Les services Internet à large bande dans les collectivités autochtones

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Les services Internet à large bande soutiennent l’autodétermination des peuples autochtones en permettant à leurs collectivités de donner suite à leurs priorités, d’améliorer l’accès aux programmes et aux services, de participer à la vie économique ainsi que de revitaliser les langues et les cultures autochtones. Toutefois, beaucoup de collectivités autochtones n’ont pas accès à des services Internet à large bande fiables et abordables. Des organisations autochtones, comme l’Assemblée des Premières Nations et l’Inuit Tapiriit Kanatami [en anglais], soulignent l’importance d’un tel accès depuis plusieurs années. La présente Note de la Colline traite de la disponibilité de ces services dans les collectivités autochtones et de leur importance pour celles-ci.

Disponibilité des services Internet à large bande dans les collectivités autochtones

En 2016, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a fixé un objectif du service universel pour que l’ensemble de la population canadienne ait accès à des services vocaux et à des services Internet à large bande. Il a précisé que les abonnés à des services Internet à large bande au Canada devraient avoir accès à des vitesses d’au moins 50 mégabits par seconde (Mbps) pour le téléchargement et 10 Mbps pour le téléversement (vitesses 50/10 Mbps), de même qu’à un forfait d’utilisation de données illimitée.

Il existe peu de données désagrégées récentes sur l’accès des collectivités autochtones aux services Internet à large bande. Ces données révèlent souvent des écarts entre les collectivités rurales et urbaines, mais aussi des disparités importantes entre les collectivités autochtones (des régions urbaines, rurales et éloignées) et non autochtones. La Carte nationale des services Internet à large bande montre les vitesses des services Internet disponibles, indiquées par pourcentage d’accès des ménages dans chaque zone, ainsi que les fournisseurs qui offrent des services Internet dans les collectivités du Canada. Plusieurs collectivités du Nord canadien ont uniquement accès à des services Internet par satellite, dont la vitesse peut être inférieure à celle d’autres technologies.

Voici certaines données pertinentes à ce sujet :

  • En 2017, 76 % des ménages des collectivités autochtones n’avaient pas accès à des vitesses 50/10 Mbps.
  • En 2019, 87,4 % des ménages canadiens (notamment 98,6 % des ménages urbains et 45,6 % des ménages ruraux) avaient accès à des services atteignant ou dépassant l’objectif du service universel du CRTC, contre seulement 34,8 % des ménages dans les réserves des Premières Nations. La figure 1 illustre la variabilité de la disponibilité et de la vitesse des services Internet à large bande dans les réserves des Premières Nations, par province et territoire.
  • D’après l’Enquête auprès des peuples autochtones de 2017, 68 % des Inuits vivant dans l’Inuit Nunangat (la terre natale des Inuits) avaient accès à Internet à la maison, contre 91 % des Inuits vivant ailleurs au Canada.
  • En 2017, parmi les personnes s’étant déclarées Métis, 93 % avaient accès à Internet à la maison.

Figure 1 – Disponibilité des services à large bande dans les réserves des Premières Nations, provinces et territoires par vitesse, 2019 (pourcentage des ménages)

Ce diagramme à barres montre la disponibilité des services Internet à large bande dans les réserves des Premières Nations du Canada, par vitesse et par province et territoire. Il révèle qu’en 2019, 87,1 % des ménages dans les réserves des Premières Nations du Canada avaient accès à des services Internet à large bande offrant une vitesse d’au moins 5 Mbps. La disponibilité diminuait à moins de la moitié des ménages pour les vitesses de 50 Mbps et plus, et à moins du tiers des ménages pour les vitesses de 100 Mbps et plus. La disponibilité variait d’une province et d’un territoire à l’autre : les ménages des réserves des Premières Nations du Nouveau Brunswick et de la Colombie Britannique bénéficiaient du taux de disponibilité de services Internet le plus élevé pour les vitesses de 50 Mbps et plus, alors que ces services n’étaient pas encore offerts aux ménages des réserves des Premières Nations du Nord et de Terre Neuve et Labrador.

Note : L’analyse de la disponibilité des services à large bande a été faite en fonction des secteurs des réserves des Premières Nations, d’après les données de recensement de Statistique Canada. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunication canadienne définit l’expression « réserve » dans son Rapport de surveillance des communications de 2020. Le Nunavut n’apparaît pas sur la figure puisqu’il n’y a aucune dans ce territoire. Au Nunavut, la disponibilité des services à large bande selon les catégories est de 99,6 % pour le 5 Mbps+, 0 % pour le 25 Mbps+, 0 % pour le 50/10/illimité et 0 % pour le 100 Mbps+. Les données sur le Nunavut sont reflétées dans les données pour le Canada.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, « Disponibilité du service LTE et de la large bande », Rapport de surveillance des communications.

Conséquences pour les collectivités autochtones

Le manque de services Internet à large bande touche les collectivités autochtones de manière disproportionnée, car il accentue les inégalités dont elles souffrent depuis longtemps dans les domaines de la santé, de l’emploi et de l’éducation. Même dans les régions où ils sont offerts, les services en question peuvent être inaccessibles aux Autochtones qui n’en ont pas les moyens ou qui ne possèdent pas d’appareil numérique.

Parmi les facteurs qui empêchent certaines collectivités autochtones d’avoir accès à des services Internet à large bande fiables et abordables, citons : les coûts élevés d’installation et d’entretien des infrastructures, le faible taux de revenu pour les fournisseurs de services, les défis à relever pour régler rapidement les pannes de réseau dans les régions éloignées, et la courte durée de la saison du transport maritime et de la construction pendant laquelle on peut installer l’équipement nécessaire.

Depuis bien avant la pandémie de COVID-19, le manque d’accès à des services Internet à large bande a plusieurs répercussions sur les collectivités autochtones :

  • Des obstacles peuvent limiter la capacité des gouvernements autochtones à servir leur communauté et à saisir des occasions d’affaires.
  • Les largeurs de bande limitées [en anglais] nuisent à l’utilisation de la vidéoconférence, à l’accès aux services d’enseignement à distance et à l’utilisation d’Internet en classe dans l’Inuit Nunangat.
  • Certains Autochtones doivent se déplacer à l’extérieur de leur communauté pour recevoir des soins de santé (des services Internet à large bande pourraient leur donner accès à des services de télésanté et ainsi faire diminuer le nombre de patients qui doivent quitter leur communauté pour se faire soigner [en anglais]).
  • Les jeunes autochtones ont peu d’occasions d’acquérir des compétences numériques, ce qui peut nuire à leur participation à la vie économique.

En poussant les entreprises, les écoles et les organisations à passer au numérique, la pandémie de COVID-19 a fait ressortir l’importance des services Internet à large bande. Les collectivités autochtones qui n’y ont pas accès ont dû faire face à plusieurs problèmes :

Programmes pertinents du gouvernement fédéral

En 2019, le gouvernement fédéral a annoncé sa stratégie pour garantir à l’ensemble de la population canadienne l’accès aux vitesses 50/10 Mbps d’ici 2030. Une liste de programmes fédéraux qui peuvent aider les collectivités autochtones à obtenir l’accès à des services Internet à large bande est fournie au tableau 1.

Tableau 1 – Exemples de programmes fédéraux appuyant le développement des services Internet à large bande

Organisme fédéral Titre du programme Détails
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes Fonds pour la large bande
  • Fonds qui appuie les projets visant à fournir un accès aux services Internet à large bande et aux services sans fil mobiles dans les régions canadiennes mal desservies
  • Jusqu’à 750 millions de dollars sur cinq ans investis par les grands fournisseurs de services de télécommunication canadiens
  • Premier appel de demandes de financement publié en juin 2019
Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE) Brancher pour innover
  • Financement proposé dans le budget de 2016 (500 millions de dollars) et le budget de 2019 (85 millions de dollars)
  • Financement de projets pour étendre ou mettre à niveau l’infrastructure de base et l’infrastructure du dernier kilomètre dans les collectivités rurales et éloignées
ISDE Fonds pour la large bande universelle
  • Financement proposé de 2,75 milliards de dollars, y compris jusqu’à 50 millions, pour appuyer des projets de services Internet mobiles qui profiteront aux peuples autochtones
  • Financement de projets d’infrastructure à large bande qui apporteront l’Internet à 50/10 Mbps aux communautés rurales et éloignées
Banque de l’infrastructure du Canada Initiative d’infrastructures pour les communautés autochtones
  • Investissement prévu de 1 milliard de dollars pour développer les infrastructures autochtones comme celle des services Internet à large bande
Services aux Autochtones Canada Fonds d’infrastructure des Premières Nations
  • Financement de projets d’infrastructure des collectivités des Premières Nations concernant notamment la connectivité

Source : Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement.

Initiatives autochtones

Des organisations autochtones ont recommandé l’utilisation de technologies et de méthodes particulières pour améliorer l’accès de leurs collectivités aux services Internet à large bande. D’après un rapport publié en 2021 : « Le développement, la fourniture et l’adoption des services à large bande dans les communautés autochtones devraient ainsi être pilotés par les Autochtones et favorisés en partenariat avec eux. » Au cours des dernières décennies, des organisations et des collectivités autochtones ont mis sur pied leurs propres fournisseurs de services, leurs propres réseaux de télécommunications et ont mené des projets pour améliorer l’accès aux services Internet à large bande pour répondre aux besoins des collectivités. En voici quelques exemples :

  • Pathways to Technology [en anglais], un projet géré par l’entreprise autochtone All Nations Trust Company, vise à offrir un service Internet à haute vitesse abordable aux Premières Nations de la Colombie-Britannique.
  • Le réseau de télécommunications autochtone Clear Sky Connections [en anglais] vise à offrir des services aux Premières Nations sans connectivité au Manitoba.
  • Créée en 2019, l’entreprise PanArctic Communications Inc. [en anglais] est le premier fournisseur de services de télécommunications du Nunavut appartenant entièrement à des Inuits.
  • L’organisation à but non lucratif Mamawapowin Technology Society [en anglais] offre un service Internet à haute vitesse gratuit et sans fil à la Nation crie de Samson, en Alberta. Son fondateur, Bruce Buffalo, a amassé des fonds et investi son propre argent pour créer son réseau.
  • K-Net [en anglais], une entreprise détenue et exploitée par des Premières Nations à Sioux Lookout, en Ontario, fournit des services de technologies de l’information et de communication. Elle offre des services Internet à plus de 100 Premières Nations. Créée par un conseil tribal des Premières Nations (Keewaytinook Okimakanak), elle collabore avec un réseau de partenaires des Premières Nations pour établir un réseau communautaire et transmettre ses connaissances sur la gestion de réseaux. K-Net a appuyé des initiatives comme le projet de cybersanté et de télémédecine KO eHealth Telemedicine.
  • Voyageur Internet [en anglais] appartient à des Métis et offre un service Internet à haute vitesse aux collectivités du Manitoba.

Grâce à des initiatives de ce genre, les collectivités autochtones créent des solutions pour améliorer leur accès à des services Internet à large bande et ainsi satisfaire à leurs besoins et leurs priorités.

Ressources additionnelles

First Mile Connectivity Consortium, Publications [en anglais].

« Connectivity in Northern & Indigenous Communities », Northern Public Affairs, vol. 6, numéro spécial no 2, 2018 [en anglais].

Auteure : Brittany Collier, Bibliothèque du Parlement



Catégories :Affaires autochtones, Information et communications

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