Collectivement, les réfugiés sont plus susceptibles que les non-réfugiés de souffrir d’anxiété, de dépression et de trouble de stress post-traumatique (TSPT). Bien que seulement une faible proportion des réfugiés qui s’installent dans un pays développé soit reconnue pour souffrir d’une maladie mentale, des études indiquent que bien des réfugiés gagneraient énormément à obtenir des services en santé mentale qui sont adaptés à leurs réalités communes, comme les bouleversements socioculturels.
La présente Note de la Colline explore les études portant sur la santé mentale des réfugiés ainsi que les services qui leur sont offerts. Les études s’appliquent aux réfugiés que le Canada réinstalle depuis des pays tiers et aux demandeurs d’asile acceptés au Canada; des services de santé mentale sont offerts à tous ces réfugiés.
Réfugiés et troubles mentaux
Discrimination, bouleversement et violence sont des réalités communes aux réfugiés. Aux termes de la Convention relative au statut des réfugiés des Nations Unies de 1951, le terme « réfugié » s’applique à toute personne ayant une « crainte justifiée » d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés du Canada, qui incorpore au droit national les obligations internationales du Canada en vertu de la Convention, définit également le terme connexe de « personne à protéger » comme une personne qui risque la mort, la torture ou des peines cruelles et inusitées.
La persécution ainsi que la crainte de persécution ont un coût pour la santé mentale, tout comme le fait de fuir vers d’autres pays pour y échapper. Les estimations [en anglais] relatives à la prévalence de troubles mentaux chez les réfugiés collectivement et chez différents groupes de réfugiés peuvent varier. Les symptômes de la maladie mentale peuvent également se manifester différemment d’une culture à l’autre.
En date de 2009, les études empiriques [en anglais] ont avancé que, globalement, jusqu’à un quart des réfugiés ou des populations touchées par un conflit souffrent d’un TSPT. D’autres études quantitatives [en anglais] plus récentes suggèrent que parmi les réfugiés de guerre, les taux de dépression vont de 3 % à 55 %, les taux d’anxiété, de 24 % à 54 % et les taux de TSPT, de 4 % à 61 %.
Les réfugiés installés dans les pays développés semblent jouir d’une meilleure santé mentale que les réfugiés installés dans d’autres parties du monde; seule une minorité de tous les réfugiés installés dans les pays développés souffrent d’une maladie mentale. Selon une experte, la Dre Michaela Hynie [en anglais], la plupart des réfugiés ne souffrent pas de troubles mentaux et la plupart d’entre eux se relèvent de la détresse engendrée par leurs expériences migratoires dans l’année qui suit leur réinstallation.
Une recherche menée en 2005 [en anglais] a révélé que parmi les réfugiés installés dans sept pays développés, dont le Canada, 9 % souffrent de TSPT et 5 % souffrent de dépression majeure. Ces taux de TSPT et de dépression sont néanmoins encore plus élevés chez les réfugiés que chez les non-réfugiés dans ces mêmes pays. Par exemple, pour des tranches d’âge semblables, les réfugiés souffrent de TSPT à un taux environ 10 fois supérieur à celui de la population générale des États-Unis.
Facteurs de risque des troubles mentaux
La prévalence des troubles mentaux dans le pays d’origine des refugiés a une incidence sur leur vulnérabilité à développer une maladie mentale. Cette prévalence varie aussi au fil du temps et est assujettie à une multitude de facteurs de risque auxquels les réfugiés ont été exposés avant, pendant et après leur migration (figure 1).
Figure 1 – Facteurs de risque influant sur la santé mentale des réfugiés
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Laurence J. Kirmayer et al., « Common mental health problems in immigrants and refugees: general approach in primary care », Canadian Medical Association Journal, vol. 183, no 12, 6 septembre 2011, p. E961 [en anglais].
