

Baliño, Sofia. « With RCEP Agreement Signed, Eyes Turn to Interactions Among Trade Deals in the Asia-Pacific Region », International Institute for Sustainable Development, 25 novembre 2020 [en anglais].

Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement. Key Statistics and Trends in Trade Policy 2020 : The Regional Comprehensive Economic Partnership, 20 janvier 2021 [en anglais].

Elms, Deborah K. « Getting RCEP across the Line », World Trade Review, 19 février 2021 [en anglais].

Ferrantino, Michael Joseph, Maryla Maliszewska, et Svitlana Taran, « Actual and Potential Trade Agreements in the Asia-Pacific : Estimated Effects », Working Paper No. 9496, Banque Mondiale, décembre 2020 [en anglais].

Leblond, Patrick. « Digital Trade: Is RCEP the WTO’s Future? », Centre for International Governance Innovation, 23 novembre 2020 [en anglais].

Park, Suzie. « The Rise of Asia-Pacific Regionalism in Trade Agreements Following the U.S. Withdrawal from the Trans-Pacific Partnership », Journal of International Law And Politics, vol. 53, 6 décembre 2020 [en anglais].

Véron, Emmanuel, et Emmanuel Lincot. « La Chine au cœur de la plus grande zone de libre-échange de la planète », The Conversation, 18 novembre 2020.

Auteurs : Anne-Marie Therrien-Tremblay et Pascal Tremblay, Bibliothèque du Parlement



Catégories :Industrie, entreprises et commerce

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