Les mots pour parler de race et d’ethnicité : une terminologie en évolution

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Aujourd’hui, à mesure que les attitudes à l’égard des différentes cultures et que les conceptions relatives à la race évoluent, les termes employés pour décrire les divers groupes qui composent la société canadienne changent eux aussi.

Il est souvent difficile de savoir quels sont les termes à utiliser, et à qui ils s’appliquent. Il est pourtant essentiel d’utiliser un langage approprié si l’on veut entretenir des relations positives et respectueuses et si l’on veut éviter d’utiliser des termes qui peuvent s’avérer discriminatoires ou offensants. Dans la mesure du possible, il est préférable de demander à la personne concernée la manière dont elle souhaite qu’on la désigne.

Les répondants au Recensement de 2016 de Statistique Canada ont déclaré plus de 250 origines ethniques différentes, et plus de 40 % de ces personnes en ont déclaré plus d’une. Au sein d’une population aussi diversifiée, il peut être difficile de savoir comment désigner les personnes. La présente Note de la Colline propose quelques pistes dans ce dédale terminologique entourant les notions de race et d’ethnicité. Il convient toutefois de noter que l’usage évolue rapidement dans ce domaine et qu’il peut varier d’un pays à l’autre. La terminologie relative aux peuples autochtones n’est pas abordée dans cet article mais l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a créé un lexique de termes à privilégier.

Définition des notions de race et d’ethnicité

Bien que, souvent, la race et l’ethnicité se rejoignent, il est important de savoir ce qui les distingue.

Selon la Stratégie canadienne de lutte contre le racisme 2019-2022, la « race est une “construction sociale”. Cela signifie que la société forme des idées raciales fondées sur des facteurs géographiques, historiques, politiques, économiques, sociaux et culturels, ainsi que sur des traits physiques […] » Lorsqu’on s’en sert comme système de classification sociale, la race devient chargée de sens et expose certains groupes à la discrimination. À titre d’exemple, d’après Statistique Canada, le nombre de crimes haineux perpétrés contre les Asiatiques de l’Est ou du Sud-Est au Canada a augmenté de plus de 300 % en 2020. Même si les cibles ne sont pas nécessairement d’origine ethnique chinoise ou n’ont même jamais mis les pieds en Chine, les personnes d’origine asiatique font l’objet d’une discrimination croissante dans le monde entier depuis le début de la pandémie de COVID-19.

La Commission ontarienne des droits de la personne définit l’ethnicité comme le « sentiment de partager une tradition culturelle et historique distincte, souvent associée à la race, au lieu d’origine, à la descendance ou aux croyances. » Par ailleurs, les membres d’un groupe ethnique partagent souvent la même langue, la même religion, les mêmes pratiques et les mêmes croyances.

Les définitions qui précèdent nous donnent une idée de l’action que ces deux traits peuvent exercer sur les expériences vécues par de nombreuses personnes au Canada et dans le reste du monde.

Délibérations sur le terme « minorité visible »

La Loi sur l’équité en matière d’emploi et Statistique Canada emploient le terme « minorité visible » pour qualifier « les personnes, autres que les [A]utochtones, qui ne sont pas de race blanche ou qui n’ont pas la peau blanche ». Cette définition est utilisée à l’échelle de la fonction publique fédérale et le terme n’est généralement employé qu’au Canada.

Cependant, à trois reprises, soit en 2007, en 2012 et en 2017, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations Unies a demandé au Canada de reconsidérer l’emploi du terme « minorité visible ». Selon ce comité, le « manque de précision [de ce terme] peut faire obstacle aux mesures visant à réduire efficacement les inégalités socioéconomiques dont souffrent les différents groupes ethniques. »

L’experte indépendante des Nations Unies sur les questions relatives aux minorités a également déclaré que l’emploi du terme par le Canada « a servi à occulter et à délayer les différences et les expériences distinctes des différents groupes minoritaires. »  Le Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine [en anglais] a exprimé des préoccupations semblables.

En juillet 2021, le gouvernement du Canada a annoncé la mise sur pied d’un Groupe de travail sur la révision de la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Dans le cadre de son mandat, ce groupe doit déterminer s’il y a lieu de remplacer l’expression « minorité visible » par un autre terme et si la Loi devrait refléter les diverses expériences des populations qu’elle désigne, comme les Canadiens noirs. Un rapport du groupe de travail est attendu dans les premiers mois de 2022.

