D’après le Global AI Vibrancy Tool de l’Université Stanford [en anglais], en 2021, le Canada se classait au cinquième rang parmi les 29 pays étudiés et au troisième rang parmi les pays du G7 en ce qui concerne la recherche, le développement et l’économie de l’intelligence artificielle (IA). Parmi les facteurs utilisés pour évaluer la recherche-développement, il faut compter les subventions de recherche, les publications et les citations, et parmi les facteurs économiques, les investissements privés, les entreprises d’IA nouvellement financées, la diffusion des compétences et la concentration des talents.
Intelligence artificielle et répercussions possibles sur la société canadienne
L’IA est généralement définie comme la capacité informatique de reproduire l’intelligence humaine, comme la reconnaissance des formes et la capacité de faire des prévisions et de prendre des décisions. Elle englobe plusieurs aspects techniques, mais l’un de ceux qui font le plus couler d’encre est l’apprentissage automatique. Il s’agit de la capacité de faire des prévisions à partir de vastes ensembles de données et d’améliorer progressivement ces prévisions, notamment grâce à l’accumulation des données.
L’IA est de plus en plus présente dans la vie quotidienne des Canadiens. Elle est utilisée, par exemple, dans les appareils de navigation, les dispositifs intelligents d’assistance personnelle et la publicité ciblée.
Selon un sondage de 2021 visant à connaître l’opinion des Canadiens sur l’intelligence artificielle, les répondants voyaient généralement d’un bon œil les possibles effets de l’IA sur la société. Cette opinion variait toutefois en fonction du domaine : peu de gens estimaient, par exemple, que l’IA aurait des répercussions favorables sur les arts et la culture ou l’application de la loi.
Une étude de Statistique Canada de 2020 sur la transformation des emplois par l’automatisation et le risque de disparition d’emplois montrait qu’environ 10 % des travailleurs canadiens couraient un risque élevé de devoir composer avec la transformation des emplois par l’automatisation. Bien que cette étude ne précise pas la part de cette transformation qui serait attribuable à l’IA, cet aspect fait partie de la catégorisation générale de la transformation des emplois par l’automatisation. Le risque que fait ressortir l’étude n’est pas réparti également entre les facteurs démographiques, les caractéristiques personnelles et les secteurs d’emploi. Les travailleurs auxquels est associé un risque élevé font notamment partie des catégories suivantes :
- les personnes de 55 ans et plus;
- les personnes qui n’ont pas de diplôme d’études postsecondaires;
- les personnes à faible revenu;
- les personnes qui ont un emploi à temps partiel;
- les personnes qui travaillent dans une petite entreprise;
- les personnes qui travaillent dans certains secteurs professionnels (p. ex. soutien administratif, fabrication).
Soutien fédéral de la recherche sur l’intelligence artificielle au Canada
Stratégie pancanadienne en matière d’intelligence artificielle
Le Canada a lancé la Stratégie pancanadienne en matière d’IA en mars 2017, ce qui fait de lui le premier pays à avoir lancé une stratégie nationale en matière d’IA. Cette stratégie était assortie d’un financement de 125 millions de dollars qui devait servir à développer la communauté canadienne de l’IA. Elle est associée :
- au recrutement de plus de 100 chercheurs dans le cadre du programme de chaires de recherche en IA de l’Institut canadien de recherches avancées;
- à la remise de plus de 200 diplômes de maîtrise et de doctorat par année aux étudiants des trois instituts de recherche sur l’IA du Canada :
- l’Alberta Machine Intelligence Institute, à Edmonton;
- Mila – Institut québécois d’intelligence artificielle, à Montréal;
- le Vector Institute for Artificial Intelligence, à Toronto;
- au lancement de plus de 50 entreprises multinationales dotées de laboratoires de recherche et de développement en IA au Canada;
- au lancement de plus de 900 jeunes entreprises en IA au Canada qui ont obtenu 1,5 milliard de dollars en financement en 2021.
La phase 2 de la Stratégie, qui a été annoncée dans le Budget de 2021, prévoit un financement de 443,8 millions de dollars sur 10 ans à compter de 2021‑2022. Elle donne la priorité à la commercialisation et à l’adoption de technologies d’IA, à l’amélioration des capacités et des infrastructures informatiques, à l’élaboration de normes en matière d’IA et au développement de l’IA dans les domaines de la santé, de l’énergie et de l’environnement.
L’analyse comparative entre les sexes Plus effectuée lors du renouvellement de la Stratégie, dans le Budget de 2021, a fait ressortir que les travailleurs dans le domaine de l’IA tendent à être des hommes très scolarisés, à revenu élevé et vivant dans les régions urbaines.
Grappes d’innovation mondiales
En 2017, Innovation, Sciences et Développement économique Canada a créé les grappes d’innovation mondiales (autrefois appelées « supergrappes d’innovation ») dans le but de favoriser la collaboration dans la recherche et d’accroître les capacités du Canada en matière de technologie et de commercialisation. Parmi ces grappes, celle des technologies numériques et Scale AI s’emploient à faire avancer la recherche en IA, notamment par des projets qui se rapportent à la formation, aux chaînes d’approvisionnement et à la logistique fondées sur l’IA. D’après le rapport annuel de 2021‑2022 de Scale AI, les projets de cette grappe devraient créer plus de 4 000 emplois et créer une valeur économique de plus de 9 milliards de dollars d’ici 2030.
Autres initiatives fédérales de recherche en intelligence artificielle
On trouve d’autres initiatives fédérales de recherche en IA parmi les programmes de financement des trois organismes (Instituts de recherche en santé du Canada, Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et Conseil de recherches en sciences humaines du Canada). Ces organismes ont par exemple financé des projets de collaboration avec le Royaume-Uni au sujet de l’IA et des projets recouvrant l’IA, la santé et la société au Canada.
D’autres ministères et organismes fédéraux, dont le Conseil national de recherches Canada (CNRC) et l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), ont aussi financé des programmes et des projets de recherche en IA, comme le programme Défi « L’intelligence artificielle au service de la conception » du CNRC et une étude pilote de l’ASPC [en anglais] sur la détection du comportement suicidaire grâce à l’analyse des données provenant des réseaux sociaux.
Répercussions sur les politiques et les programmes fédéraux
Lois et cadres régissant l’intelligence artificielle
Au Canada, le développement de l’IA et les applications connexes relèvent du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux. La protection des renseignements personnels, la protection des données, les droits en matière de santé et les droits de la personne, par exemple, relèvent à la fois du fédéral et du provincial. Le droit de la concurrence et le droit de la propriété intellectuelle relèvent du fédéral, tandis que le droit sur la protection du consommateur et le droit des biens et de la propriété, dont fait partie le droit sur les secrets industriels, relèvent du gouvernement provincial.
Le projet de loi C-27, Loi édictant la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, la Loi sur le Tribunal de la protection des renseignements personnels et des données et la Loi sur l’intelligence artificielle et les données et apportant des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois, qui est actuellement à l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes, porte explicitement sur les aspects de l’IA qui relèvent du fédéral.
Si le projet de loi C‑27 est adopté, la partie qui édicte la Loi sur l’intelligence artificielle et les données, imposera certaines obligations aux personnes responsables de systèmes d’IA ayant de grandes conséquences. Elle les obligera notamment à instaurer des mesures de détermination, d’évaluation et d’atténuation des risques de préjudices ou de résultats tendancieux qui pourraient découler de l’utilisation de l’IA.
Le risque de distorsion de l’IA dépend de la qualité des données à partir desquelles les prédictions et les décisions sont faites. Les ensembles de données peuvent véhiculer des partis pris parce que l’échantillon n’est pas à l’image de la population ou de la situation à laquelle il s’applique, ou qu’il reproduit des décisions partiales ayant déjà été prises. Il se pourrait, par exemple, que les algorithmes prédictifs des services policiers entraînent une forte présence policière dans les communautés racisées faisant depuis longtemps l’objet d’une surveillance policière excessive.
Certains pays et organisations internationales ont adopté des lois ou mis en place d’autres outils visant à réduire la distorsion dans la recherche en matière d’IA et à favoriser la création de systèmes responsables et dignes de confiance. C’est le cas par exemple de la Législation sur l’intelligence artificielle, de l’Union européenne, de la Déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’intelligence artificielle, des Lignes directrices en matière d’éthique pour une IA digne de confiance, de la Commission européenne, et des Principes fondés sur des valeurs de l’Observatoire des politiques de l’IA, de l’Organisation de coopération et de développement économiques.
Rôle du Parlement du Canada
L’IA a des répercussions sur de nombreux aspects des lois fédérales et des domaines d’intervention du gouvernement du Canada. Plusieurs comités du Sénat et de la Chambre des communes ont déjà produit des rapports sur l’incidence de l’IA dans différents domaines et sur certains usages précis des technologies d’IA jusqu’à présent :
- le rapport La technologie de reconnaissance faciale et le pouvoir grandissant de l’intelligence artificielle du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique (octobre 2022);
- le rapport Paver la voie : Technologie et futur du véhicule automatisé du Comité sénatorial permanent des transports et des communications (janvier 2018);
- le rapport Défi en vue : Intégrer les technologies de la robotique, de l’intelligence artificielle et de l’impression en 3D dans les systèmes canadiens de soins de santé du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (octobre 2017).
D’autres domaines pourraient aussi être touchés par les progrès de la recherche sur l’IA :
- les applications d’IA dans le domaine de la sécurité nationale et du renseignement;
- le recours à la prise de décision automatisée dans le traitement des demandes d’asile et d’immigration;
- l’équilibre à trouver entre, d’une part, le couplage, la mise en commun et la transparence des données utilisées pour le développement de l’IA et, d’autre part, la protection des renseignements personnels;
- les répercussions environnementales de l’IA [en anglais];
- l’utilisation de l’IA dans le domaine de la santé publique, notamment la gestion des pandémies;
- l’utilisation de l’IA dans le domaine de l’emploi, notamment l’automatisation de certains emplois et de certains secteurs;
- les mesures à prendre pour que les systèmes d’IA respectent les droits de la personne et les règles en matière d’équité et d’inclusion;
- l’IA et la prise de décisions automatisée dans la fonction publique (la Directive sur la prise de décisions automatisée du Conseil du Trésor).
Ressources supplémentaires
Brookfield Institute, Intro to AI for Policymakers: Understanding the shift, mars 2018 [en anglais].
Centre de recherches pour le développement international, Intelligence artificielle et développement humain : vers un programme de recherche, avril 2018.
Gouvernement du Canada, Conseil consultatif en matière d’intelligence artificielle, Rapports annuels.
Smith, Matthew et Sujaya Neupane, « Artificial intelligence, digital technology and advanced production », The Digitalisation of Science, Technology and Innovation : Key Developments and Policies, Organisation de coopération et de développement économiques, 11 février 2020 [en anglais].
Statistique Canada, Apprentissage automatique : une introduction, 3 mai 2021.
Thomas, Nye, Erin Chochla et Susie Lindsay, Regulating AI: Critical Issues and Choices, Commission du droit de l’Ontario, avril 2021 [en anglais].
Par Kelsey Brennan, Bibliothèque du Parlement
Catégories :Emploi et travail, Industrie, entreprises et commerce, Science et technologie