Au Canada, comme à l’étranger, plusieurs parties prenantes travaillent avec acharnement depuis quelques années au développement des technologies quantiques, car celles-ci pourraient avoir des répercussions importantes sur de nombreux secteurs. Par ailleurs, le gouvernement canadien a lancé sa stratégie quantique nationale le 13 janvier 2023.
Technologie quantique 101
La physique quantique – science sur laquelle reposent les technologies quantiques – a pour objet l’étude du comportement des particules subatomiques. Ce comportement est plus aisément observable lorsque ces particules sont regroupées dans un ensemble cohérent, qu’on appelle « système quantique ». Grâce à leurs propriétés issues des comportements de la matière à l’échelle atomique et subatomique, les systèmes quantiques pourraient s’avérer très puissants. Si les systèmes informatiques classiques utilisent des signaux contenant de l’information binaire (0 ou 1) mesurée en bits, les systèmes quantiques s’appuient plutôt sur de l’information mesurée en bits quantiques ou qubits, qui peut représenter à la fois 0 ou 1, ou toute combinaison de 0 et de 1 en superposition.
Ce phénomène de superposition des qubits permet à l’ordinateur quantique de traiter l’information de manière à accomplir plusieurs tâches simultanément, ce qui explique sa puissance de calcul exponentiellement supérieure (comme le montre la figure 1) à celle d’un ordinateur classique, par exemple.
Figure 1 – Comparaison entre la puissance de traitement d’un ordinateur classique et d’un ordinateur quantique
Sources : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Catherine Florès, « Les constructeurs de l’avenir quantique », Magazine Poly, Polytechnique Montréal, 1er mars 2019; et de IBM Canada, Diriger la notoriété industrielle et universitaire du Canada vers une stratégie quantique nationale, 2021.
Les ordinateurs quantiques seront particulièrement utiles pour résoudre les problèmes combinatoires [en anglais], c’est-à-dire des problèmes dont la finalité est l’organisation de plusieurs éléments pour trouver la solution optimale. Alors que l’ordinateur classique doit essayer toutes les permutations possibles pour trouver la solution, l’ordinateur quantique peut effectuer ces tâches simultanément.
La figure 2 présente des exemples de problèmes combinatoires qui pourraient être résolus par les ordinateurs quantiques.
Figure 2 – Exemples de solutions aux problèmes combinatoires que les ordinateurs quantiques pourraient apporter dans divers secteurs
Sources : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Francesco Bova, Avi Goldfarb et Roger Melko, « Commercial applications of quantum computing », EPJ Quantum Technology, vol. 8, no 2, 2021 [en anglais]; de Francesco Bova, Avi Goldfarb et Roger Melko, « Quantum Computing Is Coming. What Can It Do? », Harvard Business Review, 16 juillet 2021 [en anglais] [abonnement requis]; et de Marc Haddad et al., L’Informatique Quantique : la 5e révolution, PricewaterhouseCoopers, 2019.
La technologie quantique permet de sécuriser les communications notamment grâce à la distribution quantique de clés (DQC), un ensemble de protocoles permettant de créer des clés de chiffrement privées. Grâce à la DQC, deux parties qui souhaitent communiquer peuvent utiliser des systèmes quantiques pour produire des clés de chiffrement privées pour assurer la confidentialité des renseignements échangés entre elles. Étant donné la sensibilité et la complexité des systèmes quantiques, il est impossible de copier ou de cloner les clés, car les parties qui partagent des données sécurisées pourraient détecter les tentatives d’interception des clés.
Les capteurs quantiques [en anglais] exploitent les propriétés quantiques pour effectuer des mesures plus sensibles et plus précises que les capteurs classiques, ce qui pourrait ouvrir la voie à des avancées techniques, telles que la création de systèmes de navigation résistant au piratage des systèmes GPS, entre autres.
Répercussions potentielles
Cybersécurité
Les systèmes quantiques pourraient briser les systèmes de cryptographie actuels. Ces derniers reposent sur des échanges de clés de sécurité pour décrypter des données sécurisées. Les ordinateurs classiques ne disposent pas de la puissance nécessaire pour décrypter ces clés dans un délai raisonnable, mais les ordinateurs quantiques pourraient atteindre cette puissance, leur permettant ainsi de briser n’importe quelle clé de chiffrement publique et d’accéder à des données protégées par les technologies actuelles. Selon certains experts, ces systèmes quantiques pourraient être accessibles d’ici 2030.
Pour cette raison, des chercheurs s’emploient à renforcer les systèmes actuels de sécurité des données. Il faut comprendre que, d’après certains experts, les systèmes quantiques pourraient mener à une modification des codes actuels. Par conséquent, des chercheurs travaillent aussi au développement de systèmes quantiques permettant de sécuriser la transmission de données, notamment en utilisant la DQC. À la fin de 2022, le gouvernement américain a adopté la Quantum Computing Cybersecurity Preparedness Act [en anglais], qui reconnaît les risques que pose l’informatique quantique pour les codes actuels et qui exige la mise en place de mesures visant à sécuriser les systèmes informatiques aux États-Unis.
Économie et emploi
Les initiatives canadiennes en matière de technologies quantiques, notamment en informatique quantique, contribueront grandement à l’économie du Canada. La figure 3 montre des estimations des retombées économiques (y compris les effets indirects et induits) du développement des technologies quantiques au Canada au cours des prochaines décennies.
