Impacts de la COVID-19 sur certains secteurs de l’économie canadienne

Temps de lecture : 6 minutes

Le 8 avril 2020, 9h30

(Available in English: Impacts of COVID-19 on Selected Sectors of Canada’s Economy)

La pandémie de COVID-19 a des impacts majeurs sur l’ensemble de l’économie canadienne. Certains secteurs d’activité sont particulièrement touchés ou mettront beaucoup de temps à revenir à un niveau d’activité normal.

Facteurs de risque

Certains facteurs présentés ci-dessous expliquent non seulement l’ampleur des effets négatifs sur un secteur d’activité donné, tels que des pertes d’emploi, des faillites, mais aussi la rapidité d’une reprise éventuelle des activités.  En voici quelques-uns :

  • la nature du processus de production – la production du bien ou la prestation du service exige-t-elle une grande proximité entre les employés? Les processus sont-ils principalement automatisés?
  • la demande des produits et services – la demande des produits et services jugés non essentiels diminue lorsque la plupart de la population est confinée à la maison. Les gouvernements provinciaux déterminent alors le caractère essentiel des activités pour chacun des secteurs.
  • la proximité avec d’autres personnes dans la livraison du bien ou du service – la plupart des activités culturelles, sportives et éducatives ont été annulées compte tenu de la proximité des participants dans leur déroulement. Tel a été le cas aussi pour plusieurs autres activités commerciales (p. ex., esthétique, restauration).
  • la disponibilité des travailleurs – beaucoup de personnes ont dû s’isoler pour protéger leur santé ou s’occuper d’un enfant. De plus, la majorité des personnes âgées ont restreint leurs activités puisqu’elles sont plus à risque de subir des complications si elles contractent le virus. C’est pourquoi le secteur du bénévolat a connu un manque de personnel.
  • la vulnérabilité des entreprises du secteur – certains secteurs de l’économie canadienne sont composés d’une plus grande part de petites et moyennes entreprises (PME), qui n’ont pas nécessairement les liquidités requises pour pallier des pertes de revenus significatives pendant longtemps.

Secteurs à risque

L’indice de confiance des PME calculé par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante est passé de 60,5 en février 2020 à 30,8 en mars. L’indice se fonde sur les perspectives des propriétaires de PME à l’égard de la santé de leur entreprise pour l’année à venir. Telle qu’illustrée au graphique 1, la baisse de confiance a été plus vive dans certains secteurs.

Graphique 1 – Indice du Baromètre des affaires, secteurs choisis, 2020

Le graphique 1 montre l’indice du baromètre des affaires dans certains secteurs choisis. De février à mars 2020, il y a eu une baisse importante de cet indice dans l’ensemble de l’économie, passant de 60,5 à 30,8. La baisse a été marquée dans les secteurs des ressources naturelles, de la fabrication, des transports, du commerce de détail, de l’information, arts et spectacles, et dans l’hébergement et la restauration.

Source : Figure préparée par les auteurs à l’aide de données obtenues de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, Baromètre des affaires : secteurs – Mars 2020. Données consultées le 26 mars 2020.

Les six secteurs présentés dans le tableau 1 représentent environ 29 % de l’emploi et 25 % de la production de l’ensemble de l’économie canadienne.

Tableau 1 – Emploi et production du Canada, secteurs choisis

Secteurs Emploi Production
Nombre (en milliers) % du total En milliards de $ % du total
Hébergement et restauration               1 320          7,9             45,2        2,3
Arts, spectacles et loisirs                  356          2,1             21,3        1,1
Transport*                  226          1,4             39,7        2,0
Commerce de détail**               1 280          7,7             72,2        3,6
Fabrication               1 553          9,3           199,2       10,0
Extraction de pétrole et de gaz                   56          0,3           109,8        5,5
Total des secteurs choisis               4 791        28,7           487,4       24,5
Ensemble de l’économie canadienne             16 623      100,0        1 985,3     100,0

* Comprend principalement le transport de passagers sauf le transport en commun urbain.
** Excluant les magasins d’alimentation et les magasins de produits de soins de santé et personnels.

Source : Tableau préparé par les auteurs à l’aide de données obtenues de Statistique Canada, Tableau 14-10-0202-01 – Emploi selon l’industrie,  données annuelles, et Tableau 36-10-0434-02 – Produit intérieur brut (PIB) aux prix de base, par industries, mensuel, taux de croissance (x 1 000 000). Données consultées le 20 mars 2020.

Hébergement et restauration

Une enquête menée par Restaurants Canada auprès des entreprises de services alimentaires du pays a révélé que beaucoup d’entre elles envisagent fermer définitivement dans le sillage de la COVID-19. Selon l’Association des hôtels du Canada, le 21 mars 2020, le taux d’occupation des hôtels était à moins de 10 % à travers le pays. Des données [en anglais seulement] de l’Association de l’industrie touristique du Canada indiquent que le secteur du tourisme pourrait perdre mensuellement jusqu’à 6 milliards de dollars durant la pandémie et près de 778 000 emplois en tout. Toutefois, les dépenses touristiques intérieures des Canadiens représentent 80 % de l’activité économique du tourisme au pays et celles-ci pourraient augmenter si les Canadiens passent leurs vacances estivales au Canada après la pandémie.