Parmi les facteurs de risque antérieurs à la migration, l’exposition à des événements potentiellement traumatiques — ainsi que la répétition et la gravité de ces événements — est un puissant indicateur de troubles mentaux futurs. Cela vaut particulièrement pour le TSPT et la dépression. Par exemple, des enquêtes menées auprès de réfugiés et de personnes déplacées par des conflits de masse, dans lesquelles un nombre élevé de répondants (40 %) ont déclaré avoir été torturés, ont révélé qu’en moyenne plus de 46 % de ces répondants ont souffert d’un TSPT, soit quatre fois plus que dans les enquêtes où peu de répondants avaient été torturés.
Plus généralement, les réfugiés victimes de préjugés apprennent à anticiper le rejet. Ils ont alors tendance à craindre les autres, à s’en méfier, à les éviter et, finalement, à s’isoler — un cycle de préjugés et d’isolement particulièrement ressenti par les réfugiés ayant de multiples identités marginalisées [en anglais] comme les réfugiés LGBTQ2+.
Plus un réfugié bénéficie d’un soutien socio-économique et d’un statut élevé [en anglais] dans son pays d’origine, plus il risque de souffrir de troubles mentaux, car la perte de ces services de soutien après avoir fui son pays peut être dévastatrice. On observe un schéma similaire chez les réfugiés enfants.
Le processus de migration lui-même peut accroître le risque de maladie mentale si des violences ou des traumatismes sont infligés pendant le voyage — en particulier pour ceux qui ont également subi de telles violences ou de tels traumatismes avant de migrer. De même, l’incertitude et le stress liés aux longues périodes passées dans les camps de réfugiés [en anglais] ont des répercussions négatives sur la santé mentale. Les réfugiés enfants subissent également des perturbations sociales et éducationnelles, et certains sont séparés de leurs parents et de leur famille.
Enfin, un autre facteur qui peut avoir un effet négatif sur la santé mentale des réfugiés, en particulier des enfants, au cours de la période post-migratoire, est le fait que certains demandeurs d’asile sont détenus [en anglais] en attendant les audiences qui décideront de leur statut de réfugié. Les réfugiés qui se sont réinstallés ou qui reçoivent l’asile font souvent état d’un plus grand bonheur initial. Les souvenirs d’expériences traumatisantes peuvent également s’estomper avec le temps. En revanche, le stress engendré par le racisme [en anglais] et d’autres formes de discrimination, un manque de liens sociaux et un faible taux d’emploi contribuent à la probabilité qu’ils souffrent d’anxiété, de dépression et de TSPT. De nouvelles expositions à la violence et à la discrimination peuvent déclencher des souvenirs de traumatismes antérieurs [en anglais].
Facteurs favorisant la santé mentale
Dans le pays d’installation, le statut socio-économique d’un réfugié, la disponibilité et la qualité du soutien, ainsi que la stabilité générale améliorent la santé mentale et la résilience d’un réfugié. La santé mentale est le produit de facteurs qui se chevauchent [en anglais] : le bien-être individuel, les liens socio-économiques et les droits et valeurs (figure 2). Selon la Commission de la santé mentale du Canada, « [l]’accueil réservé aux groupes de réfugiés dans un pays; leur lieu de résidence; la possibilité de travailler; le fait d’être considérés comme des résidents; et leur accès à l’éducation, à la formation et aux initiatives qui favorisent l’inclusion sociale » sont des facteurs cruciaux pour la promotion de la santé mentale. Les aspects pratiques, tels que l’emploi et le logement [en anglais], peuvent également avoir des répercussions sur la santé mentale des réfugiés.
Figure 2 – Facteurs de résilience favorisant la santé mentale
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Branka Agic et al., Appuyer la santé mentale des réfugiés au Canada, Commission de la santé mentale du Canada, janvier 2016, p. 6.
Traitements offerts au Canada
Les réfugiés réinstallés et les demandeurs d’asile acceptés, comme les autres nouveaux arrivants au Canada, ont accès à un soutien en matière de santé mentale par l’intermédiaire des services d’établissement et des groupes de soutien communautaire ou par les pairs, et ils ont accès aux soins médicaux primaires.
