Vacciner le monde : Les réussites et les lacunes du mécanisme COVAX

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25 novembre 2021, 8h10

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En mai 2020, quelques mois à peine après le début de la pandémie de COVID-19, António Guterres, le Secrétaire général des Nations Unies, a souligné l’importance d’une réponse mondiale unifiée [en anglais]. « Dans un monde interconnecté, aucun d’entre nous n’est en sécurité tant que nous ne le sommes pas tous » [traduction], a-t-il déclaré. M. Guterres a également salué le lancement du dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre la COVID‑19 (Accélérateur ACT), le qualifiant de « collaboration historique pour accélérer le développement, la production et la distribution équitable de vaccins, de diagnostics et de traitements contre la COVID‑19 » [traduction].

Un an et demi plus tard, et même si 53,4 % de la population mondiale a reçu au moins une dose d’un vaccin contre la COVID-19 [en anglais], seulement 5,1 % de la population des pays à faible revenu a reçu une première dose. De plus, de nombreux pays ont commencé à administrer des doses de rappel. Cette inégalité a poussé certains observateurs à conclure que le pilier vaccins de l’Accélérateur ACT, le mécanisme COVAX, est un échec. C’est également ce qui a donné lieu à un examen plus minutieux du mécanisme et intensifié les appels à un élargissement et à une accélération des dons de doses de la part des pays dont les programmes de vaccination sont plus avancés.

Figure 1 : Pourcentage de la population qui est entièrement ou partiellement vaccinée contre la COVID-19

La figure 1 illustre le pourcentage de la population du Canada, de la population mondiale, de la population des pays à revenu élevé et de la population des pays à faible revenu – selon la définition du système de classification de la Banque mondiale – qui est vaccinée entièrement ou partiellement contre la COVID-19. Le taux de vaccination au Canada est plus élevé que dans les pays à revenu élevé. Le taux de vaccination dans les pays à revenu élevé est lui-même plus élevé que le taux de vaccination moyen à l’échelle mondiale. Seul un petit pourcentage de la population des pays à faible revenu a été vacciné.

Note : Les pays à faible revenu sont ceux dont le revenu national brut (RNB) par habitant était de 1 045 $ américains ou moins en 2020, tandis que les pays à revenu élevé sont ceux dont le RNB par habitant était de 12 696 $ américains ou plus en 2020. Voir Banque mondiale, « World Bank Country and Lending Groups [en anglais] », Country Classification [en anglais].
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Our World in Data, « Coronavirus (COVID-19) Vaccinations [en anglais] », base de données, consultée le 23 novembre 2021.

En quoi consiste COVAX?

Le mécanisme COVAX est coordonné par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Gavi, l’Alliance du vaccin, et la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies, avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) comme partenaire d’exécution. Il combine les ressources et le pouvoir d’achat de plus de 180 économies participantes dans un mécanisme mondial d’approvisionnement appelé le mécanisme COVAX. Le mécanisme COVAX comprend des participants autofinancés à revenu élevé, de même que des économies à revenu faible et moyen dont la participation est soutenue par le système de garantie de marché du COVAX (AMC), un mécanisme de financement par des donateurs.

L’idée à l’origine du mécanisme COVAX est que sa capacité d’offrir des garanties de grands volumes aux fabricants de vaccins devrait lui permettre de négocier des prix concurrentiels. Pour accroître ses chances de réussite, le mécanisme COVAX a investi dans une vaste gamme de vaccins candidats. Pour les pays en mesure de financer leurs propres approvisionnements, le mécanisme COVAX devait servir de police d’assurance dans le cas où les vaccins candidats qu’ils appuyaient par l’entremise d’ententes bilatérales n’auraient pas été homologués. Pour les pays à faible revenu, le mécanisme COVAX devait servir de lien vital assurant l’accès à des vaccins qui aurait été inatteignable autrement.

Figure 2 – Ententes d’approvisionnement du mécanisme COVAX

La figure 2 illustre le nom des 11 fabricants de vaccins avec qui le mécanisme COVAX a conclu des ententes d’approvisionnement. Au total, sept des vaccins figurent sur la liste d’utilisation d’urgence de l’Organisation mondiale de la santé. Il s’agit de ceux produits par les fabricants suivants : Oxford/AstraZeneca, Janssen, Moderna, Pfizer/BioNTech, Serum Institute of India (Covishield), Sinopharm et Sinovac. Les vaccins produits par les quatre autres fabricants ne figurent toujours pas sur cette liste : Clover Biopharmaceuticals, Novavax, Sanofi/GSK et Serum Institute of India (Covovax).

Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Gavi, The Vaccine Alliance et al., COVAX Global Supply Forecast [en anglais], 8 septembre 2021, p. 8 [en anglais]; et McGill COVID19 Vaccine Tracker Team, « World Health Organization (WHO) [en anglais] », COVID19 Vaccine Tracker, base de données, consultée le 22 novembre 2021.

L’OMS a établi des principes généraux pour orienter l’allocation des vaccins contre la COVID-19. Pendant la première phase du cadre d’allocation du mécanisme COVAX, tous les participants (qu’il s’agisse de pays à revenu élevé ou à faible revenu) sont admissibles à des doses représentant jusqu’à 20 % de leur population totale (ou un nombre moins élevé de doses, s’ils en font la demande). Une fois que tous les participants auront atteint une couverture de 20 %, les pays recevront des doses à des taux variables en fonction de divers facteurs, notamment le risque posé par la COVID-19 dans les contextes nationaux précis.

Défis liés à l’approvisionnement et à la distribution

Lawrence Gostin, professeur de santé mondiale à l’Université Georgetown et conseiller de l’OMS, donne la note « A+ » à l’idée qui sous-tend le mécanisme COVAX [en anglais], mais la note « C » pour sa mise en œuvre. L’approvisionnement en vaccins par le mécanisme COVAX s’est d’abord fait lentement parce que les fabricants avaient du mal à accélérer la production compte tenu du nombre restreint d’installations de production et des pénuries de composantes essentielles et de personnel qualifié.

Les stratégies nationales d’approvisionnement en vaccins des pays à revenu élevé ont en outre entraîné des pénuries. Le mécanisme COVAX a d’ailleurs été critiqué [en anglais] pour ne pas avoir prévu cette situation. Comme il est mentionné précédemment, la participation au mécanisme COVAX n’empêche pas les pays de signer des ententes bilatérales avec des fabricants de vaccins. De nombreux pays à revenu élevé l’ont d’ailleurs fait dès juillet 2020. Ainsi, alors que le mécanisme COVAX cherchait toujours à obtenir du financement, des pays à revenu élevé se sont faufilés au début de la file pour avoir accès à des doses.

Selon un rapport publié par l’Organisation de coopération et de développement économiques, en date de la mi-mars 2021, « les pays à haut revenu (16 % de la population mondiale) avaient négocié des contrats de fourniture représentant approximativement la moitié du stock mondial de vaccins, générant des accusations de « nationalisme vaccinal » ».

Les restrictions visant l’exportation qui ont été mises en place par l’Inde ont également contribué à des pénuries de vaccins. Le Serum Institute of India (le plus grand fabricant de vaccins au monde et le plus important fournisseur du vaccin Oxford/AstraZeneca pour le mécanisme COVAX) a suspendu les exportations en mars 2021 après une hausse marquée des cas de COVID-19 en Inde. L’Inde a repris les exportations de vaccins en octobre 2021, mais cette restriction visant les exportations a soulevé des questions quant à savoir pourquoi le mécanisme COVAX misait de façon aussi marquée sur un fabricant [en anglais].

Des problèmes logistiques ont également compliqué le déploiement du mécanisme COVAX. Certains vaccins doivent être transportés et entreposés dans un environnement ultra-froid. L’alimentation de l’équipement assurant le maintien de la « chaîne du froid » requiert des sources d’énergie fiables, ce que de nombreux pays à faible revenu ont du mal à fournir, particulièrement dans les régions rurales.

De plus, les retards d’expédition, l’hésitation à l’égard des vaccins, la mauvaise planification et la déficience du système de santé publique ont eu une incidence sur la capacité de certains pays bénéficiaires d’administrer les vaccins rapidement. Dans plusieurs cas, des milliers de doses sont devenues périmées [en anglais] avant de pouvoir être utilisées. En réponse, l’OMS a élargi ses investissements dans les outils et les stratégies visant à aider les pays à se préparer à recevoir les vaccins. Le mécanisme COVAX a également lancé une campagne visant à fournir des centaines de nouveaux congélateurs ultra-froids [en anglais] à plus de 45 pays d’ici la fin de 2021.

Cibles de livraison

Ces défis et d’autres liés à l’approvisionnement et à la distribution ont poussé le mécanisme COVAX à revoir ses cibles de livraison pour 2021. Dans sa prévision de septembre 2021 sur l’approvisionnement mondial, le mécanisme COVAX indique que 1,4 milliard de doses devraient pouvoir être livrées en 2021. Cette projection constitue une baisse par rapport à un objectif précédent, qui était de 2 milliards de doses disponibles d’ici la fin de 2021. Cependant, il n’est pas évident que le mécanisme sera en mesure d’atteindre cette cible révisée. En date du 23 novembre 2021, environ 531 millions de doses [en anglais] avaient été envoyées dans 144 pays par l’entremise du mécanisme COVAX. De ces doses, 431 millions ont été attribuées à des participants à l’AMC.

Reconnaissant les disparités dans les taux de vaccination chez les participants, le mécanisme COVAX a accepté d’attribuer son stock d’octobre 2021 aux pays dont la couverture vaccinale est faible et qui misaient principalement ou uniquement sur le mécanisme COVAX pour s’approvisionner en doses de vaccins contre la COVID-19. Cette décision s’éloigne du cadre d’attribution original du mécanisme COVAX, qui ne tenait pas compte des doses que les participants avaient pu obtenir à l’extérieur du mécanisme COVAX, notamment par l’entremise de dons ou d’approvisionnements bilatéraux.

Accélération des efforts mondiaux de vaccination

Lors d’un sommet mondial sur la COVID-19 tenu en septembre 2021, le président des États-Unis, Joe Biden, et d’autres dirigeants mondiaux se sont montrés résolus à atteindre l’objectif de l’OMS qui consiste à vacciner pleinement au moins 70 % de la population mondiale d’ici septembre 2022. Selon de nombreux experts en santé publique, il s’agit de la couverture minimale requise pour atteindre l’immunité collective et mettre fin à la pandémie.

Pour ce faire, les États-Unis, le Canada et d’autres pays ont convenu d’apporter des contributions supplémentaires dans le cadre du mécanisme COVAX. Les États-Unis prévoient fournir un total de 1,1 milliard de doses dans le cadre de ce mécanisme, tandis que le Canada a versé 545 millions de dollars à l’AMC COVAX et s’est engagé à donner l’équivalent d’au moins 200 millions de doses au mécanisme COVAX d’ici la fin de 2022.

Des partenaires du mécanisme COVAX ont insisté sur le fait que « les livraisons de COVAX vers les pays s’accélèrent et continuent de s’intensifier considérablement jusqu’à la fin de l’année », mais ils ont également reconnu que des risques importants subsistent en ce qui concerne les prévisions d’approvisionnement.

Ils ont donc publié, en septembre 2021, un appel urgent aux donateurs et aux fabricants, dans lequel ils exhortent les pays qui ont une couverture vaccinale élevée et qui devancent le mécanisme COVAX dans les files d’attente auprès des fabricants à céder leur place. Ils exhortent également les pays donateurs à fournir des volumes plus importants et prévisibles de doses de vaccin ayant une durée de conservation plus longue, de manière à réduire le fardeau pour les pays qui se préparent à recevoir des livraisons.

En outre, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, a réclamé un moratoire mondial sur les doses de rappel jusqu’à la fin de 2021 afin de permettre à tous les pays de vacciner 40 % de leurs populations.

Ressources additionnelles

Brown, Stephen, COVID-19 : Apartheid vaccinal et échec de la coopération internationale, Institut d’études internationales de Montréal, 13 septembre 2021.

Chelpi-den Hamer, Magali, COVAX : faut-il continuer à financer un échec?, iD4D, 30 août 2021.

Gavi, L’Alliance du vaccin, COVAX AMC.

Randolph, Haley E. et Luis B. Barreiro, « Herd Immunity: Understanding COVID‑19 », Immunity, vol. 52, 19 mai 2020 [en anglais].

Statement by UN Human Rights Experts Universal access to vaccines is essential for prevention and containment of COVID-19 around the world, Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, 9 novembre 2020 [en anglais].

Usher, Ann Danaiya, « A beautiful idea: how COVAX has fallen short », The Lancet, World Report, vol. 397, no 10292, 19 juin 2021 [en anglais].

Auteurs : Brian Hermon et B. J. Siekierski, Bibliothèque du Parlement



Catégories :Affaires internationales et défense, COVID-19, Santé et sécurité

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