COVID-19 et commerce de fournitures médicales nécessaires

Temps de lecture : 8 minutes

Révisée le 25 juin 2020, 8h30
Dans cette Note de la Colline, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.

(Available in English: COVID-19 and Trade in Needed Medical Goods)

Le 3 mars 2020, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déclaré que des vies sont en danger en raison de la pénurie mondiale de ventilateurs et d’équipements de protection individuelle (EPI), tels que les respirateurs, les masques médicaux, les gants, les lunettes et les vêtements de protection, provoquée par la COVID‑19. Elle a aussi mis en garde contre la restriction des exportations et a recommandé aux pays de mettre en œuvre des mesures favorisant l’augmentation de la production nationale de fournitures médicales nécessaires.

De plus, le 20 avril 2020, dans une déclaration conjointe, le directeur général de l’OMS et le directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont enjoint les pays à faire en sorte que les échanges commerciaux de technologies sanitaires demeurent « aussi ouverts et prévisibles que possible » afin de pouvoir faire face à la pandémie de COVID‑19.

Cependant, pour répondre à leurs propres besoins concernant ces fournitures, certains pays ont imposé des interdictions d’exporter ou des exigences en matière de licences. Parmi eux, il y a des partenaires commerciaux du Canada et des membres du Groupe d’Ottawa sur la réforme de l’OMC.

La présente Note de la Colline fait état de quelques‑unes de ces restrictions à l’exportation et expose les points de vue de plusieurs organisations internationales et décideurs politiques à leur sujet. Elle traite également des mesures commerciales concernant les droits de douane et les procédures d’importation que le Canada a mises en œuvre pour garantir un approvisionnement adéquat en fournitures médicales nécessaires.

Restrictions sur les exportations

Interdictions et exigences en matière de licences

Selon un rapport [en anglais seulement], en date du 22 avril 2020, de l’OMC, publié le 23 avril 2020, 80 pays avaient limité leurs exportations d’EPI, de ventilateurs ou de médicaments en raison de la pandémie de COVID‑19. Cependant, à ce jour, le Canada a choisi de ne pas avoir recours aux restrictions à l’exportation pour faire face aux pénuries de tels produits.

Le tableau 1 montre les interdictions d’exporter et les exigences en matière de licences appliquées en date du 17 juin 2020 par certains pays sur des fournitures médicales précises.

Tableau 1 – Restrictions à l’exportation de certaines fournitures médicales par divers pays en date du 17 juin 2020

Pays

Restrictions à l’exportation

État

Australie*† Interdictions : masques et gants chirurgicaux, lunettes ou visières de protection, lingettes alcoolisées et désinfectant pour les mains En vigueur depuis le 18 mars 2020 pour une durée de trois mois

Modification faite le 15 juin 2020; en vigueur jusqu’au 17 septembre 2020

Brésil† Exigences en matière de licences : alcool éthylique, désinfectant, gants et masques chirurgicaux, vêtements de protection et ventilateurs En vigueur depuis le 19 mars 2020 pour une durée indéterminée
Corée du Sud*† Interdiction : masques chirurgicaux En vigueur depuis le 6 mars 2020 pour une durée indéterminée
Costa Rica* Interdictions : lunettes de protection, ventilateurs, masques et gants chirurgicaux En vigueur depuis le 18 mars 2020 pour une durée indéterminée
États‑Unis* Interdictions : respirateurs, masques et gants chirurgicaux En vigueur depuis le 7 avril 2020 jusqu’au 10 août 2020
Inde Interdictions : masques chirurgicaux, matières textiles pour la fabrication de masques et ventilateurs En vigueur depuis le 19 mars 2020 pour une durée indéterminée
Indonésie Interdictions : masques chirurgicaux, matières premières nécessaires pour la fabrication de masques, antiseptiques et vêtements de protection En vigueur depuis le 18 mars 2020 jusqu’au 30 juin 2020
Kenya Interdiction : masques chirurgicaux En vigueur depuis le 3 mars 2020 pour une durée indéterminée
Norvège*† Exigences en matière de licences : vêtements, gants et masques chirurgicaux et lunettes de protection

