Les sols : au cœur de la vie

Temps de lecture : 8 minutes

Available in English.

Il y a plus d’organismes vivants dans une cuillère à soupe de terre qu’il y a de personnes sur Terre.

En creusant davantage, vous constaterez qu’un mètre cube de sol sain peut retenir plus de 250 litres d’eau. Plus de 95 % de notre alimentation provient des sols, ce qui n’empêche pas que 33 % des sols de la planète soient dégradés.

La dégradation empêche les sols de fournir des services écologiques essentiels, tels que l’amélioration de la qualité et de la composition de l’air, la régulation de la température, le cycle nutritif du carbone, le cycle et la qualité de l’eau ainsi que l’habitat de la plupart des êtres vivants et leur nourriture. La dégradation peut également avoir des répercussions négatives sur les moyens de subsistance de millions de personnes.

La Journée mondiale des sols (JMS) a lieu chaque année le 5 décembre pour souligner l’importance de sols sains et promouvoir la gestion durable des ressources du sol.

L’instauration d’une journée internationale pour célébrer les sols a été recommandée pour la première fois par l’Union internationale de la science du sol [en anglais] en 2002. Sous l’égide de la Thaïlande et dans le cadre du Partenariat mondial sur les sols, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture a soutenu l’établissement officiel de la JMS à titre de plateforme mondiale de sensibilisation.

Sous le thème « Les sols et l’eau : sources de vie », la JMS de 2023 met en lumière le rôle de ces ressources vitales dans l’obtention de systèmes agroalimentaires durables et résilients.

La présente Note de la Colline traite de l’état de la santé des sols du Canada, de la contribution des sols gérés de manière durable aux objectifs de développement durable (ODD) de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et des mesures prises par le gouvernement du Canada à l’appui de ces objectifs.

La santé des sols au Canada

Le Canada est un pays agricole. Les agriculteurs et les éleveurs dépendent d’un sol sain pour produire des récoltes et élever du bétail afin de nourrir les Canadiens et le monde entier.

L’immensité de notre pays laisse supposer une abondance de terres. Pourtant, selon un rapport de 2016, seuls 7 % des sols du Canada sont propices aux activités agricoles.

Depuis les années 1980, les agriculteurs et les éleveurs canadiens ont amélioré la qualité et l’état des sols en adoptant des pratiques agricoles de conservation ou de régénération, telles que le semis direct. Cette pratique consiste à planter des cultures sans effectuer un labourage conventionnel ou perturber le sol.

Les pratiques régénératrices comprennent, entre autres, la culture de couverture, la culture intercalaire, l’utilisation de biocharbon (un produit riche en carbone composé de résidus organiques tels les plantes et les déchets de bois). Les communautés autochtones font appel à ces pratiques depuis des milliers d’années.

Le Recensement de l’agriculture de 2021 note que le semis direct a été largement adopté dans une grande partie de l’Ouest canadien, dans des proportions de 40 % à 75 % des surfaces cultivables de l’Alberta et de plus de 75 % dans la quasi-totalité de la Saskatchewan (voir la figure 1). Cette pratique favorise la séquestration du carbone dans les sols agricoles. Le semis direct a été adopté dans une moindre proportion dans l’Est canadien : autour de 30 à 40 % en Ontario, jusqu’à 30 % au Québec et encore moins dans les autres provinces (voir la figure 2). En comparaison, les conditions climatiques plus humides de l’Est augmentent le compactage du sol et, par conséquent, la nécessité de labourer. Les différences de taille et de type des systèmes de production agricole peuvent aussi expliquer ces tendances. (Dans les figures 1 et 2, le terme « écoumène » fait référence aux zones géographiques où se déroulent les principales activités agricoles du Canada.)

Figure 1 – Pourcentage des terres préparées pour les semis ayant utilisé l’ensemencement sans travail du sol : l’Ouest canadien

Carte de l’Ouest canadien illustrant le pourcentage des terres préparées pour les semis où l’on pratique l’ensemencement sans travail du sol par région agricole selon le Recensement agricole de 2021. Les provinces de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba ont toutes adopté des pratiques d’ensemencement sans travail du sol. La carte montre qu’on a recours à cette pratique sans travail du sol pour un pourcentage considérable des terres dans le sud de l’Alberta et pour plus de 75 % des terres dans le sud de la Saskatchewan.

Source : Carte produite par la Bibliothèque du Parlement, 2023, à partir de données tirées de Statistique Canada, « Tableau 32-10-0367-01 Pratiques de travail du sol et d’ensemencement, Recensement de l’agriculture, 2021 », base de données, consultée le 28 novembre 2023; et Statistique Canada, Recensement de 2021 – Fichiers des limites. Contient de l’information visée par la Licence ouverte de Statistique Canada. Logiciel utilisé: Esri, ArcGIS Pro, version 3.1.3. Contient de l’information visée par la Licence ouverte de Statistique Canada.