Termes de rechange

Des tensions peuvent entourer le sens et l’application des termes employés pour décrire des groupes qui ont été victimes d’oppression dans le passé et qui vivent parfois encore des injustices. Cela est particulièrement vrai des mots qui définissent ces groupes par rapport à une norme « blanche », ou de ceux qui ne tiennent aucunement compte des différences au sein d’un groupe.

Par ailleurs, quand il est nécessaire d’utiliser une dénomination générale, les termes « personne racisée » ou « groupe racisé » sont de plus en plus utilisés, de préférence à des expressions telles que « minorité raciale », « minorité visible », « personne/gens de couleur » ou « non-Blanc ». L’abréviation BIPOC, qui signifie Black, Indigenous and other people of colour (en français : personnes autochtones, noires et de couleur, ou PANDC), a été créée aux États-Unis pour reconnaître la spécificité des expériences vécues par les personnes noires et autochtones, mais son emploi a été critiqué [en anglais] [sur abonnement].

On semble donc actuellement avoir une prédilection pour le terme « racisé », qui rappelle que la race est une construction sociale, et non une caractéristique biologique objective scientifiquement reconnue. Certains remettent pourtant aussi ce terme en question, car ils soutiennent que toutes les personnes sont racisées, même les Blancs. Cependant, dans le cas de ces derniers, on avance que le processus est plus imperceptible.

Les termes acceptés ou préférés peuvent varier selon le pays, en fonction de la population qui le compose. Ainsi, les Britanniques utilisent l’abréviation BAME, qui signifie Black, Asian and Minority Ethnic (en français : Noirs, Asiatiques et membres des minorités ethniques), mais des commentateurs critiquent [en anglais] son emploi pour des raisons semblables à celles pour lesquelles on dénonce l’utilisation des termes « minorité visible » et BIPOC/PANDC, qui placent des populations hétérogènes dans une même catégorie.

Autres aspects à prendre en considération

La diversité des termes énumérés précédemment illustre la difficulté à s’entendre sur les termes qu’il convient d’utiliser et la pérennité du débat à ce sujet. Les termes changent au fil du temps, à mesure que leur sens est contesté, débattu et reconstitué pour tenir compte de l’évolution des mentalités. La Bibliothèque du Parlement surveille l’évolution de cette terminologie et des discussions dont elle fait l’objet, et elle en tiendra compte dans des futures mises à jour de cette Note de la Colline.

Voici certains éléments à prendre en considération lorsqu’il est fait mention de la race ou de l’ethnicité :

  • La race et l’ethnicité d’une personne ne doivent être mentionnées que lorsqu’il est pertinent de le faire.
  • Puisque la terminologie proposée ne fait pas l’unanimité, il est préférable de donner aux personnes décrites la possibilité d’indiquer la désignation qu’elles préfèrent. Il faut éviter de désigner une personne par un terme auquel elle s’oppose.
  • Lorsqu’il convient de mentionner la race ou l’ethnicité d’une personne ou d’un groupe, il est préférable d’employer le terme le plus précis qui soit relatif à l’origine nationale ou ethnique afin d’éviter les généralisations vagues ou inexactes (p. ex. « Indonésien » plutôt qu’« Asiatique », ou « Noir » plutôt que « racisé »).
  • L’expression « minorité visible » est établie dans la législation canadienne. Il est donc parfois nécessaire de l’utiliser dans les domaines du droit et de l’administration publique. Dans d’autres contextes, il peut être indiqué d’employer le mot « racisé » ou d’autres termes.
  • Les règles de grammaire exigent que les mots « Blanc » et « Noir » prennent la majuscule lorsqu’ils désignent des personnes considérées comme appartenant à un peuple. En revanche, les adjectifs correspondant aux noms de peuples, de groupes humains se définissant par la couleur de la peau ou d’habitants s’écrivent avec une minuscule initiale.

Auteures : Julia Nicol et Beverly Osazuwa, Bibliothèque du Parlement



Catégories :Affaires sociales et communautaires, Éducation, langue et formation

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