Le logement abordable sous l’angle de l’offre et de la demande

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Si l’offre et la demande en matière de logement pouvaient parler, elles nous diraient que les propositions qui augmentent l’offre ont pour effet de réduire les prix et d’augmenter la quantité. Quant aux propositions qui font augmenter la demande, elles entraînent une hausse à la fois des prix et de la quantité des logements.

Cette Note de la Colline présente le logement abordable au Canada sous l’angle de l’offre et de la demande.

Propositions du budget de 2022

Dans le budget de 2022, le gouvernement fédéral reconnaît que le Canada est aux prises avec une pénurie de logements et explique qu’il devra doubler son taux de nouvelles constructions, qui devra passer de 200 000 à 400 000 nouvelles constructions par année durant la prochaine décennie pour combler les besoins actuels et répondre à la demande d’une population grandissante.

Pour relever ce défi, le gouvernement a fait 24 propositions auxquelles il entend consacrer 10,1 milliards de dollars sur cinq ans pour construire un plus grand nombre d’habitations et rendre le logement plus abordable. On peut répartir ces propositions en quatre grandes catégories :

  • les propositions qui augmentent l’élasticité de l’offre de logements, c.-à-d. qui la rendent plus sensible à la fluctuation des prix (p. ex. utiliser les programmes fédéraux d’infrastructures et de transport en commun pour encourager les provinces, les territoires et les municipalités à construire un nombre accru d’habitations);
  • les propositions qui augmentent l’offre de logements du marché et hors marché (p. ex. établir le nouveau fonds pour accélérer la construction et la réparation de logements pour les Canadiens vulnérables par l’intermédiaire du Fonds national de co‑investissement pour le logement, construire rapidement de nouveaux logements abordables en prolongeant l’Initiative pour la création rapide de logements, et mettre sur pied le nouveau programme de développement de coopératives d’habitation);
  • les propositions qui réduisent la demande de logements (p. ex. l’interdiction de l’investissement étranger pendant deux ans et l’imposition des gains en capital résultant de la vente d’une résidence principale détenue depuis moins de 12 mois);
  • les propositions qui font augmenter la demande de logements (p. ex. établir le nouveau compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété , doubler le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation, et prolonger et assouplir l’incitatif à l’achat d’une première propriété).

L’offre et la demande de logements

L’offre de logements représente la quantité de logements que les promoteurs et les propriétaires (vendeurs) sont disposés à vendre à différents prix au cours d’une période donnée. Comme l’illustre la figure en annexe, elle est représentée par une courbe ascendante où l’axe vertical correspond au prix et l’axe horizontal à la quantité, la corrélation étant positive entre le prix et la quantité offerte.

Parmi les déterminants de l’offre de logements figurent le prix des terrains et les coûts de construction, ainsi que les contraintes géographiques (p. ex. les océans et les montagnes) et les restrictions municipales relatives à l’aménagement du territoire, qui relèvent de la compétence provinciale, territoriale et municipale, et limitent les types d’habitations et l’endroit où elles peuvent être construites. Les contraintes géographiques et les restrictions municipales relatives à l’aménagement du territoire sont des déterminants majeurs de l’élasticité de l’offre de logements d’une ville. Une variation de l’offre (augmentation ou réduction dans la courbe de l’offre de logements) modifie la quantité que les vendeurs sont disposés à vendre aux différents niveaux de prix et résulte d’un changement touchant au moins un des facteurs qui influent sur l’offre, à l’exception du prix lui‑même. Un changement dans la quantité offerte, par opposition à une variation de l’offre, se produit quand le prix seulement change par suite d’une variation de la demande sans variation de l’offre.

De même, la demande de logements correspond à la quantité d’unités de logement que les acheteurs sont disposés à acheter pour un éventail de prix au cours d’une période donnée. Comme le montre la figure en annexe, sa représentation graphique est celle d’une courbe descendante qui illustre la corrélation négative entre le prix et la quantité demandée.

