La pandémie de COVID-19 et les droits des personnes handicapées

Temps de lecture : 5 minutes

Le 2 juillet 2020, 11h45

(Available in English: The COVID-19 Pandemic and Rights of Persons with Disabilities)

La pandémie de COVID-19 présente de nombreux risques pour les droits et le bien‑être des personnes handicapées.

Environ 6,2 millions de Canadiens âgés de plus de 15 ans ont au moins une incapacité. Même si les définitions varient, la Loi canadienne sur l’accessibilité établit l’existence d’un handicap lorsque l’interaction entre les déficiences d’une personne et un obstacle nuit à la participation pleine et égale à la société de cette personne.

Les personnes handicapées composent un groupe diversifié en raison de la multitude de capacités et de besoins. La Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies (la Convention), que le Canada a ratifiée en 2010, garantit la pleine jouissance de droits comme « [l]a participation et l’intégration pleines et effectives à la société » et le « meilleur état de santé possible sans discrimination ». Dans les situations de risque, les États membres sont tenus, aux termes de l’article 11 de la Convention, de prendre « toutes mesures nécessaires pour assurer la protection et la sûreté des personnes handicapées ».

La pandémie menace de bien des manières ces droits et les autres qui sont garantis par la Convention et par les lois nationales sur les droits de la personne. La présente Note de la Colline décrit une partie des problèmes des personnes handicapées au Canada durant la pandémie et leurs conséquences potentielles sur les droits en matière de santé et d’inclusion de ces personnes. Le document met aussi en exergue certaines bonnes initiatives prises au Canada et à l’étranger, qui aident les pays à s’acquitter de leurs obligations nationales, comme le Groupe consultatif sur la COVID-19 en matière des personnes en situation de handicap du Canada.

Droits en santé

L’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), les lois nationales sur les droits de la personne et la Convention interdisent la discrimination fondée sur un handicap au Canada. Dans le contexte des soins de santé, une telle discrimination pourrait se produire si le triage médical et les lignes directrices sur l’établissement des priorités dévalorisaient indûment la vie des personnes handicapées, en leur accordant une priorité moindre qu’à d’autres pour les soins médicaux.

Dans une liste de recommandations établie le 24 mars à l’intention du gouvernement fédéral, une coalition d’organismes canadiens qui défendent les intérêts des personnes handicapées réclame un énoncé de valeurs national incluant une déclaration expresse du droit à la non-discrimination au triage médical.

En plus de garantir l’absence de discrimination, le Canada a l’obligation, en vertu de la Convention, de veiller à ce que les personnes handicapées jouissent du meilleur état de santé possible. Or, la pandémie fait courir plusieurs risques à la santé de ces personnes.

Tout d’abord, ces personnes peuvent avoir besoin d’un accès permanent à des soins en raison de leur incapacité, accès qui peut être perturbé à cause des pressions qui pèsent sur le système de santé ou retardé par crainte d’infection.

Ensuite, les personnes handicapées peuvent se buter à des obstacles qui les empêchent d’avoir accès aux informations en matière de santé publique. La Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées a prévenu qu’en temps de pandémie, « les informations fournies par les autorités nationales de santé doivent être mises à la disposition du public en langue des signes et par des moyens, modes et supports de communication accessibles, notamment la technologie numérique accessible, le sous-titrage, les services de relais, les textos et les messages faciles à lire et en langage clair ». Faute de quoi, un groupe déjà vulnérable risquerait d’être privé d’informations essentielles en matière de santé publique.

Pour certaines personnes handicapées, les travailleurs de soutien personnel et les membres de la famille sont parfois les seuls à pouvoir leur communiquer ces informations et leur offrir d’autres aides nécessaires. C’est pourquoi leur présence est indispensable au bien-être physique et mental des personnes handicapées. Ils se révèlent toutefois une source de risque, puisqu’ils peuvent être porteurs du virus.

À cause des mesures de confinement et autres restrictions, les personnes handicapées peuvent être séparées des gens dont elles dépendent. Voici un triste exemple du problème : le décès d’Ariis Knight [en anglais] en avril 2020, une femme privée de l’usage de la parole qui est morte dans un hôpital en Colombie-Britannique, mais privée aussi de la présence des membres de sa famille pour faire connaître ses besoins. Son décès a poussé le gouvernement provincial à revoir sa politique [en anglais] sur la visite dans les hôpitaux des personnes qui offrent un soutien essentiel.