Interdiction : vaccins antipneumococciques

En vigueur depuis le 27 mars 2020 jusqu’au 31 décembre 2020

En vigueur depuis le 25 mars 2020 jusqu’au 31 décembre 2020

Royaume‑Uni* Interdictions : 82 produits pharmaceutiques, dont les antibiotiques, l’insuline, la kétamine, le paracétamol et la morphine En vigueur depuis le 21 mars 2020 pour une durée indéterminée
Suisse*† Exigences en matière de licences : masques et gants chirurgicaux et vêtements et lunettes de protection En vigueur depuis le 26 mars 2020 pour une durée indéterminée
Ukraine* Interdictions : masques et gants chirurgicaux, vêtements et lunettes de protection et respirateurs En vigueur depuis le 14 mars 2020 jusqu’au 1er juin 2020

Modification faite le 5 juin 2020; en vigueur jusqu’au 1er juillet 2020

Notes : * indique les pays avec lesquels le Canada a conclu un accord de libre‑échange. L’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne continuera de s’appliquer au Royaume‑Uni au moins jusqu’au 31 décembre 2020.
† indique les membres de la Conférence ministérielle d’Ottawa sur la réforme de l’OMC (le Groupe d’Ottawa), créée en octobre 2018 pour améliorer le fonctionnement de l’Organisation mondiale du commerce. Font partie du Groupe d’Ottawa : l’Australie, le Brésil, le Canada, le Chili, la Corée du Sud, le Japon, le Kenya, le Mexique, la Norvège, la Nouvelle‑Zélande, Singapour, la Suisse et l’Union européenne.
Depuis le 15 mars 2020, l’Union européenne – qui est partenaire commercial du Canada et membre du Groupe d’Ottawa – a imposé des exigences en matière de licences concernant les masques et gants chirurgicaux ainsi que les vêtements et lunettes de protection. Ces exigences ont été levées le 25 mai 2020.
Une licence d’exportation est un document de contrôle des exportations délivré par le gouvernement pour surveiller les exportations de certains produits, tels que des technologies sensibles, des matières radioactives ou des marchandises en pénurie sur le marché intérieur. Le gouvernement doit approuver ces exportations.

Source : Tableau réalisé par l’auteur à partir d’informations tirées de : Organisation mondiale du commerce, COVID‑19 : Mesures commerciales et liées au commerce et Centre du commerce international, Tracking of COVID‑19 temporary trade measures [en anglais seulement].

Le 3 avril 2020, le président des États‑Unis, Donald Trump, a signé [en anglais seulement] un document ordonnant que certains produits médicaux soient soumis à des restrictions à l’exportation. Le 7 avril 2020, la Federal Emergency Management Agency (FEMA) des États‑Unis a énoncé une règle temporaire, qui a été publiée [en anglais seulement] dans le Registre fédéral américain le 10 avril 2020, interdisant les exportations américaines de respirateurs, de masques et de gants chirurgicaux sans son approbation explicite.

La règle temporaire de la FEMA ne s’applique pas aux fabricants américains qui répondent à deux exigences : ils avaient conclu des contrats d’exportation avant le 1er janvier 2020, et ils ont écoulé au moins 80 % de leur production aux États‑Unis au cours des 12 mois précédents. Des exemptions supplémentaires ont été publiées le 21 avril 2020; elles comprennent les marchandises expédiées vers les bases militaires et les ambassades américaines à l’étranger, les envois diplomatiques des ambassades étrangères aux États‑Unis vers leur pays d’origine et les exportations par des organisations à but non lucratif de produits médicaux couverts et destinés à être donnés à des organismes de bienfaisance ou à des gouvernements étrangers.

