Révisée le 14 juillet 2020, 9h35
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(Available in English: Open-Source Intelligence in Pandemic Early Warning)
Le renseignement a deux objectifs, c’est-à-dire informer et mettre en garde. Il est donc important de choisir les bons outils pour atteindre ces objectifs. Dans le contexte du renseignement sur la santé publique, les sources ouvertes et les analystes spécialisés en épidémiologie jouent un rôle essentiel, même si le renseignement secret peut aider à préciser le contexte.
Le renseignement de sources ouvertes est essentiel pour donner rapidement l’alerte en situation de pandémie. Tandis que le renseignement secret fourni par divers organismes nationaux de sécurité, comme le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) et le Commandement du renseignement des Forces canadiennes (COMRENSFC), peut nous donner une idée de la manière dont le gouvernement ou l’armée d’un autre pays réagit à l’éclosion d’une maladie ou joue un rôle dans cette éclosion, le renseignement de sources ouvertes joue un rôle de premier plan en ce qui concerne le renseignement sur la santé publique.
Qu’est-ce que le renseignement sur la santé publique?
Il s’agit de la collecte et de l’analyse systématiques des données sur la santé pour cerner et prévenir les risques liés à la santé publique. Par définition, il s’agit de renseignement de sources ouvertes. Lorsqu’une nouvelle menace à la santé publique est cernée et qu’il faut y réagir, c’est la société civile, et plus particulièrement les médecins, les patients, les membres de la famille et les autres observateurs de la vie sociale, qui créent la majeure partie des renseignements d’intérêt.
En utilisant la collecte d’information sur les médias sociaux et d’autres techniques [en anglais seulement] pour recueillir du contenu en ligne et l’intelligence artificielle pour analyser ce contenu, on peut brosser rapidement un portrait détaillé d’une situation en évolution.
Il est difficile de contrôler la diffusion [en anglais seulement] de ces renseignements. Par exemple, le 30 décembre 2019, le Dr Li Wenliang [en anglais seulement], un ophtalmologiste habitant à Wuhan, a fait une mise en garde concernant l’éclosion probable d’une maladie ressemblant au syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) dans un message WeChat envoyé à 25 collègues et devenu viral en une heure.
Une journée après l’envoi du message du Dr Li, la région de Wuhan a signalé l’éclosion d’une maladie s’apparentant à la pneumonie, mais à l’étiologie inconnue, au bureau de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) situé à Beijing. Cette situation est semblable à celle qui s’était produite il y a 17 ans, lorsque le programme de surveillance des nouvelles maladies [en anglais seulement] a utilisé le renseignement de sources ouvertes pour mettre au jour l’épidémie de SRAS [en anglais seulement].
Réseau mondial d’information en santé publique
Le Canada a joué un rôle clé dans le développement continu d’un important outil de renseignement de sources ouvertes utilisé pour cerner les menaces possibles à la santé publique, le Réseau mondial d’information en santé publique (RMISP) [en anglais seulement].
En partenariat avec l’OMS, Santé Canada a établi le RMISP en 1997 pour faire le suivi des reportages dans les médias étrangers et donner rapidement l’alerte en cas de menaces biologiques, chimiques, radiologiques et nucléaires. Le RMISP s’inspire du programme de surveillance des nouvelles maladies et d’autres initiatives de sources ouvertes similaires mises en œuvre par les organismes de renseignement, comme le Community Open Source Program Office (COSPO) [en anglais seulement] de la Central Intelligence Agency des États-Unis.
Aujourd’hui, l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) administre le RMISP et ses scientifiques appliquent les techniques d’intelligence artificielle [en anglais seulement] pour obtenir de nouvelles perspectives de diverses sources de données, y compris les médias sociaux. Le RMISP est devenu un élément clé d’une plus vaste initiative de l’OMS, appelée renseignement de sources ouvertes sur les éclosions (EIOS) [en anglais seulement], qui regroupe les renseignements provenant de plusieurs outils épidémiologiques nationaux de sources ouvertes.
Renseignement tiré des mégadonnées
Le RMISP et l’EIOS ont aussi leurs pendants dans le secteur du renseignement classifié. Tant le CST que le SCRS recueillent et analysent d’énormes ensembles de données composés d’information accessible au public pour déceler les tendances et les habitudes qui présentent un intérêt. Même si les organismes de renseignement traditionnels reconnaissent depuis longtemps la valeur du renseignement de sources ouvertes, ils ont eu tendance à mettre l’accent sur l’importance de recueillir des renseignements en ayant recours à des sources et à des méthodes secrètes. Le Web 2.0 et les percées relatives aux techniques d’intelligence artificielle, comme le traitement des langues naturelles à l’aide de l’apprentissage machine, changent cette façon de voir les choses [en anglais seulement].
