Quatrième examen périodique universel du Canada devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies

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Le 10 novembre 2023, une délégation du Canada se présentera devant un groupe de travail du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (CDH). La délégation rendra compte de la manière dont le Canada s’acquitte de ses obligations internationales en matière de droits de la personne. Ce processus, appelé « examen périodique universel » (EPU), constitue pour les États membres de l’Organisation des Nations Unies (ONU) une occasion importante de se tenir mutuellement responsables dans le but d’améliorer la situation des droits de la personne dans le monde et de lutter contre les violations des droits de la personne.

Procédures de l’examen périodique universel

Il s’agit du quatrième cycle de l’EPU, entrepris pour la première fois en 2008. Tous les quatre ans et demi, chaque État membre de l’ONU soumet un rapport qui fait l’objet d’un examen dans le cadre d’une discussion interactive à laquelle participent les représentants de l’État, les membres du groupe de travail du CDH ainsi que les autres États membres de l’ONU. Tous les États membres peuvent alors poser des questions, faire des observations et formuler des recommandations à l’intention de l’État soumis à l’examen. D’autres parties prenantes, comme des organismes non gouvernementaux (ONG), des institutions nationales des droits de la personne, des organisations autochtones et des organes de l’ONU, peuvent assister à l’audience, sans droit de parole.

Outre l’audience, l’EPU comprend l’examen de documents, dont le rapport national produit par l’État soumis à l’examen ainsi que la compilation du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) résumant les rapports rédigés par des organes responsables des traités relatifs aux droits de la personne de l’ONU, des spécialistes indépendants chargés par l’ONU de faire le compte rendu sur la situation des droits de la personne ainsi que d’autres entités de l’ONU. De plus, le HCDH produit un résumé des mémoires des institutions nationales des droits de la personne et des ONG qui fera l’objet de considérations pendant l’examen. Les États sont vivement encouragés à consulter les ONG et les institutions nationales des droits de la personne, au moment de la préparation de leur rapport. La mise à contribution des parties prenantes vise à élargir la portée des questions étudiées et à encourager une plus grande participation publique.

Au terme de l’EPU, le groupe de travail du CDH rédige ses constatations ou formule ses recommandations. L’État soumis à l’examen fournit ensuite une réponse précisant les recommandations auxquelles il compte donner suite et celles qu’il rejette. Pour les cycles subséquents, les observateurs et le groupe de travail du CDH examineront les faits pouvant démontrer que l’État a donné suite aux recommandations acceptées.

Forum pour l’examen des progrès en matière de droits de la personne

Créé pour jouer un rôle essentiel au CDH et établi en 2006, l’EPU devait remplacer et dépolitiser le processus plus subjectif par lequel l’ancienne Commission des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies choisissait les questions à examiner. Les partisans du nouveau forum espéraient qu’il instaurerait un traitement égal et universel afin de permettre l’examen régulier, uniforme, équitable et impartial des questions relatives aux droits de la personne. Le principe de réciprocité, qui est une partie intégrante de l’EPU, fait en sorte que le Canada peut s’attendre à de vives critiques de la part des États qu’il a pu critiquer dans le passé pour des violations des droits de la personne.

Aux yeux de certains observateurs, l’EPU demeure toutefois un processus politisé. Selon eux, il donne aux États la liberté de passer sous silence, de refuser d’admettre l’existence de graves problèmes en matière de droits de la personne ou bien de louer leurs alliés de façon excessive et de formuler des recommandations vagues. Néanmoins, l’EPU a aussi été décrit comme un outil utile pour promouvoir la reddition de compte et favoriser les débats nationaux sur les questions relatives aux droits de la personne, en particulier dans les pays où la discussion politique est impossible ou peu ancrée dans la tradition.

Le Canada et l’examen périodique universel

En prévision de l’examen du Canada, des représentants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux travaillent ensemble aux discours et aux mémoires du Canada. En raison de la répartition des pouvoirs au Canada, conformément à sa Constitution, les gouvernements provinciaux et territoriaux jouent un rôle fondamental dans la mise en œuvre des obligations en matière de droits de la personne, qui émanent des conventions internationales ratifiées par le gouvernement fédéral. Dans certains cas, le rapport national du Canada mettra en évidence des mesures précises prises à l’échelle provinciale ou territoriale comme preuves du respect des obligations en matière de droits de la personne.

Dans le cadre du premier EPU du Canada, en 2009, une bonne partie des observations et des recommandations formulées par les autres États membres portaient sur les problèmes touchant les peuples autochtones. Il a aussi été question de l’exploitation sexuelle et de la traite des enfants, de la protection des droits des réfugiés et des migrants, ainsi que de la pauvreté et du logement. Les questions touchant les peuples autochtones sont demeurées un thème important en 2013 et en 2018, lors des deuxième et troisième cycles de l’EPU du Canada. D’autres thèmes importants y ont été abordés, notamment la question de l’égalité de genre et de la violence fondée sur le genre, la discrimination raciale, l’accès au logement et le système canadien de détention des immigrants.

Durant les trois premiers cycles de l’EPU, une partie importante des recommandations visait à exhorter le Canada à adhérer à des traités internationaux sur les droits de la personne, comme le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, ou encore à adopter des plans d’action, notamment pour donner suite à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. À la suite de sa participation au troisième cycle de l’EPU en 2018, le Canada a soumis une réponse écrite dans laquelle il a accepté, en totalité ou en partie, 208 des 275 recommandations formulées par les autres pays.

