Interventions des Forces armées canadiennes en réponse à des urgences nationales : certaines répercussions

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Les Forces armées canadiennes (FAC) ont un vaste éventail de rôles à jouer et d’obligations à remplir tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle internationale. Étant donné la hausse anticipée du nombre de catastrophes naturelles au Canada et le contexte de sécurité international qui demeure incertain, il y a lieu de penser que les FAC devront continuer de faire des compromis afin de s’acquitter de leurs engagements.

La présente Note de la Colline examine les déploiements des FAC au pays en réponse à des catastrophes naturelles et à la pandémie de COVID‑19. Il y est aussi question de l’incidence de ces activités sur le recrutement, l’entrainement et la composition des FAC, ainsi que sur les opérations internationales.

Assistance aux autorités civiles en cas de catastrophes naturelles

Dans le cadre de l’opération LENTUS et sur demande, les FAC viennent en aide aux autorités civiles nationales en cas de catastrophes ou de situations d’urgence majeures. Il s’agit de l’une des huit missions principales des FAC selon le document Protection, Sécurité, Engagement : La politique de défense du Canada (PSE).

D’après le ministère de la Défense nationale (MDN), les demandes en ce sens ne devraient être faites que lorsque les autorités provinciales et territoriales ont épuisé toutes les autres ressources. Ainsi, l’appel aux FAC constitue une solution de dernier recours. Le nombre de déploiements au pays à la suite de catastrophes a augmenté depuis 2010.

En octobre 2021, le général Wayne Eyre, qui était alors chef d’état‑major de la défense (CEMD) par intérim, a déclaré que cette tendance « fait partie d’un problème plus vaste – l’évolution des FAC au fil des ans, qui sont passées d’une ressource de dernier recours à une force de premier choix – qui, à l’avenir, doit être abordé dans un contexte national. »

Certains observateurs estiment que les FAC ne constituent pas la seule organisation à pouvoir intervenir lors de situations d’urgence. Par exemple, selon le président et chef de la direction, Croix-Rouge canadienne « [l]a Croix-Rouge a démontré qu’on peut développer une capacité civile pouvant intervenir dans des situations qui requièrent surtout une opération civile » et qu’elle pouvait « remplacer l’armée », comme elle l’a fait dans certains centres de soins de longue durée pendant la pandémie.

Le MDN a affirmé que les experts en changements climatiques sont préoccupés par l’augmentation du nombre de catastrophes naturelles. En outre, les chercheurs [en anglais] estiment que la fréquence des pandémies augmentera elle aussi. Les FAC seront sans doute appelées à intervenir plus souvent, ce qui pourrait avoir des répercussions sur leur composition et sur leur état de préparation pour mener d’autres opérations.

La figure 1 présente le nombre de déploiements effectués dans le cadre de l’opération LENTUS, de 2010 à 2021.

Figure 1 – Nombre de déploiements effectués dans le cadre de l’opération LENTUS, de 2010 à 2021

Cette figure montre le nombre de déploiements effectués dans le cadre de l’opération LENTUS, de 2010 à 2021, ainsi que les raisons ayant mené à ces déploiements. Voici la liste de ces déploiements : un déploiement en 2010 pour un ouragan ; trois déploiements en 2011, dont deux pour des feux de forêt et un pour des inondations ; aucun déploiement en 2012 ; un déploiement en 2013 pour des inondations ; quatre déploiements en 2014 pour des inondations ; deux déploiements en 2015, dont un pour des feux de forêt et un pour des inondations ; un déploiement en 2016 pour des feux de forêt ; six déploiements en 2017, dont un pour une tempête hivernale, deux pour des feux de forêt, et trois pour des inondations ; six déploiements en 2018, dont un pour une tempête hivernale, deux pour des feux de forêt ; et trois pour des inondations ; trois déploiements en 2019, dont un pour un ouragan, un pour des feux de forêt, et un pour des inondations ; un déploiement en 2020 pour une tempête hivernale ; et, en date du 7 décembre 2021, sept déploiements en 2021, dont un pour un incident de contamination de l’eau, trois pour des feux de forêt, et trois pour des inondations.

Note : *Correspond au nombre de déploiements effectués dans le cadre de l’opération LENTUS en 2021 (en date du 7 décembre 2021).
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées du Ministère de la Défense nationale, Opération LENTUS.

Assistance aux autorités civiles pendant la pandémie de COVID‑19

Dans le cadre de l’opération LASER, lancée par les FAC en réponse à la pandémie de COVID‑19, les FAC ont été déployées dans sept établissements de soins de longue durée de l’Ontario et dans 47 établissements du Québec jusqu’à présent. Elles ont aussi aidé plus de 20 communautés autochtones et appuyé les communautés isolées du nord du Canada. Plusieurs provinces et territoires ont également bénéficié de leur aide pour la prestation de soins médicaux ainsi que pour la recherche des contacts et le dépistage de la COVID‑19.

En outre, de décembre 2020 à juin 2021, dans le cadre de l’opération VECTOR, les FAC ont appuyé les gouvernements de l’ensemble du pays lors du transport et de la livraison des doses de vaccins contre la COVID‑19 et du matériel connexe.

Des membres des Forces armées canadiennes chargent des congélateurs spéciaux pour vaccins dans un aéronef dans le cadre de l’opération VECTOR (12 décembre 2020).

Des membres des Forces armées canadiennes chargent des congélateurs spéciaux pour vaccins dans un aéronef dans le cadre de l’opération VECTOR (12 décembre 2020).

Source : Caméra de combat des Forces canadiennes, « Opération VECTOR », Flickr, photo prise par Cpl Matthew Tower le 12 décembre 2020.

En date du 6 décembre 2021, 2 175 membres des FAC avaient contracté le virus de la COVID-19. Il convient de souligner que ces membres n’ont pas nécessairement contracté la maladie dans l’exercice de leurs fonctions. De plus, aucun décès n’a été signalé. Une politique de vaccination obligatoire applicable à tous les membres des FAC est en vigueur depuis octobre 2021.

Le 20 novembre 2020, le chef de cabinet responsable du Commandement des opérations interarmées du Canada alors en poste a déclaré que 55 membres des FAC ayant prêté main-forte dans les établissements de soins longue durée de l’Ontario et du Québec avaient contracté le virus.

La Politique de défense du Canada ne fait pas expressément mention d’une pandémie ou d’une épidémie. Le guide publié en 2009 intitulé Servir avec honneur aborde la notion de « responsabilité illimitée » en tant que l’une des « croyances fondamentales » des FAC. Les membres des FAC peuvent recevoir « l’ordre légitime de s’exposer au danger dans des conditions pouvant leur coûter la vie ».

Répercussions sur le recrutement, la composition et l’entraînement

Selon le CEMD par intérim de l’époque, en date d’octobre 2021, la Force régulière des FAC comptait 7 500 membres de moins que son objectif établi, lequel est de 71 500 membres. Cette différence est attribuable, en partie, à la pandémie.

Les FAC font souvent appel aux membres de la Réserve pour les déploiements au pays. En avril 2020, le gouvernement du Canada a offert à tous les membres de la Réserve intéressés un contrat à temps plein dans le cadre de la réponse à la pandémie. En mars 2021, le CEMD par intérim alors en poste a déclaré que la pandémie avait amené les FAC vers « une réduction de [leur] effectif ».

En avril 2020, les auteurs d’une analyse [en anglais] publiée par l’Institut de la Conférence des associations de la défense se questionnaient sur le recours à la Force de réserve pour répondre aux urgences nationales. Ils se demandaient également si la Réserve devrait se concentrer uniquement sur les opérations nationales, ou si elle devrait poursuivre sa participation aux déploiements internationaux malgré sa présence croissante à l’échelle nationale.

Au début de la pandémie, les activités d’entraînement ont été limitées afin de se conformer aux exigences en matière de santé et de sécurité. L’entraînement a repris graduellement, et les FAC ont rendu obligatoire l’utilisation d’équipement de protection individuelle, entre autres mesures de sécurité.

Répercussions sur les opérations internationales

Le rôle de plus en plus important des FAC lors de déploiements nationaux pourrait avoir des répercussions sur les opérations internationales de l’organisation. Selon la politique PSE, les FAC doivent être en mesure de répondre « simultanément à plusieurs urgences nationales à l’appui des autorités civiles » en plus de s’acquitter de leurs obligations internationales.

En janvier 2020, le lieutenant-général Wayne Eyre [en anglais], à l’époque commandant de l’Armée canadienne, a expliqué ce qui suit au sujet de ces responsabilités simultanées :

Si nous nous concentrons uniquement sur l’aide humanitaire et les interventions en cas de catastrophes naturelles, nous ne serons pas prêts quand viendra le temps de défendre notre pays lors de situations où les enjeux sont très élevés. Il pourrait y avoir des victimes, et l’intérêt national s’en trouvera affecté [traduction].

Dans le cadre de leur réponse nationale à la pandémie de COVID-19, les FAC ont continué à s’acquitter de leurs engagements internationaux, y compris :

  • la contribution à la lutte contre Daech en Irak et en Syrie;
  • le déploiement en Lettonie au titre des mesures d’assurance et de dissuasion de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord;
  • la mission d’entraînement militaire en Ukraine.

Cela étant dit, les FAC ont reconnu que la pandémie avait eu des conséquences sur les opérations internationales. Par exemple, comme l’a reconnu le CEMD par intérim en poste en octobre 2021, « notre engagement nécessaire aux opérations au pays a réduit les ressources disponibles pour faire face aux défis et aux menaces à la sécurité mondiale dont le nombre ne cesse d’augmenter. »

Conclusion

Selon les observateurs [en anglais], certains pays pourraient revoir leurs stratégies militaires dans la foulée de la pandémie de COVID‑19.

Dans le contexte de la pandémie actuelle et d’éventuelles pandémies futures ainsi que de la hausse attendue du nombre de catastrophes naturelles et de l’évolution constante de l’environnement mondial, les FAC pourraient bénéficier d’un plan de contingence pour mener simultanément des opérations nationales et internationales.

Ressources supplémentaires

Auger, Martin, Marie Dumont et Christina Yeung, « Interventions militaires canadiennes et étrangères en réponse à la pandémie de COVID-19 », Notes de la Colline, Bibliothèque du Parlement, 3 juin 2020.

MacDonald, Adam et Carter Vance, Analysis: The Canadian Armed Forces and the COVID19 Pandemic: Entrenching the Military as Canada’s de facto Emergency Management Organization, conférence des associations de la défense, 1er avril 2021 [en anglais].

von Hlatky, Stéfanie et Stephen Saideman, « How COVID-19 has impacted Canadian Forces missions abroad », Options politiques, 19 juin 2020 [en anglais].

Auteurs : Marie Dumont, Ariel Shapiro et Anne-Marie Therrien-Tremblay, Bibliothèque du Parlement



Catégories :Affaires internationales et défense, Santé et sécurité

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