Le 9 avril 2020, le Service des douanes et de la protection des frontières des États‑Unis a émis [en anglais seulement] des directives concernant l’ordonnance signée par le président Trump et la règle temporaire de la FEMA. Ces directives indiquent ce qui est exclu de l’interdiction à l’exportation, dont les marchandises destinées au Canada et les expéditions faites par la compagnie 3M.

Points de vue de plusieurs organisations internationales et décideurs politiques

Plusieurs organisations internationales se sont prononcées sur les restrictions à l’exportation concernant certaines fournitures médicales. Par exemple, le 24 mars 2020, le directeur général de l’OMC a demandé aux États d’être transparents sur toute nouvelle mesure commerciale découlant de la pandémie de COVID‑19.

De même, selon un rapport [en anglais seulement] de l’Organisation de coopération et de développement économiques datant du 10 avril 2020, les pays devraient honorer leur engagement à informer l’OMC des mesures commerciales qu’ils prennent en réponse à la COVID‑19. Le rapport dit que les pays pourraient utiliser une base d’information commune et transparente pour décider d’interventions stratégiques nationales et maintenir la coopération internationale en ce qui concerne le commerce des fournitures médicales nécessaires.

Pourtant, selon un rapport [en anglais seulement] de l’OMC du 23 avril 2020, au niveau multilatéral, la transparence des pays à l’égard des restrictions à l’exportation de produits et articles médicaux fait défaut. Le rapport souligne que seulement 39 des 72 membres de l’OMC qui avaient imposé de telles restrictions avaient avisé l’Organisation des nouvelles mesures prises.

Les décideurs politiques s’intéressent aussi au commerce de ces marchandises. Par exemple, dans une déclaration commune du 30 mars 2020, les ministres du Commerce du G20 ont dit [en anglais seulement] que toute mesure d’urgence nécessaire pour faire face à la COVID‑19 devait répondre à certaines exigences.

Les ministres ont convenu plus particulièrement que ces mesures devraient être ciblées, proportionnées, transparentes, temporaires et conformes aux règles de l’OMC. Ils ont ajouté que ces mesures ne devraient pas entraver inutilement les échanges ni perturber les chaînes d’approvisionnement mondiales.

Conformément à leurs exigences nationales, ces ministres se sont également engagés à mettre en œuvre des mesures destinées à faciliter le commerce de fournitures médicales essentielles à des prix abordables et là où on en a le plus besoin.

Qui plus est, le 7 avril 2020, les ministres des Affaires étrangères de l’Afrique du Sud, de l’Allemagne, de l’Australie, du Brésil, du Canada, de la France, de l’Indonésie, du Maroc, du Pérou, du Royaume-Uni, de Singapour et de la Turquie ont souligné « le besoin absolu d’assurer la circulation transfrontalière des biens essentiels et de maintenir les chaînes d’approvisionnement intactes pendant la crise, plus particulièrement en ce qui a trait aux fournitures médicales et aux équipements de protection individuelle ».

Depuis quelque temps, grâce à la Conférence ministérielle d’Ottawa sur la réforme de l’OMC (le Groupe d’Ottawa), 12 pays (Australie, Brésil, Canada, Chili, Corée du Sud, Japon, Kenya, Mexique, Norvège, Nouvelle‑Zélande, Singapour, Suisse) ainsi que l’Union européenne s’efforcent de garantir la transparence concernant les restrictions à l’exportation dans le contexte de la COVID‑19. Le 15 juin 2020, les ministres du Commerce du Groupe d’Ottawa ont publié une déclaration commune dans laquelle ils s’engagent à « retirer le plus rapidement possible les mesures de restriction du commerce qu’ils ont adoptées en réponse à la COVID‑19 ». La déclaration appelle également à faire progresser « l’analyse et l’examen » des nouvelles initiatives que les membres de l’OMC pourraient prendre pour faciliter le commerce des fournitures médicales.