Figure 2 – Pourcentage des terres préparées pour les semis ayant utilisé l’ensemencement sand travail du sol : l’Est canadien

Carte de l’Est canadien illustrant le pourcentage des terres préparées pour les semis où l’on pratique l’ensemencement sans travail du sol par région agricole selon le Recensement agricole de 2021. Les provinces de l’Ontario, du Québec, du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador ont toutes adopté des pratiques d’ensemencement sans travail du sol. Les pourcentages les plus élevés pour cette pratique, entre 30 et 40 %, concernent le sud de l’Ontario et de la Nouvelle-Écosse.

Source : Carte produite par la Bibliothèque du Parlement, 2023, à partir de données tirées de Statistique Canada, « Tableau 32-10-0367-01 Pratiques de travail du sol et d’ensemencement, Recensement de l’agriculture, 2021 », base de données, consultée le 28 novembre 2023; et Statistique Canada, Recensement de 2021 – Fichiers des limites. Contient de l’information visée par la Licence ouverte de Statistique Canada. Logiciel utilisé: Esri, ArcGIS Pro, version 3.1.3. Contient de l’information visée par la Licence ouverte de Statistique Canada.

En comparaison, les conditions climatiques plus humides de l’Est du Canada augmentent le compactage du sol et, par conséquent, la nécessité de labourer. Les différences de taille et de type des systèmes de production agricole peuvent aussi expliquer ces tendances, parmi de nombreuses autres variables.

Le semis direct augmente également le carbone organique du sol et joue un rôle crucial dans l’atténuation des changements climatiques en améliorant la séquestration du carbone par la capture, l’élimination et le stockage du dioxyde de carbone de l’atmosphère terrestre dans les sols. En 2016, les sols agricoles canadiens ont éliminé 11,2 millions de tonnes de dioxyde de carbone de l’atmosphère.

Les provinces des Prairies ont connu d’importantes améliorations des niveaux de carbone organique du sol et présentent généralement un faible risque de dégradation (voir la figure 3), tandis que dans l’est de l’Ontario, le sud du Québec et certaines parties des Maritimes, les niveaux de carbone organique du sol ont diminué et les sols courent donc de plus grands risques de dégradation (voir la figure 4). Les changements dans la gestion et l’utilisation des terres, notamment la conversion des cultures pérennes, qui couvrent les sols tout au long de l’année, en cultures annuelles, peuvent expliquer cette tendance dans l’Est canadien.

Figure 3 – Classification du risque de dégradation du carbone organique du sol dans l’Ouest canadien

La carte de la figure 3 présente la classification du risque de dégradation du carbone organique du sol dans l’Ouest canadien, soit en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. Dans l’ensemble, les provinces des Prairies ont connu d’importantes améliorations des niveaux de carbone organique du sol et présentent un faible risque de dégradation.

Source : Carte produite par la Bibliothèque du Parlement, en 2023, à partir de données tirées de Agriculture et Agroalimentaire Canada, Indicateur agroenvironnemental – Matière organique du sol, 18 janvier 2021; Statistique Canada, Recensement de 2021 – Fichiers des limites; et Natural Earth, 1:10m Cultural Vectors, version 5.1.1. Esri, ArcGIS Pro, version 3.1.3. Contient de l’information visée par la Licence du gouvernement ouvert – Canada et la Licence ouverte de Statistique Canada.

Figure 4 – Classification du risque de dégradation du carbone organique du sol dans l’Est canadien

La carte de la figure 4 présente la classification du risque de dégradation du carbone organique du sol pour l’Est canadien, soit en Ontario, au Québec, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, à l’Île-du-Prince-Édouard et à Terre-Neuve-et-Labrador. Dans l’est de l’Ontario, le sud du Québec et certaines parties des Maritimes, les niveaux de carbone organique du sol ont diminué et les sols courent davantage de risques de se dégrader que dans l’Ouest canadien.

Source : Carte produite par la Bibliothèque du Parlement, en 2023, à partir de données tirées de Agriculture et Agroalimentaire Canada, Indicateur agroenvironnemental – Matière organique du sol, 18 janvier 2021; Statistique Canada, Recensement de 2021 – Fichiers des limites; et Natural Earth, 1:10m Cultural Vectors, version 5.1.1. Esri, ArcGIS Pro, version 3.1.3. Contient de l’information visée par la Licence du gouvernement ouvert – Canada et la Licence ouverte de Statistique Canada.

Bien qu’il reste de nombreux défis à relever – comme la perte continue de terres arables, la conversion des pâturages et des prairies en terres cultivées, et l’augmentation du financement de l’innovation –, la gestion durable des ressources en sol générera d’importants avantages pour tous. Les sols offrent des solutions durables pour atténuer les changements climatiques, tout en améliorant la qualité de l’air, le cycle de l’eau et la biodiversité.

