Sécurité dans la péninsule coréenne : 70 ans après le début de la guerre de Corée

Temps de lecture : 8 minutes

(Available in English: Security in the Korean Peninsula: 70 Years After the Start of the Korean War)

Note : Une mise à jour de cette publication a été publiée en juillet 2021 : La sécurité dans la péninsule coréenne : le rôle du Canada

En juin 1950, les forces nord-coréennes envahissaient la Corée du Sud, déclenchant ainsi la guerre de Corée. Aujourd’hui, 70 ans après le début de ce conflit, la péninsule coréenne demeure l’une des régions les plus explosives du monde.

La présente Note de la Colline donne un aperçu de la guerre de Corée et du rôle qu’y a joué le Canada. Elle résume ensuite les conditions de sécurité actuelles dans la péninsule coréenne. Enfin, on y examine les contributions du Canada à la sécurité dans cette région, ainsi que la pertinence de cette région pour le pays. Elle conclut en mentionnant certaines façons dont le Canada se souvient de la guerre de Corée.

Guerre de Corée

Après la Seconde Guerre mondiale, la péninsule coréenne est divisée en deux le long du 38e parallèle. Au nord, avec le soutien de l’Union soviétique, s’établit un régime communiste : la République populaire démocratique de Corée, ou Corée du Nord. Au sud, avec le soutien des États-Unis, naît la République de Corée, ou Corée du Sud.

Dans la foulée de l’invasion de 1950, le Conseil de sécurité des Nations Unies met sur pied un commandement armé unifié, dirigé par les États-Unis, dont l’objectif était d’aider la Corée du Sud à repousser les forces nord-coréennes, elles-mêmes appuyées par les forces chinoises à partir d’octobre 1950. Un armistice [en anglais], et non un traité de paix, met fin aux hostilités actives de la guerre de Corée le 27 juillet 1953. La péninsule coréenne est alors divisée le long d’une zone démilitarisée.

Carte de la péninsule coréenne

Carte illustrant la Corée du Nord avec sa capitale Pyongyang, et la Corée du Sud avec sa capitale Séoul, ainsi que la ville de Busan dans le sud-est. La zone démilitarisée est définie le long de la frontière entre les deux pays. La ville de Panmunjom est située dans la zone démilitarisée à son extrémité ouest.

Carte produite par la Bibliothèque du Parlement, Ottawa, 2020, au moyen des données de Natural Earth, 1:10m Cultural Vectors et 1:10m Physical Vectors [en anglais], version 4.1.0. Les logiciels suivants ont été utilisés : Esri, ArcGIS Pro, version 2.5.0.

Rôle du Canada durant la guerre de Corée

Le gouvernement du Canada a participé aux efforts du commandement armé des Nations Unies, en fournissant des forces armées et des fonds destinés aux efforts de développement et de reconstruction de la Corée du Sud. La participation du Canada à la guerre de Corée était motivée par plusieurs facteurs, notamment son appartenance à l’ONU et son soutien à la fois à la sécurité collective et aux États-Unis dans le contexte de la Guerre froide.

Selon Anciens Combattants Canada, plus de 26 000 Canadiens ont servi pendant la guerre de Corée, de 1950 à 1953. Au total, 516 Canadiens y ont perdu la vie. Bon nombre d’entre eux sont enterrés au cimetière commémoratif des Nations Unies à Busan, en Corée du Sud.

Parmi les engagements armés importants du Canada, notons la bataille de Kapyong, en 1951, au cours de laquelle les forces canadiennes ont aidé à stopper une avancée sur Séoul. Les forces canadiennes ont également combattu à plusieurs reprises pour défendre la « côte 355 », un lieu stratégique situé près des lignes de ravitaillement principales menant à Séoul.

Photo: Deux soldats canadiens, 1952

Deux soldats canadiens du Royal 22e Régiment à un poste de première ligne en Corée, 1952.
Source : Ministère de la Défense nationale/Bibliothèque et Archives Canada

En 1953, le secrétaire d’État aux Affaires extérieures du Canada, Lester B. Pearson, envisageait [en anglais] l’armistice comme une « première étape » vers « un règlement politique et la reconstruction d’une Corée libre, démocratique et unie » [traduction]. Toutefois, cet objectif n’est toujours pas atteint.