Des services d’établissement, y compris des services de soutien ou d’aiguillage en matière de santé mentale, sont offerts par plus de 550 organismes pour aider les nouveaux arrivants à s’adapter à la vie au Canada. Le gouvernement fédéral fournit une liste des ressources et des services de soutien offerts en santé mentale aux nouveaux arrivants, y compris les réfugiés. En avril 2022, le gouvernement fédéral a investi 3 775 000 $ dans ces services de soutien, dont 2 millions de dollars pour le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) et 1 775 000 $ répartis entre 13 centres de détresse. Pour le CAMH, cet investissement sera consacré au développement de « ressources choisies et organisées pour les aider à répondre aux besoins divers des populations prioritaires pendant la pandémie de COVID-19 et au‑delà », y compris les réfugiés. Les centres de détresse utiliseront l’investissement pour répondre à la demande accrue de services de crise, tels que les lignes de crise pour les populations immigrantes.
Le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes entend souvent à quel point il est important pour les réfugiés d’avoir accès à des communautés et à des services de soutien adaptés. Par exemple, le parrainage privé aide les réfugiés LGBTQ2+ « à s’y retrouver dans les différents systèmes et programmes canadiens [et offre] un réseau de soutien au sein de la communauté LGBTQ+ ». Les organismes qui fournissent des services d’établissement au Canada ont remarqué que les nouveaux arrivants ayant des problèmes de santé mentale – en particulier ceux qui ne bénéficient pas du soutien de leurs pairs ou de la communauté – se heurtent à des défis et à des obstacles importants, comme les barrières linguistiques, à l’accès aux services de santé mentale. Les services de soutien en matière de santé mentale destinés aux nouveaux arrivants ont tendance à être plus efficaces lorsqu’ils sont adaptés à la culture de ces derniers.
En tant que groupe distinct parmi les populations de nouveaux arrivants, les réfugiés ont des problèmes uniques en matière de santé mentale. Par exemple, lorsque les ressources sont limitées ou que les réfugiés arrivent en grand nombre, les centres peuvent avoir du mal à fournir des services de psychothérapie à de nombreux réfugiés souffrant de TSPT [en anglais]. Étant une population déplacée, les réfugiés sont particulièrement vulnérables à la violence qui touche des familles entières [en anglais] ainsi qu’aux effets néfastes de la séparation des familles. Les réfugiés jouissent également d’une moins bonne santé mentale que les autres nouveaux arrivants, même si les deux groupes sont tout aussi peu susceptibles de recourir à des services de santé mentale que les citoyens nés au Canada.
Dans l’ensemble, bien que des programmes et des services soient déjà en place, des experts et des études parlementaires ont réclamé plus de ressources en santé mentale pour les réfugiés, et plus de services qui sont spécialement adaptés à leurs réalités.
Lectures complémentaires
Béchard, Julie et Robert Mason. La protection des réfugiés au Canada, publication no 2020-50-F, Bibliothèque du Parlement, 30 juillet 2020.
Coleman, Lara. « Les réfugiés LGBTQ2* au Canada », Notes de la Colline, Bibliothèque du Parlement, 10 juin 2020.
Coleman, Lara. La réinstallation des réfugiés : les engagements d’ordre humanitaire du Canada, publication no 2020-74-F, Bibliothèque du Parlement, 26 novembre 2020.
Guruge, Sepali et Hissan Butt. « A scoping review of mental health issues and concerns among immigrant and refugee youth in Canada: Looking back, moving forward », Revue canadienne de santé publique, vol. 106, no 2, 2015 [en anglais].
Schouler-Ocak, Meryam. « Refugees and Asylum Seekers », dans Mental Health and Illness of Women, Prabha S. Chandra et al., Springer (dir.), 2020 [en anglais].
Par Madalina Chesoi et Martin McCallum, Bibliothèque du Parlement
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