Figure 3 – Prévisions des retombées économiques de l’industrie des technologies quantiques au Canada
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir des données tirées de Innovation, Sciences et Développement économique Canada, Consultations sur la Stratégie quantique nationale : Ce que nous avons entendu.
La gestion des talents constitue un enjeu dans le développement de l’industrie quantique, tant sur le plan national qu’international. Dans un document publié dans le cadre des consultations publiques pour l’élaboration d’une stratégie quantique nationale, Innovation, Sciences et Développement économique Canada souligne que des efforts constants sont nécessaires pour constituer le bassin de talents nécessaire dans cette industrie.
Le manque de diversité de la main-d’œuvre dans le domaine des sciences naturelles et appliquées, et plus particulièrement dans celui des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM), représente également un enjeu au pays. Comme le montre la figure 4, les femmes occupent une proportion minoritaire des emplois dans les STIM.
Figure 4 – Groupes sélectionnés dans les professions en STIM et dans les professions liées aux STIM comparés à l’ensemble de la main-d’œuvre canadienne en 2021
Note : STIM désigne le domaine des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Statistique Canada, « Tableau 98-10-0454-01 : Profession (STIM et autre que STIM) selon les minorités visibles, le statut des générations, l’âge et le genre – Canada, provinces et territoires, régions métropolitaines de recensement et agglomérations de recensement y compris les parties », base de données, consultée le 30 janvier 2023.
À cela s’ajoute un autre enjeu connexe, comme l’illustre la figure 5 : les minorités visibles et les Autochtones employés dans le domaine des sciences naturelles et appliquées – notamment les femmes issues des minorités visibles et les femmes autochtones – ont des revenus d’emploi moyens inférieurs à ceux de l’ensemble de la population canadienne.
Figure 5 – Revenu d’emploi moyen dans le domaine des sciences naturelles et appliquées – groupes sélectionnés comparés à l’ensemble de la main-d’œuvre canadienne en 2015
Sources : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Statistique Canada, « Profession – Classification nationale des professions (CNP) 2016 (691), statistiques du revenu d’emploi (3), plus haut certificat, diplôme ou grade (7), minorités visibles (15), travail pendant l’année de référence (4), âge (4D) et sexe (3) pour la population âgée de 15 ans et plus ayant travaillé en 2015 et ayant déclaré un revenu d’emploi en 2015, dans les ménages privés du Canada, provinces et territoires et régions métropolitaines de recensement, Recensement de 2016 – Données-échantillon (25 %) », Tableau de données, Recensement de 2016, base de données, consultée le 30 janvier 2023; et de Statistique Canada, « Profession – Classification nationale des professions (CNP) 2016 (691), statistiques du revenu d’emploi (3), plus haut certificat, diplôme ou grade (7), identité autochtone (9), travail pendant l’année de référence (4), âge (4D) et sexe (3) pour la population âgée de 15 ans et plus ayant travaillé en 2015 et ayant déclaré un revenu d’emploi en 2015, dans les ménages privés du Canada, provinces et territoires et régions métropolitaines de recensement, Recensement de 2016 – Données-échantillon (25 %) », Tableau de données, Recensement de 2016, base de données, consultée le 30 janvier 2023.
Initiatives gouvernementales au Canada et dans le monde
Plusieurs pays investissent dans le développement des technologies quantiques. La figure 6 donne un aperçu de ces investissements dans certains pays.
Figure 6 – Recherche quantique dans certains pays
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Johnny Kung et Muriam Fancy, Une révolution quantique : Rapport sur les politiques mondiales en matière de technologies quantiques, Canadian Institute for Advanced Research, avril 2021.
En plus des initiatives présentées à la figure 6, plusieurs projets axés sur la recherche quantique ont été lancés au Canada dans les dernières années, notamment :
- Plusieurs universités canadiennes ont mis sur pied des instituts de recherche quantique et leurs travaux sont reconnus internationalement, notamment l’Université de Calgary, l’Université de l’Alberta, l’Université de Toronto, l’Université de Waterloo et l’Université de Sherbrooke.
- Plusieurs entreprises pionnières en informatique quantique sont établies au Canada, notamment D-Wave, 1QBit, Agnostiq, Anyon, IBM, Intel, Multiverse Computing et Xanadu.
- Depuis 2017, l’Agence spatiale canadienne collabore avec l’Institut pour l’ordinateur quantique de l’Université de Waterloo et l’entreprise Honeywell à la mission Quantum Encryption and Science Satellite qui vise à faire la démonstration de la DQC dans l’espace. En 2019, l’Agence a octroyé 23,5 millions de dollars à l’entreprise Honeywell pour ce projet.
- Le Conseil national de recherches du Canada, Recherche et développement pour la défense Canada et le Centre de la sécurité des télécommunications ont créé le Centre d’accès à la technologie de sécurité quantique pour coordonner et renforcer les initiatives internes du gouvernement en matière de recherche quantique.
- En septembre 2022, le Comité permanent de l’industrie et de la technologie de la Chambre des communes a déposé un rapport sur l’informatique quantique dans lequel il propose 11 recommandations pour maintenir le rôle de chef de file du Canada dans ce domaine.
Conclusion
Le développement des technologies quantiques est en plein essor et le Canada fait d’ores et déjà figure de proue dans le domaine. Compte tenu des possibilités et des enjeux liés au développement de ces technologies, il est fort probable que le Parlement du Canada voudra continuer à surveiller de près leur évolution, tant au pays qu’à l’étranger.
Par Sarah Lemelin-Bellerose, Bibliothèque du Parlement
Catégories :Industrie, entreprises et commerce, Science et technologie