Parmi les facteurs qui peuvent influer sur la demande de logements figurent la capacité d’emprunt des acheteurs, le revenu des acheteurs, l’emploi, la croissance de la population et les mesures fiscales qui améliorent le rendement après impôt de la propriété domiciliaire comparativement à d’autres investissements. Une variation de la demande modifie la quantité que les acheteurs sont disposés à acheter aux différents niveaux de prix et résulte d’un changement touchant au moins un des facteurs qui influent sur la demande, à l’exception du prix lui-même. Un changement de la quantité demandée, par opposition à une variation de la demande, se produit quand seul le prix change par suite d’une variation de l’offre qui ne s’accompagne pas d’une variation de la demande.

Dans chaque marché du logement, les courbes de l’offre et de la demande se croisent au prix d’équilibre, où la quantité offerte et la quantité demandée sont égales. Par conséquent, le fait de déterminer si les initiatives et les propositions de financement du gouvernement modifieraient l’élasticité de l’offre de logements, l’offre de logements ou la demande de logements peut fournir des renseignements précieux sur l’incidence qu’elles auraient sur les nouveaux points d’équilibre du prix et de la quantité de logements après leur mise en œuvre.

Propositions qui font augmenter la demande de logements

Comme le montre la figure en annexe, quand l’offre de logements est relativement élastique, les propositions qui font augmenter la demande entraînent une hausse du point d’équilibre du prix et de la quantité de logements sous l’effet d’une variation à la hausse de la demande à tous les niveaux de prix. Selon l’International Growth Centre (IGC) [en anglais], cependant, elles ne sont « pas efficaces dans les villes où l’offre de logements est soumise à des restrictions relatives à l’aménagement et à la rareté des terrains disponibles [traduction] ». Dans ces villes où l’offre de logements est inélastique, les propositions qui font augmenter la demande « se traduisent simplement par une hausse des prix des maisons [traduction] » sans augmentation de leur quantité.

D’après le ministère des Finances Canada, les incitatifs nets dans la Loi de l’impôt sur le revenu et la Loi sur la taxe d’accise en faveur de la propriété par opposition à la location étaient estimés à 5,3 milliards de dollars par année en 2021 (p. ex. la non-imposition des gains en capital sur la résidence principale, le remboursement de la taxe sur les produits et services pour les nouveaux logements et le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation moins l’exonération de la taxe sur les produits et services pour certains loyers résidentiels). Ainsi que l’a souligné en 2018 Evan Siddall, ancien président et premier dirigeant de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, la non‑imposition des gains en capital sur la résidence principale, conjuguée à de « faibles taux d’intérêt font de l’investissement dans l’immobilier résidentiel un moyen d’épargne irrésistible » parce que la « valeur d’une maison peut être multipliée par dix ou plus sans entraîner d’impôt sur les gains en capital ». De l’avis de M. Siddall, l’avantage de la non-imposition des gains en capital sur la résidence principale « est plus important pour les ménages à revenu élevé » parce que les gains en capital libres d’impôt à la vente d’une résidence principale ne sont pas plafonnés. À l’inverse, les locataires qui font des gains en capital au moyen de comptes non enregistrés (qui ne sont pas un régime enregistré d’épargne-retraite ou un compte d’épargne libre d’impôt) doivent acquitter l’impôt fédéral et provincial ou territorial sur 50 % de ces gains en capital.

Propositions qui font augmenter l’offre de logements

Comme le montre la figure en annexe, quand l’offre de logements est relativement élastique, les propositions qui contribuent à augmenter l’offre de logements (au moyen de la prestation directe de services par le gouvernement, de contributions en capital, de subventions sous forme de prêts ou de mesures fiscales) réduisent le prix d’équilibre et augmentent la quantité d’équilibre de logements en déplaçant l’offre vers le haut pour tous les niveaux de prix. Toutefois, selon l’IGC [en anglais], lorsqu’elles sont mises en œuvre dans le contexte de restrictions municipales relatives à l’aménagement urbain « qui contribuent à l’inélasticité de l’offre de logements » [traduction], ces propositions « ne peuvent pas faire augmenter le parc de logements et ont plutôt pour effet de remplacer les logements non subventionnés par des logements construits par des promoteurs subventionnés [traduction] ». De plus, ces propositions à elles seules ne sont généralement pas suffisantes pour s’attaquer aux facteurs fondamentaux qui renchérissent les coûts des terrains et de la construction.

Propositions qui contribuent à l’élasticité de l’offre de logements

Selon une estimation publiée en 2021 par la Banque du Canada [en anglais], l’élasticité médiane de l’offre de logements était de 2,2 % à l’échelle des villes canadiennes, ce qui signifie qu’une hausse de 1 % du prix des maisons dans la ville canadienne médiane était associée à une augmentation de 2,2 % de l’offre de logements. La Banque du Canada a cependant constaté des disparités notables entre les villes. Ainsi, l’élasticité estimative de l’offre était de 0,63 % à Vancouver, de 0,89 % à Toronto et de 4,3 % à Winnipeg.

D’après l’IGC [en anglais], quand l’offre de logements dans une ville n’est pas élastique, « pour débloquer des terrains, il faut éliminer les obstacles à l’obtention de parcelles officielles qui sont bien rattachées à la ville et en réduire ainsi le coût [traduction] ». Ces obstacles comprennent des restrictions strictes relatives à l’aménagement du territoire et l’obtention difficile de terrains publics bien situés pour la construction de logements. En 2020, l’Institut C.D. Howe [en anglais] a évalué à 230 000 $ en moyenne le surcoût d’une nouvelle maison attribuable à ces obstacles dans les huit villes canadiennes les plus restrictives et à 644 000 $ à Vancouver.

Comme il est expliqué dans le budget de 2022, tous les ordres de gouvernement auront un rôle à jouer pour permettre la construction d’un nombre accru de maisons et pour rendre le logement plus abordable au Canada au cours de la prochaine décennie.

 

Annexe

Figure – Offre et demande de logements

Cette figure illustre l’incidence des propositions qui font augmenter l’offre et la demande de logements en comparant les points d’équilibre des prix et des quantités avant et après la mise en œuvre des propositions. La représentation graphique de l’offre de logements est une courbe ascendante où l’axe vertical est le prix et l’axe horizontal la quantité, ce qui illustre la corrélation positive entre le prix et la quantité offerte. La représentation graphique de la demande de logements est une courbe descendante qui illustre la corrélation négative entre le prix et la quantité demandée. Le point d’équilibre entre le prix et la quantité correspond à l’intersection entre les courbes de l’offre et de la demande, c.-à-d. le prix et la quantité auxquels la quantité offerte et la quantité demandée sont à égalité. La figure montre qu’une variation vers la droite de l’offre réduit le prix d’une maison de 50 000 $, passant donc de 500 000 $ à 450 000 $, et qu’il augmente la quantité de maisons de 1 000, soit de 10 000 à 11 000 maisons. Une variation vers la droite de la demande augmente le prix d’une maison de 50 000 $, passant donc de 500 000 $ à 550 000 $, et il augmente la quantité de maisons de 1 000, soit de 10 000 à 11 000 maisons. La figure présente aussi les principaux facteurs de l’offre et de la demande de logements entre l’illustration d’un acheteur éventuel et d’une maison. Ces facteurs sont les coûts des terrains et de la construction, des contraintes géographiques comme les océans et les montagnes, et les restrictions municipales relatives à l’aménagement du territoire. Pour ce qui est de la demande, les principaux facteurs sont la capacité d’emprunt des acheteurs, le revenu des acheteurs, l’emploi, la croissance de la population et les mesures fiscales qui améliorent le rendement après impôt de la propriété comparativement à d’autres investissements.

Note : Les exemples numériques sont fournis pour fins d’illustration seulement.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement.

Lectures complémentaires :

Bureau du directeur parlementaire du budget. Évaluation du prix des propriétés – Un portrait de la capacité d’emprunt, 17 février 2022.

Groupe d’étude ontarien sur le logement abordable. Rapport du Groupe d’étude ontarien sur le logement abordable, 8 février 2022.

Lee, Marc. Centre canadien de politiques alternatives, Bureau de la Colombie‑Britannique, Upzoning Metro Vancouver’s Low-density Neighbourhoods for Housing Affordability, février 2022 [en anglais].

 

Par Édison Roy-César, Bibliothèque du Parlement



Catégories :Affaires sociales et communautaires, Économie et finances

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