Conditions de sécurité actuelles dans la région

L’armistice de 1953 n’a pas donné lieu à une relation normalisée entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Alors que la péninsule coréenne demeure très militarisée, une reprise des hostilités pourrait entraîner rapidement des pertes civiles et une crise humanitaire importantes.

La Corée du Nord, en violation des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, poursuit ses activités de développement d’armes nucléaires et de missiles balistiques de longue portée, faisant de la sécurité dans la péninsule coréenne une préoccupation mondiale. La Corée du Nord a effectué son premier essai nucléaire en 2006, à la suite de son retrait du Traité de non-prolifération nucléaire. Son plus récent essai a eu lieu en 2017.

Malgré une série de sommets et de négociations en 2018 et 2019, entre les dirigeants sud-coréens et nord-coréens, et entre le leader de la Corée du Nord et le président des États-Unis, peu de problèmes ont été résolus et le potentiel de conflit demeure. Selon des rapports tout récents, soit le 16 juin 2020, la Corée du Nord aurait détruit le bureau de liaison intercoréen situé près de la zone démilitarisée, menaçant de redéployer ses forces armées dans des zones auparavant démilitarisées.

Le 11 juin 2020, le ministre des Affaires étrangères de la Corée du Nord a déclaré que la perspective de paix dans la péninsule coréenne « avait viré dans un sombre cauchemar », affirmant que son pays entendait étendre ses capacités d’armement nucléaire. Selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm [en anglais], la Corée du Nord posséderait aujourd’hui entre 30 et 40 armes nucléaires.

Contribution actuelle du Canada à la sécurité dans la péninsule coréenne

La guerre de Corée n’est pas officiellement terminée, pas plus que ne l’est la participation du Canada dans la péninsule coréenne. Selon Affaires mondiales Canada (AMC), le Canada maintient un « engagement durable à l’égard de la paix et de la stabilité dans la péninsule coréenne ». Le pays utilise des approches diplomatiques, économiques et militaires pour s’acquitter de cet engagement.

En matière de diplomatie, une délégation d’AMC s’est rendue en Corée du Nord en 2016 pour exhorter le gouvernement de ce pays à abandonner son programme d’armement nucléaire. Des discussions ont également eu lieu à Ottawa en 2018. Cette année-là, le Canada et les États-Unis avaient par ailleurs organisé conjointement, en janvier, un sommet à Vancouver réunissant plus de vingt ministres des Affaires étrangères pour discuter de moyens d’appliquer et de faire respecter les sanctions de l’ONU contre la Corée du Nord adoptées en 2006 et resserrées en 2017.

En matière d’économie, le Canada a incorporé les sanctions des Nations Unies contre la Corée du Nord dans la loi en 2006, en plus d’imposer d’autres sanctions à ce pays en 2011.

En matière militaire, en mars 2020, les Forces armées canadiennes comptaient 15 membres affectés au Commandement des Nations Unies en Corée du Sud, dont certains dans la zone démilitarisée. Selon le ministère de la Défense nationale, leurs tâches consistent à « officialiser les relations, à faire respecter la Convention d’armistice […], et à consigner et transmettre de l’information ». De mai 2018 à juin 2019, le lieutenant-général canadien Wayne Eyre a agi à titre de commandant adjoint du Commandement des Nations Unies en Corée. Il était le premier officier ne provenant pas des États-Unis à occuper ce poste.

En outre, depuis mai 2018, les Forces armées canadiennes participent aux efforts multinationaux d’application des sanctions des Nations Unies contre la Corée du Nord, par le déploiement périodique de frégates et d’aéronefs de surveillance. Le déploiement prévu en mai 2020 a été reporté en raison de la pandémie de COVID-19.

Photo: Une frégate de la Marine royale canadienne et un aéronef de surveillance de l’Aviation royale canadienne

Une frégate de la Marine royale canadienne − le NCSM Ottawa − et un aéronef de surveillance de l’Aviation royale canadienne participent à l’opération NEON, un effort multinational d’application des sanctions des Nations Unies contre la Corée du Nord, en octobre 2019.
Source : Ministère de la Défense nationale, Caméra de combat des Forces armées canadiennes

Pertinence de la région pour le Canada

En 2017, dans un discours sur la politique étrangère, la ministre des Affaires mondiales de l’époque, Chrystia Freeland, a déclaré que le Canada soutient un « ordre international fondé sur des règles », s’oppose à la violation des frontières souveraines et milite pour le règlement pacifique des différends. Elle a ajouté que le Canada considère que la dictature de la Corée du Nord fait partie des « menaces stratégiques claires pour le monde libéral démocratique, y compris le Canada ».

La reprise du conflit entre la Corée du Nord et la Corée du Sud pourrait s’étendre à d’autres pays. Par exemple, les États-Unis ont signé un traité de défense mutuelle avec la Corée du Sud, selon lequel ils assumeraient le contrôle opérationnel de l’armée de cette dernière en temps de guerre. Dans la même veine, la Chine a conclu un traité de défense mutuelle avec la Corée du Nord (bien que des observateurs aient remis en doute [en anglais] l’engagement de la Chine à défendre la Corée du Nord).

Le missile balistique de longue portée testé par la Corée du Nord en 2017 pourrait atteindre des cibles au Canada et aux États-Unis. En septembre 2017, le commandant adjoint canadien du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord affirmait devant le Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes que les États-Unis n’abattraient pas nécessairement un missile nord-coréen visant le Canada puisque ce dernier ne participe pas au programme américain de défense antimissiles balistiques.

Les relations entre le Canada et la Corée du Sud se sont renforcées depuis les années 1950. En 2019, ce pays était le septième partenaire commercial du Canada dans le secteur des marchandises, et son seul partenaire bilatéral dans le cadre d’un accord de libre-échange dans la région Asie-Pacifique. AMC estime qu’environ 27 000 Canadiens résident en Corée du Sud.

De plus, comme l’indiquait un communiqué de presse du Cabinet du Premier ministre canadien en avril 2019, le rôle du Canada dans le maintien de la paix et de la stabilité dans la péninsule coréenne contribue à raffermir les relations entre le Canada et le Japon. Selon des rapports, la Corée du Nord aurait menacé de lancer un missile balistique sur le Japon.

Le Canada se souvient et on se souvient du Canada

Depuis 2013, le Canada souligne la Journée des anciens combattants de la guerre de Corée le 27 juillet. Le nom des soldats canadiens qui ont perdu la vie durant ce conflit est inscrit dans le Livre du Souvenir de la guerre de Corée, gardé dans la Chapelle du Souvenir du Parlement du Canada.

En 2018, l’ancien ambassadeur du Canada en Corée du Nord et en Corée du Sud, Marius Grinius, déclarait ceci au Globe and Mail : « Posez la question à n’importe quel ancien combattant canadien de la guerre de Corée. […] Voyant la démocratie dynamique qu’est devenue la Corée du Sud, il vous dira que tous ces sacrifices, y compris ceux de ses frères d’armes morts au combat, n’ont pas été vains. Il s’attendrait également à ce que les générations canadiennes futures contribuent à préserver la liberté durement acquise de la Corée du Sud [traduction]. »

Dans un récent geste de gratitude, le gouvernement de la Corée du Sud a fait don de masques aux anciens combattants canadiens de la guerre de Corée pour les protéger contre la COVID-19.

Ressources additionnelles

Serge Bernier, « La guerre froide et l’intervention canadienne en Corée », Cap-aux-Diamants : La revue d’histoire du Québec, no 84, hiver 2006.

Réjean Boudreau, « Corée du Nord − Une crise sur plusieurs fronts », La Presse, 24 septembre 2017.

Chambre des communes, Débats, 2e session, 21e législature, 30 juin 1950, p. 1163 (Allocution du très honorable Louis St-Laurent, Premier ministre : Affaires étrangères – Situation en Corée – Participation du Canada dans l’action collective des Nations Unies) [en anglais].

Greg Donaghy, « Diplomacy of Constraint Revisited: Canada and the UN Korean Reconstruction Agency, 1950-55 », Journal of the Canadian Historical Association, vol. 25, no 2, 2014.

Gian Gentile et al., Four Problems on the Korean Peninsula: North Korea’s Expanding Nuclear Capabilities Drive a Complex Set of Problems, RAND Corporation, 2019 [en anglais].

Denis Stairs, « Canada and the Korean War: Fifty Years On », Canadian Military History, vol. 9, no 3, été 2000, p. 49 à 60 [en anglais].

Nathan VanderKlippe, « At the Korean DMZ, Canadians watch wearily and hope for peace », The Globe and Mail, 10 février 2018 (remarque : les utilisateurs du réseau parlementaire peuvent accéder à l’article ici) [en anglais].

Auteur : Ariel Shapiro, Bibliothèque du Parlement



Catégories :Affaires internationales et défense

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