Cela dit, les méthodes liées aux mégadonnées posent des défis [en anglais seulement]. La confirmation est essentielle. Peu importe la source, les données peuvent être incomplètes ou peu fiables [en anglais seulement]; il est donc particulièrement important de les obtenir d’une grande [en anglais seulement] variété [en anglais seulement] de sources [en anglais seulement]. Les analystes humains qui possèdent des compétences spécialisées dans un domaine en particulier demeurent aussi un élément essentiel du processus de production du renseignement.
Tant dans le secteur du renseignement classifié que dans celui du renseignement public, une seule source peut donner l’élan nécessaire pour qu’on se penche de plus près sur une question, en utilisant d’autres moyens. Le renseignement électromagnétique peut détecter les réseaux terroristes et aider ainsi les agents du renseignement à savoir qui ils doivent surveiller.
Le renseignement électromagnétique provenant du message WeChat du Dr Li a alerté le monde entier sur l’émergence d’un nouveau coronavirus; par la suite, des ressources humaines spécialisées ont été requises pour recueillir des données sur le virus et la façon dont il se manifeste chez l’être humain. Les réseaux internationaux de virologues, axés sur la collaboration, ont été [en anglais seulement] et seront encore des ressources clés en ce qui concerne les mesures prises pour lutter contre cette pandémie.
Contrairement au renseignement secret, le renseignement de sources ouvertes peut être diffusé à grande échelle, sans mettre en péril les sources et les méthodes confidentielles. La menace que représente la diffusion de ces renseignements pourrait être utilisée pour favoriser une plus grande transparence concernant le signalement de l’éclosion d’une maladie.
Évaluation du renseignement au Canada
Pour tirer des conclusions du renseignement, il faut travailler en équipe. L’ASPC n’est pas la seule organisation à avoir évalué les risques posés par la COVID-19. Au Canada, le Secrétariat de l’évaluation du renseignement du Bureau du Conseil privé, Affaires mondiales Canada, le COMRENSFC, le CST, le SCRS et d’autres organisations, comme Santé Canada, le cas échéant, apportent leur savoir-faire dans le cadre des évaluations internationales qui présentent un intérêt pour le gouvernement du Canada.
Le rôle du Secrétariat de l’évaluation du renseignement est d’offrir des évaluations du renseignement, quelle que soit la source, sur des questions liées aux affaires étrangères, à la défense et à la sécurité nationale. Ses analyses sont fondées sur l’ensemble des rapports disponibles en matière de renseignement et elles visent à aider les décisionnaires à comprendre l’importance de l’évolution de certaines situations à l’étranger. Même si l’ASPC dirige l’évaluation des risques pour la santé publique, la crise de la COVID-19 soulève de nombreuses questions en matière de politique étrangère. Dans les circonstances, la pratique habituelle veut que le Secrétariat de l’évaluation du renseignement réunisse des spécialistes de la question [en anglais seulement] afin qu’ils produisent des évaluations.
Le COMRENSFC surveille les menaces posées par les armes biologiques et le Médecin-chef comprend aussi une section du renseignement sanitaire. Entre autres, la section du renseignement sanitaire fait un suivi des menaces posées par les maladies contagieuses par région pour veiller à ce que les membres des Forces armées canadiennes soient vaccinés avant d’être déployés. Comme certains reportages l’indiquent [en anglais seulement], la section se fie surtout au renseignement de sources ouvertes, mais elle reçoit aussi des renseignements médicaux classifiés de ses homologues des pays alliés.
Le Programme d’établissement de rapports sur la sécurité mondiale (PERSM) d’Affaires mondiales Canada, qui utilise les réseaux locaux, crée des rapports ciblés sur les questions de sécurité et de stabilité pour les Canadiens occupant des postes diplomatiques à l’étranger.
Le SCRS a pour mandat de faire enquête sur les menaces à la sécurité nationale du Canada, notamment le terrorisme commis contre les Canadiens avec des armes biologiques.
Auteure : Holly Porteous, Bibliothèque du Parlement
Catégories :COVID-19, Information et communications, Santé et sécurité