Mesures commerciales prises par le Canada pour augmenter l’accès aux fournitures médicales nécessaires

Afin d’assurer un approvisionnement adéquat en fournitures médicales nécessaires, le gouvernement du Canada a mis en œuvre des mesures visant à accroître la production nationale de certains produits. Il a pris également des mesures commerciales pour exempter de droits de douane les marchandises nécessaires en cas d’urgence et pour modifier les procédures d’importation.

Droits de douane sur les importations

Depuis le début de la pandémie de COVID‑19, l’approvisionnement en certaines fournitures médicales est limité, ce qui entraîne une pression à la hausse sur les prix. Par exemple, selon un reportage [en anglais seulement] diffusé dans les médias, en mars 2020, un paquet de 20 masques médicaux fabriqués par 3M était vendu par un revendeur non autorisé au prix de 387 $ US, alors que son prix de détail normal était d’environ 14,99 $ US.

Le 16 mars 2020, afin d’alléger le fardeau financier pesant sur les organismes qui achètent des fournitures médicales dont l’offre est limitée, le gouvernement du Canada a annoncé la levée temporaire des droits de douane appliqués sur les marchandises nécessaires en cas d’urgence. Quand le Canada n’en aura plus besoin, toutes les marchandises non utilisées qui auront été importées en franchise de droits devront être exportées.

Les marchandises admissibles à l’exonération des droits de douane à compter de cette date comprennent les masques et gants chirurgicaux ainsi que les ventilateurs importés par les centres de soins de santé et les organismes de première ligne ou en leur nom. Ces organismes comprennent ceux qui emploient des policiers, des pompiers et des équipes d’intervention médicale. Le 6 avril 2020, ce traitement en franchise de droits a été étendu aux importations de ces produits par ou pour le compte de résidences de soins publiques ou privées, comme les résidences pour personnes âgées, les maisons de retraite et les refuges.

Procédures d’importation

En vertu de la Loi sur les aliments et drogues et du Règlement sur les instruments médicaux, Santé Canada régit la fabrication, l’importation et la distribution de ventilateurs, de respirateurs, de masques chirurgicaux et de vêtements de protection.

Pour pallier la pénurie de certaines fournitures médicales, le 18 mars 2020, la ministre de la Santé a émis un Arrêté d’urgence concernant l’importation et la vente d’instruments médicaux destinés à être utilisés à l’égard de la COVID‑19. L’arrêté d’urgence permet une autorisation accélérée pour l’importation et la vente d’instruments médicaux utilisés dans le diagnostic, le traitement, l’atténuation ou la prévention de la COVID‑19.

En substance, l’arrêté d’urgence exempte les entreprises des exigences relatives à l’étiquetage prévues dans le Règlement sur les instruments médicaux, et permet d’accélérer l’approbation de Santé Canada à l’égard des entreprises qui font une demande d’autorisation d’importation ou de vente pour :

  • les nouveaux instruments médicaux destinés à être utilisés dans la lutte contre la COVID‑19 qui ne sont pas encore autorisés au Canada ou dans d’autres juridictions;
  • les utilisations, dans la lutte contre la COVID‑19, d’instruments existants autorisés en vertu du Règlement sur les instruments médicaux;
  • les instruments médicaux destinés à être utilisés dans la lutte contre la COVID‑19 qui sont fondés sur une autorisation accordée par une autorité réglementaire étrangère.

Les entreprises doivent satisfaire à certaines exigences en matière de tenue de dossiers concernant ces instruments, notamment en ce qui a trait au signalement des incidents, aux rappels volontaires et à la distribution.

 Ressources supplémentaires

Global Trade Alert, Tackling COVID‑19 together: the trade policy dimension, 23 mars 2020 [en anglais seulement].

Organisation mondiale du commerce, Trade in medical goods in the context of tackling COVID-19, 3 avril 2020 [en anglais seulement].

Auteur : Offah Obale, Bibliothèque du Parlement



Catégories :Économie et finances, COVID-19, Industrie, entreprises et commerce, Santé et sécurité

Tags:, , , , , , ,

%d blogueurs aiment cette page :