Deux comités parlementaires, soit un comité du Sénat et un sous-comité de la Chambre des communes, ont examiné l’EPU du Canada de 2009. Les deux comités ont estimé que les préparatifs du Canada avaient manqué de clarté et de transparence, et que le système de mise en œuvre des obligations du Canada en matière de droits de la personne devait être amélioré. Ils ont également plaidé en faveur d’une plus grande participation de la société civile, des parlementaires et du public canadien aux préparatifs du prochain EPU.

En décembre 2017, le gouvernement du Canada a chargé le Comité permanent des fonctionnaires chargés des droits de la personne (CPFDP), qui favorise la mobilisation des parties prenantes, d’élaborer un protocole pour effectuer le suivi des recommandations que le Canada reçoit des organes internationaux des droits de la personne, y compris du groupe de travail du CDH ainsi qu’une stratégie d’engagement sur les rapports internationaux en matière de droits de la personne, afin de favoriser la pleine participation des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à ce processus.

Depuis 2020, les travaux du CPFDP sont complétés par ceux du Forum des ministres responsables des droits de la personne (FMDP). Le FMDP s’est engagé à se rencontrer tous les deux ans pour discuter des principales priorités en matière de droits de la personne. En outre, le Comité des hauts fonctionnaires fédéral-provincial-territorial responsables des droits de la personne (CHFDP), composé de fonctionnaires ayant rang de sous-ministres adjoints, a été créé pour renforcer la collaboration générale sur les droits de la personne entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Le CHFDP supervise le CPFDP et peut conseiller les ministres. Il peut également assurer le suivi des décisions ministérielles et l’examen des questions relatives aux droits de la personne soulevées par les organes internationaux des droits de la personne, les organisations de la société civile et les organisations autochtones. Il peut fournir des orientations sur les priorités à discuter entre les gouvernements et au sein de ceux-ci.

Préparatifs en vue du quatrième cycle d’examen périodique universel

En prévision du quatrième cycle de l’EPU, différentes organisations de la société civile et commissions sur les droits de la personne ainsi que différents partenaires autochtones ont été consultés sur l’ébauche du rapport national du Canada. En juin 2023, le FMDP a organisé une réunion pour discuter des progrès réalisés depuis 2018 et des principales priorités relatives aux obligations du Canada en matière de droits de la personne, en préparation du quatrième cycle de l’EPU du Canada. Le rapport de la réunion fait référence aux questions actuelles et émergentes en matière de droits de la personne au Canada, telles que les droits de la personne à l’ère numérique, la protection des enfants contre les préjudices en ligne et les préoccupations concernant la propagation de la haine et du racisme en ligne. Une réunion d’engagement avec les parties prenantes a eu lieu avant la réunion ministérielle.

Le rapport national du Canada à l’ONU, soumis en septembre 2023, se concentre sur des questions telles que : l’adhésion aux instruments internationaux relatifs aux droits de la personne et leur ratification; les droits des peuples autochtones; l’éducation et l’emploi; la pauvreté, le logement et la sécurité alimentaire; la promotion de l’égalité des genres; la diversité et l’inclusion; les droits des personnes âgées; la sécurité publique et l’application de la loi; et les changements climatiques. Des exemples de mesures adoptées par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux sont inclus, ainsi que deux annexes, l’une décrivant les recommandations de 2018 et l’autre résumant les commentaires des parties prenantes. Le rapport du Canada comprend également des contributions de la Commission canadienne des droits de la personne, qui est l’institution nationale des droits de la personne du Canada.

Le rapport du HCDH sur le Canada est accompagné de plusieurs documents décrivant les obligations internationales du Canada en vertu du droit international relatif aux droits de la personne, qui intègrent des références aux rapports et aux recommandations des mécanismes et des experts de l’ONU en matière de droits de la personne, et résumant les soumissions des parties prenantes. Le rapport du HCDH résume 64 contributions des parties prenantes, notamment d’organisations internationales et nationales, d’institutions provinciales des droits de la personne, d’universités et d’organisations autochtones. La Commission interaméricaine des droits de l’homme et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ont également envoyé des contributions.

Ressources connexes

Bachelet, Michelle, Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Lettre du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, 2 novembre 2018.

Chambre des communes, Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, Sous-comité des droits internationaux de la personne. L’examen périodique universel du Canada et l’avenir – Préserver la réputation internationale du Canada comme chef de file mondial en droits de la personne, deuxième rapport, novembre 2010.

Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Le Canada et le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies : Tracer une nouvelle voie, juin 2010.

Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. À propos de l’EPU.

Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Examen périodique universel – Canada.

Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. EPU du Canada (3e cycle – 30e session) : Liste thématique de recommandations [en anglais].

Gouvernement du Canada. Examen périodique universel.

Gouvernement du Canada. Réponse du Canada aux recommandations : Troisième examen périodique universel, 2019.

Organisation des Nations Unies, Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Canada [en anglais].

Par Karine Azoulay, Fotini-Hellas Diamandis, Miek van Gaalen et Julian Walker, Bibliothèque du Parlement



Catégories :Affaires internationales et défense, Lois, justice et droits

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