Arts, spectacles et loisirs

L’annulation ou le report de nombreux évènements dans le secteur culturel a eu des répercussions sur ses travailleurs et plusieurs secteurs touristiques connexes. Par exemple, Saskatoon Tourism estimait les retombées économiques des prix Juno à 9 millions de dollars avant leur annulation en mars 2020. Le Banff Centre for Arts and Creativity et l’Orchestre symphonique de Winnipeg ont respectivement mis à pied 400 et 100 employés.

Transport

Des compagnies aériennes – et celles qui les desservent – ont mis à pied des milliers d’employés. Aussi, certaines compagnies de taxis ont vu leur fréquentation baisser de près de 75 % depuis le début de la pandémie. Cependant, le transport routier est grandement sollicité : les camionneurs sont considérés comme des travailleurs essentiels durant la crise et ils continuent leurs livraisons de marchandises entre le Canada et les États-Unis; les livraisons de commandes en ligne de toutes sortes ont aussi connu une hausse importante.

Commerce de détail

Les épiceries ont été prises d’assaut, car les consommateurs font davantage de réserves et mangent moins au restaurant. Pour les autres commerces, beaucoup d’achats ne se font pas parce qu’ils sont remis à plus tard ou qu’ils n’auront jamais lieu. Dans certains cas, le commerce en ligne connaît une plus forte croissance.

Extraction de gaz et de pétrole

Le prix du pétrole a subi une importante baisse, tel qu’illustré au graphique 2. La baisse des prix est attribuable à une diminution de la demande des produits pétroliers pour le transport et à une guerre de prix que se livrent certains pays producteurs, dont l’Arabie saoudite et la Russie. Des projets d’expansion pétrolière tels que celui de Bay du Nord, au large de Terre-Neuve-et-Labrador, ont été suspendus.

Graphique 2 – Prix du baril du pétrole produit en Amérique du Nord, en dollars américains, mars 2019 à mars 2020

Le graphique 2 montre le prix du baril de pétrole produit en Amérique du Nord. L’indice de prix « West Texas Intermediate » et le « Western Canadian Select » ont tous deux plongé au mois de mars 2020 atteignant respectivement 30,45 $ et 12,73 $. À titre de comparaison, ils étaient respectivement à 58,15 $ et 48,25 $ en mars 2019.

Source : GLJ Petroleum Consultants, Price Charts [en anglais seulement].

Fabrication

Des grandes entreprises du secteur de l’automobile en Ontario ont temporairement arrêté leur production afin d’assurer la sécurité de leurs travailleurs, mais aussi en réponse à l’affaiblissement de la demande mondiale. Ailleurs au Canada, d’autres entreprises ont cessé leurs activités; par contre, les alumineries réduiront leur production. Le secteur manufacturier pourrait néanmoins être un peu moins touché que d’autres secteurs, car il est possible d’accumuler des stocks.

Exemples d’annonces de licenciements par des entreprises

Le tableau 2 présente quelques exemples d’importants licenciements annoncés au Canada. Alors que certains employeurs ont licencié une partie de leurs employés, d’autres ont diminué leur salaire plutôt qu’annoncé leurs licenciements.

Tableau 2 – Exemples choisis de licenciements annoncés au Canada
(en date du 8 avril 2020)

Noms des entreprises Nombre de pertes d’emploi Secteur
Air Transat                          3 600 Transport aérien
WestJet                          6 900 Transport aérien
Fiat Chrysler Automobiles                          8 900 Fabrication automobile
Bombardier                         12 400 Fabrication aérospatiale et ferroviaire
Irving Shipbuilding Inc.                          1 373 Fabrication navale
Cirque du Soleil                          4 679 (mondialement) Arts
Mountain Equipment Coop                          1 300 Commerce de détail
Meubles Léon                          3 900 Commerce de détail

Source : Tableau préparé par les auteurs à partir de données de Maclean’s, Covid-19 : Canada layoff tracker, 8 avril 2020 [en anglais seulement].

Changements temporaires ou permanents?

Il est possible que certains changements déjà en cours avant la pandémie, et amplifiés par celle-ci, perdurent. Ce pourrait être le cas dans les domaines suivants :

  • Production des biens et services – le télétravail pourrait gagner en popularité étant donné que de nombreuses entreprises ont dû y recourir, parfois pour la première fois. Des entreprises ont licencié des employés dans des secteurs « non essentiels » et certains de ces changements organisationnels pourraient perdurer.
  • Offre des biens et services – le commerce en ligne était déjà en plein essor, mais certains consommateurs qui n’en avaient pas encore fait l’expérience – notamment les plus âgés – pourraient garder cette nouvelle pratique. L’essor des services de santé et d’éducation à distance est un autre exemple.

Somme toute, les impacts de la pandémie sur les divers secteurs ne sont pas encore mesurables puisque les données officielles sur la production et l’emploi de toute l’économie canadienne ne sont pas encore disponibles. Par contre, à titre indicatif, en Chine, les premières estimations mensuelles parues montrent une baisse de plus de 20 % des ventes au détail en janvier et février 2020 par rapport à l’année précédente.

Auteurs : André Léonard et Sarah Lemelin-Bellerose, Bibliothèque du Parlement



Catégories :Économie et finances, COVID-19, Emploi et travail

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