Enfin, les personnes handicapées qui vivent dans des établissements comme les centres de soins de longue durée, les instituts psychiatriques et les centres de détention sont particulièrement vulnérables au virus, en partie à cause des problèmes de personnel, des grandes difficultés à respecter l’éloignement physique et des problèmes d’approvisionnement en équipement de protection individuelle. Cette vulnérabilité a incité des experts des Nations Unies à réclamer une désinstitutionnalisation accélérée des personnes handicapées partout dans le monde.

Droits à l’inclusion

Durant une pandémie, les droits des personnes handicapées sont également menacés par des risques qui empêchent ces gens de s’intégrer et de participer pleinement à la société. Selon la Convention, la Charte et les lois nationales sur les droits de la personne, les personnes handicapées ont par exemple le droit à des mesures d’adaptation raisonnables dans les écoles, les lieux de travail et les autres espaces publics afin d’exercer leurs droits à l’éducation, au travail et à la participation à la vie communautaire.

Comme la Convention les y oblige de manière générale, les pays membres « consultent étroitement et font activement participer ces personnes » quand il s’agit de décisions prises pour respecter ces obligations.

Sur le plan du travail et de l’éducation, la pandémie a créé des possibilités, mais aussi des risques pour les personnes handicapées. Pour certaines, l’éducation et le travail sont devenus plus accessibles que jamais grâce à la normalisation du télétravail et de l’apprentissage à distance. En revanche, d’autres sont incapables de travailler ou de poursuivre leurs études à cause d’obstacles financiers ou pratiques, comme le manque d’équipement ou de soutien nécessaires.

La pandémie empêche tout le monde de participer à la vie communautaire, mais des études menées au Royaume-Uni [en anglais] indiquent que les adultes handicapés sont plus susceptibles que d’autres personnes de souffrir de solitude et de problèmes de santé mentale connexes en ces temps difficiles. D’après les conclusions, les personnes handicapées ont besoin de davantage de soutien pour protéger leur santé mentale et leur capacité à participer à la vie communautaire pour être sur un pied d’égalité avec les autres. Et c’est particulièrement vrai pour les personnes qui ont une incapacité d’ordre mental.

Concernant la consultation, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a cité l’approche du Canada en exemple. Le Groupe consultatif sur la COVID-19 en matière des personnes en situation de handicap a été mis sur pied en avril 2020 afin de renseigner le gouvernement sur les expériences des personnes handicapées, notamment les difficultés d’accès aux soins de santé, aux informations en matière de santé publique ainsi qu’au soutien à l’emploi et au revenu, et lui fournir des conseils.

Cette annonce donnait suite aux recommandations du 24 mars formulées par la coalition d’organismes canadiens qui défendent les intérêts des personnes handicapées. La coalition réclamait « un groupe de travail citoyen composé de personnes handicapées, de membres de leur famille et d’organismes de la société civile pertinents pour suivre l’évolution des besoins et recommander des stratégies d’intervention en temps réel ».

Bonnes pratiques reconnues dans le monde

En plus du Groupe consultatif sur la COVID-19 en matière des personnes en situation de handicap du Canada, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a souligné d’autres exemples de bonnes pratiques dans sa note d’orientation [en anglais], en l’occurrence :

  • fournir des directives sur le triage médical interdisant expressément la discrimination fondée sur le handicap (République de Saint‑Marin et États‑Unis);
  • offrir des refuges d’urgence à ceux qui ont besoin d’éloignement physique, mais pas de services médicaux avancés (Argentine);
  • faire des recommandations aux enseignants afin d’appuyer l’éducation des enfants handicapés obligés de rester en isolement (Équateur);
  • lancer un programme national permettant le dépistage du coronavirus à domicile pour les personnes handicapées (Émirats arabes unis);
  • retirer de divers établissements les personnes handicapées pour les envoyer vivre dans leur famille lorsque c’est possible (Espagne et Suisse);
  • assouplir les règles de confinement strictes afin de donner aux personnes handicapées des occasions de sortir (France et Royaume-Uni).

Autres ressources

Commission canadienne des droits de la personne, Déficience.

Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Les personnes handicapées ne doivent pas être laissées de côté dans la lutte contre la pandémie de COVID-19, 2 avril 2020.

Julian Walker, Bibliothèque du Parlement, La Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies : vue d’ensemble, 27 février 2013.

Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les droits de l’homme, COVID-19 and the Rights of Persons with Disabilities : Guidance, 29 avril 2020 [en anglais].

Auteur: Robert Mason, Bibliothèque du Parlement



Catégories :Affaires sociales et communautaires, COVID-19, Lois, justice et droits

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