Les sols gérés de manière durable contribuent aux objectifs de développement durable mondiaux

En 2015, les États membres de l’ONU, y compris le Canada, se sont engagés à mettre en œuvre un plan d’action pour le développement durable d’ici 2030 grâce aux ODD. Un total de 17 ODD, assortis de 169 cibles, qui sont intégrées et indissociables, ont alors été adoptés.

Parmi les 17 ODD, quatre contiennent des objectifs qui concernent les sols :

ODD 2 : Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable

Logo de l’objectif de développement durable numéro 2, avec le pictogramme d’un bol de soupe fumant et l’inscription Faim zéro.La cible 2.4 suggère que les denrées alimentaires soient produites de manière durable et que les pratiques agricoles soient utilisées pour améliorer la qualité des terres et des sols.

Dans la mesure du possible, les pratiques agricoles tenant compte de la direction de la pente, qui peuvent provoquer l’érosion du sol, doivent être remplacées par la construction de terrasses ou de bandes gazonnées en travers de la pente pour suivre les courbes de niveau du terrain.

Dans le cadre de cet objectif, l’Initiative des laboratoires vivants d’Agriculture et Agroalimentaire Canada réunit des agriculteurs, des éleveurs, des scientifiques et d’autres collaborateurs afin d’élaborer et de mettre à l’essai des pratiques et des technologies novatrices pour protéger la qualité des sols et de l’eau et maximiser la biodiversité dans les paysages agricoles.

ODD 3 : Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge

Logo de l’objectif de développement durable numéro 3, avec le pictogramme d’une ligne de battement de cœur et l’inscription Bonne santé et bien-être. La cible 3.9 vise à réduire le nombre de décès dus à la pollution et à la contamination des sols. L’exploitation minière irresponsable, qui peut entraîner une contamination de l’air, du sol et de l’eau, doit être contrebalancée par des mesures de gestion des eaux usées et de contrôle des poussières. La santé des sols et celle des humains ne font qu’un.

Conformément à cet objectif, Santé Canada collabore avec Environnement et Changement climatique Canada pour contribuer à prévenir les risques pour la santé liés à l’environnement par le biais d’initiatives visant à :

  • réglementer les substances chimiques qui peuvent se retrouver dans l’air, le sol, les aliments, l’eau et les produits de consommation;
  • réduire les risques pour la santé et améliorer la qualité environnementale en déployant des efforts liés à la qualité de l’air, à la qualité de l’eau, aux changements climatiques, aux évaluations environnementales, aux sites contaminés et au bruit.

ODD 12 : Établir des modes de consommation et de production durables

Logo de l’objectif de développement durable numéro 12, avec le pictogramme infini et l’inscription Consommation et production responsables.La cible 12.4 vise à mettre en place une gestion durable des produits chimiques et de l’élimination des déchets. Le rejet irresponsable de polluants dans l’environnement peut entraîner une contamination du sol. Des efforts doivent être déployés pour éduquer le public et le sensibiliser aux répercussions de ses actions.

En ce qui concerne cet objectif et la gestion des produits chimiques, le gouvernement du Canada collabore avec d’autres administrations et organismes internationaux afin de mieux protéger l’environnement et la population canadienne. Ces activités visent également à fournir une orientation et des conseils sur les produits chimiques et la pollution de l’air, de l’eau et du sol, y compris les effets des produits chimiques sur la santé et l’environnement.

ODD 15 : Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des terres et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité

Logo de l’objectif de développement durable numéro 15, avec le pictogramme d’un arbre et d’oiseaux et l’inscription Vie terrestre.Une partie de la cible 15.7 énonce la nécessité de restaurer les terres et les sols dégradés. L’une des causes de la dégradation des sols est l’utilisation excessive d’intrants agricoles, comme les engrais chimiques. On doit encourager le maintien et l’augmentation de la teneur en matière organique des sols par la rotation et la diversification des cultures.

Dans le cadre de cet objectif, le Canada collabore avec les parties à la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification [en anglais], qui appelle à une action mondiale « pour lutter contre la désertification, restaurer les terres et sols dégradés, notamment les terres touchées par la désertification, la sécheresse et les inondations, et s’efforcer de parvenir à un monde sans dégradation des terres ».

Les indicateurs de durabilité présentés par Ressources naturelles Canada, dans L’état des forêts au Canada : Rapport annuel 2022, reflètent également le sens de cet ODD.

Par Joanne Markle LaMontagne, Bibliothèque du Parlement



Catégories :Agriculture, environnement, pêches et ressources naturelles

Tags:, , , , , , , ,

En savoir plus sur Notes de la Colline

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading