La corruption : la définir, la mesurer et y faire échec

Temps de lecture : 6 minutes

(Available in English: Corruption: Defining, Measuring and Addressing)

Tenue le 9 décembre chaque année, la Journée internationale de lutte contre la corruption [en anglais] a pour but de sensibiliser le public au problème mondial de la corruption. Comme les dépenses publiques liées à la pandémie de COVID-19 peuvent ouvrir des possibilités de corruption, le thème de 2020 est « Rétablir avec intégrité ».

Les Nations unies (ONU) estiment qu’aucun pays n’est totalement à l’abri de la corruption, le Canada y compris, et que la corruption est une entrave de taille à la réalisation des objectifs de développement durable.

En plus de définir la « corruption » et certaines des formes qu’elle peut prendre, la présente Note de la Colline examine divers mécanismes utilisés pour mesurer la corruption et se penche sur un nombre de ses coûts. Enfin, elle décrit plusieurs mesures internationales et nationales prises pour lutter contre la corruption.

Définition de la corruption et de certains types de corruption

Plusieurs organisations ont défini le terme « corruption », y compris Transparency International, qui a une définition [en anglais] couramment utilisée : « un abus de pouvoir à des fins d’enrichissement personnel. » [traduction libre]

Un résumé de recherche de Sécurité publique Canada recense les types de corruption, notamment la « petite corruption » et la « grande corruption », la « captation de l’État » étant un aspect de cette dernière.

La « petite corruption » se produit lorsqu’une personne soudoie des fonctionnaires, comme des policiers, des professionnels de la santé ou des agents des douanes, dans le but de bénéficier d’un traitement préférentiel ou d’accélérer des démarches bureaucratiques. Même si les sommes en jeu sont généralement faibles, la petite corruption est considérée comme répandue et difficile à éradiquer.

En revanche, la « grande corruption » se produit lorsque de hauts fonctionnaires exploitent leur situation d’autorité au sein du gouvernement pour se procurer des avantages personnels. Il s’agit par exemple de fonctionnaires qui reçoivent des pots-de-vin d’une entreprise en échange d’un contrat gouvernemental. Dans le cas de la « captation de l’État », les chefs de gouvernement manipulent les lois d’un pays pour pouvoir agir en toute impunité ou pour faciliter le détournement des deniers publics à des fins personnelles.

Mesurer la corruption et ses coûts

L’Indice de perception de la corruption [en anglais] (IPC) de Transparency International évalue et classe les perceptions de la corruption dans le secteur public. La méthodologie [en anglais] de l’IPC combine des données provenant de treize enquêtes externes réalisées auprès d’experts et de gens d’affaires concernant la corruption dans leur pays.

En 2019, le Canada s’est classé au 12e rang de l’IPC, alors qu’en 2018, il était au 9e rang. Trois autres pays du G7, à savoir la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, ont également vu leur classement baisser de 2018 à 2019. Au cours de ces deux années, Transparency International a classé 180 pays.

L’indicateur de contrôle de la corruption de la Banque mondiale, tiré de ses indicateurs de gouvernance mondiaux, mesure la perception de la corruption dans plus de 200 pays. La Banque mondiale utilise [en anglais] des données d’enquête existantes pour évaluer la petite corruption et la grande corruption, y compris la captation de l’État. Sur une échelle de 1 à 100 où 100 est la meilleure note, le Canada a reçu 93,3 en 2019, ce qui représente une baisse par rapport à sa note de 93,8 en 2018.

Un document [en anglais] publié en 2018 par le Groupe de la Banque mondiale a désigné l’IPC et l’indicateur de contrôle de la corruption comme certaines des mesures les plus valables de la corruption globale dans de nombreux pays. Toutefois, selon un guide de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, si ces mesures peuvent donner une idée de la corruption globale, elles ne sont pas fiables lorsqu’il s’agit d’évaluer les changements au sein d’un pays d’une année à l’autre. Les perceptions de la corruption ont tendance à évoluer lentement, et des facteurs autres que la corruption peuvent influer sur les réponses des personnes interrogées.

Selon ces deux mesures de la corruption, la perception de la corruption est plus élevée chez les pays en développement et les pays présentant une grande inégalité des revenus que chez les pays développés et les pays dans lesquels la répartition des revenus est plus égale. Dans tous les pays, les gens peuvent écoper des coûts économiques, sociaux ou autres de la corruption.

En ce qui concerne les coûts économiques, selon l’ONU [en anglais], la corruption ronge plus de 5 % du produit intérieur brut mondial chaque année. Selon les estimations, environ 1 000 milliards de dollars américains sont payés en pots-de-vin et 2 600 milliards de dollars américains sont soustraits des deniers publics.

Du point de vue social, les soins de santé constituent un secteur dans lequel on constate la corruption. En effet, un article [en anglais] de 2019 publié dans The Lancet a fait valoir que les vaccins et les médicaments peuvent être volés, que les données relatives à la santé peuvent être manipulées et que certains patients peuvent bénéficier d’un traitement préférentiel. Ainsi, la situation globale en matière de santé publique peut être pire qu’elle ne le serait autrement.

De plus, la corruption peut éroder la confiance dans le gouvernement et ainsi donner lieu à des manifestations pouvant déstabiliser le pays. Par exemple, selon un article [en anglais] publié en 2015 par la Brookings Institution, la corruption a été l’un des principaux facteurs à l’origine des manifestations du printemps arabe en 2011. En 2020, des manifestants anticorruption dans des pays comme Haïti [en anglais], l’Irak [en anglais], la Libye [en anglais] et le Pérou [en anglais] ont été tués ou ont disparu.

Faire échec à la corruption

Il est possible de combattre la corruption – aux paliers national et mondial –par des mesures internationales et nationales. Par exemple, les 37 pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) – dont le Canada fait partie – et sept autres pays ont adopté en 1997 la Convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales.

En outre, le premier instrument mondial juridiquement contraignant pour lutter contre la corruption – la Convention des Nations unies contre la corruption – est entré en vigueur en 2005. Ratifiée par 186 des 193 États membres de l’ONU, dont le Canada, la convention contient des dispositions sur la prévention de la corruption, l’application des lois et le recouvrement des avoirs, entre autres.

Les membres de l’Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption, établie à Ottawa, au Canada, depuis 2002 et représentant plus de 50 pays, ont formé le Groupe de travail mondial de la Convention des Nations Unies contre la corruption afin d’assurer le contrôle parlementaire de la ratification, de la mise en œuvre, du suivi et de l’examen de la convention.

De plus, la plupart des pays ont des lois nationales qui criminalisent les activités de corruption. Au Canada, les lois à cet effet comprennent le Code criminel, qui criminalise la corruption, la fraude, la falsification de documents, l’abus de confiance et le paiement de commissions secrètes.

En 1998, le Canada a adopté la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers (LCAPE) pour s’acquitter de certaines obligations internationales. Cette loi criminalise la corruption de fonctionnaires étrangers par des citoyens canadiens et des entreprises exerçant des activités à l’étranger. Selon un rapport récent, huit condamnations ont été prononcées depuis l’adoption de la LCAPE, dont trois sont en appel. L’Autriche et la Nouvelle-Zélande ont entrepris un examen par des pairs de la mise en œuvre de la LCAPE au Canada, qui devrait s’achever en juin 2023.

En outre, le Canada tente de lutter contre la corruption au moyen de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus adoptée en 2011 puis examinée par le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes en 2017 conformément à une disposition d’examen prévue dans la loi. En vertu de cette loi, le Canada a gelé les avoirs de 123 personnes originaires de Tunisie et de 18 personnes originaires d’Ukraine.

Par ailleurs, la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski) est entrée en vigueur en 2017. En vertu de cette loi, le Canada a pris des sanctions contre 70 personnes : une du Myanmar, 30 de la Russie, 17 d’Arabie saoudite, trois du Soudan du Sud et 19 du Vénézuéla.

Selon un rapport [en anglais] de Transparency International publié en 2020, le Canada est l’un des pays où l’application de la loi sur les activités de corruption des fonctionnaires et des entreprises exerçant des activités à l’étranger est « limitée ». Le rapport propose la création d’un organisme central au pays qui pourrait accroître la transparence au sujet des décisions judiciaires relatives à la corruption.

Ressources additionnelles

Agerberg, Matthias. « Corrupted Estimates? Response Bias in Citizen Surveys on Corruption », Political Behavior, 2020 [en anglais].

Chayes, Sarah. Thieves of State: Why Corruption Threatens Global Security, New York, Norton, 2015.

Grundler, Klaus et Nikolas Potrafke. « Corruption and Economic Growth: New Empirical Evidence », CESIFO Working Papers, août 2019 [en anglais].

Garcia, Patricia J. « Corruption in global health: the open secret », The Lancet, vol. 394, no 10214, décembre 2019, p. 2119–2124 [en anglais].

Affaires Mondiales Canada. La lutte du Canada contre la corruption transnationale, Vingt et unième rapport annuel au Parlement, septembre 2019 – août 2020.

Gouvernement du Canada. Lutte contre la corruption dans les pays en développement.

Sartor, Michael A. et Paul W. Beamish. « Private Sector Corruption, Public Sector Corruption and the Organizational Structure of Foreign Subsidiaries », Journal of Business Ethics, avril 2019 [en anglais].

Hauser, Christian. « Fighting Against Corruption: Does Anti-corruption Training Make Any Difference? », Journal of Business Ethics, février 2018 [en anglais].

Auteure : Marie Dumont, Bibliothèque du Parlement



Catégories :Gouvernement, Parlement et politique, Lois, justice et droits

Tags:, , ,

1 réponse

  1. c’est un blog très instructif que vous avez. Merci de partager avec nous.

En savoir plus sur Notes de la Colline

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading