Inégalités des répercussions en santé de la COVID-19 : besoin de données sur la race et l’ethnie

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Le 8 décembre 2020, 8h50

(Available in English: Inequities in COVID-19 Health Outcomes: The Need for Race- and Ethnicity-Based Data)

Pour les peuples autochtones, les Canadiens noirs et les autres groupes racialisés au Canada, la race et le racisme constituent d’importants déterminants sociaux de la santé.

Les déterminants sociaux de la santé peuvent mener à des résultats de santé négatifs ou à des inégalités de santé [en anglais], c’est-à-dire des différences de résultats de santé qui pourraient raisonnablement être évités au sein des groupes concernés, comme les groupes raciaux et ethniques. Si l’on veut instaurer des politiques et des lois inclusives afin de régler les inégalités en santé, il faut recueillir des données ventilées selon différents facteurs identitaires, comme l’origine ethnique. Au Canada toutefois, la cueillette de données de santé ventilées selon la race demeure un défi.

Dans le milieu des soins de la santé, des intervenants voient le racisme comme une urgence de santé publique qui a de profonds effets nuisibles sur les communautés autochtones et les groupes racialisés. Selon le rapport de l’administratrice en chef de la santé publique du Canada publié en octobre 2020, la COVID‑19 n’a pas la même incidence sur tous les personnes au Canada. Pour expliquer les inégalités, on reconnaît que le Canada a des antécédents de racisme systémique et de colonisation et que les déterminants sociaux jouent un rôle dans la santé.

La présente Note de la Colline examine le rôle que jouent la race et l’ethnie dans l’incidence de la COVID‑19 aux États-Unis et au Royaume-Uni, des pays qui recueillent de façon systématique des données de santé selon la race, et on examine également des initiatives visant à recueillir ce type de données au Canada.

Inégalités de santé et COVID‑19 aux États-Unis et au Royaume-Uni

Certaines données de santé ventilées selon l’origine ethnique ou la race sont recueillies aux États-Unis [en anglais] et au Royaume-Uni [en anglais] depuis des années. Des travaux [en anglais] réalisés aux États-Unis [en anglais] ont permis de conclure que comparativement à la population blanche, aux États-Unis, les groupes racialisés courent un risque disproportionnellement élevé d’obtenir un diagnostic de la COVID‑19, d’être hospitalisés et même de décéder. Une fois les données ajustées selon l’âge, les communautés autochtones, noires et asiatiques, les Latino‑Américains ainsi que les communautés des îles du Pacifique font face à des risques élevés de décès attribuables à la COVID‑19 par comparaison à la population blanche américaine.

Nombre de décès attribuables à la COVID‑19 par 100 000 habitants aux États-Unis, après ajustement selon l’âge, la race ou l’origine ethnique, 10 novembre 2020

Le diagramme à barres montre le nombre de décès attribuables à la COVID-19 par 100 000 habitants aux États Unis, après ajustement selon l’âge et par groupe racial ou ethnique. Les groupes raciaux et ethniques se trouvent le long de l’axe vertical, du taux de décès le plus élevé au taux le plus bas. La population autochtone américaine est celle qui compte le plus haut taux de décès, soit 164,7 décès pour 100 000 habitants. Vient ensuite la population noire (153,2 décès pour 100 000 habitants). La population blanche affiche le taux le plus bas (50,9 décès pour 100 000 habitants).

Source : Tableau produit par l’auteur selon les données de l’APM Research Lab, « The Color of Coronavirus : COVID-19 Deaths by Race and Ethnicity in the U.S. [en anglais]», 10 novembre 2020.

Des tendances similaires ont été observées au Royaume-Uni. Par exemple, selon des données recueillies sur la première vague de la COVID‑19, en Angleterre, les membres des groupes ethniques minoritaires ont subi des taux plus élevés de décès que ce qui était attendu, selon les données démographiques, comparativement à la population blanche.

Surmortalité (%) pendant la pandémie en Angleterre selon l’origine ethnique, 28 avril 2020

Le diagramme à barres montre le pourcentage de surmortalité, soit les décès prévus et les décès réels par groupes raciaux et ethniques. Les populations noire et asiatique et les groupes ethniques minoritaires affichent tous un pourcentage de surmortalité positif; celui de la population noire est de 341 %. Le taux de surmortalité de la population blanche est quant à lui négatif (-13 %). Le diagramme permet de conclure que la population noire meurt à des taux plus élevés que la population blanche.

Source : Tableau produit par l’auteur selon les données d’Abdual Razaq, de Dominic Harrison, de Sakthi Karunanithi et coll., « BAME COVID-19 Deaths – What do we know? Rapid Data & Evidence Review [en anglais]». Centre for Evidence-Based Medicine University of Oxford, 5 mai 2020.
Remarque : Par surmortalité, on entend la différence entre les décès réels et les décès prévus au sein des différents groupes de population, en fonction de la taille et de la structure des groupes et de l’âge des personnes les constituant.

Dans une analyse [en anglais] de 50 études publiées entre décembre 2019 et août 2020 aux États-Unis et au Royaume-Uni qui vise à explorer les liens entre l’origine ethnique et les résultats cliniques relatifs à la COVID‑19, on conclut que les personnes des populations noires, asiatiques et hispaniques étaient plus susceptibles de contracter le SARS‑CoV‑2 que les personnes blanches. L’étude a mis en lumière les inégalités sous-jacentes qui peuvent expliquer les vulnérabilités de certains groupes, dont le racisme structurel, les obstacles qui freinent l’accès aux soins de santé, le risque accru de transmission attribuable aux logements surpeuplés, et la surreprésentation de ces groupes dans les occupations essentielles.

Inégalités de santé et COVID‑19 au Canada

Au Canada, on n’a pas procédé à une cueillette systématique de données sur la COVID‑19 ventilées selon la race. Certaines provinces toutefois, comme l’Ontario [en anglais] et le Manitoba [en anglais], ont entrepris de recueillir des données sur la race, l’origine ethnique et, dans certains cas, l’identité autochtone, pour faire des liens avec les cas de COVID‑19. En outre, certaines agences de santé publique municipales, comme celles de Toronto [en anglais], Ottawa [en anglais] et Montréal, ont commencé à recueillir et à analyser des données similaires.

À Toronto, où 52 % de la population affirme appartenir à un groupe racialisé, les données préliminaires montrent qu’en date de septembre 2020, 82 % des cas de COVID‑19 et 71 % des hospitalisations touchaient les personnes de groupes racialisés. De façon similaire, à Ottawa, les données montrent que les membres des groupes racialisés, particulièrement ceux de la communauté noire, sont surreprésentés parmi les personnes atteintes de la COVID‑19.

En outre, durant la première vague de la pandémie, Statistique Canada a indiqué que les taux de mortalité attribuables à la COVID‑19 étaient plus élevés dans les communautés canadiennes comptant une proportion élevée de groupes de minorités visibles. Cette analyse laisse entendre que des facteurs comme le surpeuplement des logements [en anglais], des conditions de vie généralement plus défavorables, le fait d’occuper un emploi de première ligne ou dans les services essentiels, ainsi que les obstacles ou la discrimination quant à l’accès aux services (notamment de santé et d’éducation), peuvent expliquer le risque élevé que courent les personnes des groupes racialisés.

Cueillette de données de santé ventilées selon la race, le groupe ethnique et l’identité autochtone au Canada

Selon des spécialistes de la santé [en anglais], les décideurs ont besoin de données ventilées pour bien comprendre les besoins des différents groupes de population et y répondre. La collecte de données de santé au Canada est une responsabilité conjointe [en anglais] du gouvernement fédéral et des gouvernements des provinces et des territoires. Les autorités de santé publique provinciales et territoriales ont la responsabilité de faire rapport des données, y compris celles sur les cas de COVID‑19, au gouvernement fédéral.

À l’échelle fédérale, l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) ainsi que l’Agence de la santé publique du Canada ont la responsabilité de recueillir les données de santé fournies sur une base volontaire par les provinces et les territoires puis d’en faire rapport à l’échelle nationale. Statistique Canada recueille différents types de données d’enquête socioéconomiques pouvant être utilisées pour comprendre les répercussions indirectes de la COVID‑19.

La cueillette de données de santé ventilées selon la race au Canada est fragmentaire et rien n’est fait à l’échelle nationale pour les réunir. La COVID‑19 a mis en évidence la nécessité de recueillir ce type de données. Certaines organisations, comme la Commission canadienne des droits de la personne, demandent l’adoption d’une stratégie nationale pour améliorer la cueillette de données axées sur la race et l’identité autochtone.

En juillet 2020, l’ICIS a affirmé que « le manque de données fondées sur la race dans le secteur de la santé au Canada complique la mesure des inégalités en santé et la découverte des iniquités qui pourraient découler du racisme et de la discrimination ». Pour répondre à l’urgence de comprendre les répercussions de la COVID‑19 sur les communautés racialisées du Canada, l’ICIS a proposé, en juillet 2020, des normes pancanadiennes de collecte des données.

Les normes que propose l’ICIS, adaptées des normes relatives aux données en vue de repérer et de surveiller le racisme systémique de l’Ontario, définissent la race et l’ethnicité, et établissent que les Premières Nations, les Métis et les Inuits ont un « statut unique […] reconnu dans la Constitution canadienne » et qu’il « importe de prendre des dispositions particulières » à l’égard des données sur l’identité autochtone. L’ICIS travaille à recueillir des commentaires sur les pratiques exemplaires et les approches relatives à l’application de ces normes et à la cueillette des données axées sur la race.

Le racisme et la discrimination sont des déterminants importants de la santé pour les groupes racialisés, et ce, en tout temps mais en particulier pendant la pandémie. Le mouvement Black Lives Matter [en anglais] a attiré l’attention du monde entier sur les effets dévastateurs du racisme et des inégalités raciales avant et pendant la pandémie. Selon des spécialistes [en anglais], la cueillette de données de santé axées sur la race fait partie intégrante du rétablissement de l’après-pandémie et impose la prise de mesures.

Ressources additionnelles

Clare Annett, Robert Mason et Laura Munn-Rivard, Résultats cliniques dans différentes populations au Canada lors de pandémies, Bibliothèque du Parlement, 6 avril 2020.

The Lancet, COVID-19 and ethnicity: who will research results apply to?, 12 juin 2020 [en anglais].

Department of Sociology, University of Western Ontario, Studying the social determinants of COVID-19 in a data vacuum, 10 mai 2020 [en anglais].

Auteure : Clare Annett, Bibliothèque du Parlement



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