Le 21 avril 2020, 9h00
(Available in English: Federal Measures Related to Pandemic Planning and First Nations Communities)
Les Autochtones sont touchés de manière disproportionnée par les facteurs – ou déterminants de la santé – qui influent négativement sur la santé et le bien‑être, dont les logements surpeuplés, la présence de moisissures dans la maison, la pauvreté, l’eau insalubre et l’inégalité de l’accès aux soins de santé.
Bien que l’origine ethnique ne soit pas un facteur de risque dans le cas de la COVID‑19, un système immunitaire affaibli, des problèmes de santé sous‑jacents et certains déterminants de la santé font en sorte que les populations autochtones risquent d’être touchées plus gravement par le virus.
La présente Note de la Colline décrit le rôle que joue le gouvernement fédéral dans la prestation de soins de santé aux communautés des Premières Nations. Elle traite notamment des leçons tirées de la pandémie du virus H1N1, du financement fédéral pour la santé autochtone annoncé récemment, ainsi que des interventions et des initiatives dirigées par les Autochtones dans le cadre de la pandémie. Dans une autre publication à venir, il sera question de la COVID‑19 et des peuples autochtones du Nord.
1. Accès aux soins de santé
L’accès aux soins de santé est un déterminant de la santé d’importance cruciale. Bien que les systèmes de soins de santé publics du Canada s’attirent de nombreux éloges, tout le monde ne profite pas de soins de qualité, et un grand nombre d’Autochtones font face à des obstacles lorsqu’ils tentent d’obtenir des soins de santé.
Le gouvernement fédéral offre des services de soins primaires dans les communautés éloignées des Premières Nations et des Inuits par l’entremise de la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits (DGSPNI) de Services aux Autochtones Canada. La DGSPNI exploite des centres de soins de santé et des postes de soins infirmiers en milieu isolé ou semi-isolé; le personnel de ces établissements est surtout composé d’infirmières. Les résidants des communautés éloignées dépendent du transport pour raison médicale pour obtenir certains services de soins primaires, spécialisés et actifs offerts par les provinces et les territoires. La DGSPNI finance aussi la promotion de la santé, la prévention des maladies et la protection de la santé publique.
L’accès aux soins de santé primaires reste difficile au quotidien dans les communautés éloignées. Parmi les obstacles à surmonter, notons des ressources humaines insuffisantes en santé, le manque d’accès aux appareils médicaux et aux outils de diagnostic, l’utilisation restreinte des services de télésanté et l’intégration limitée du système de la DGSPNI et des systèmes de santé provinciaux. Même si des progrès ont été réalisés à cet égard, la COVID‑19 risque de mettre en péril des systèmes de prestation déjà fragiles.
2. Leçons tirées de la pandémie du virus H1N1
À la suite de l’épidémie de SRAS, en 2005 le gouvernement fédéral a financé l’élaboration de plans d’intervention en cas de pandémie dans les communautés des Premières Nations. En 2009, lors de la pandémie de grippe H1N1 (« H1N1 »), le nombre de cas d’infection et de décès a été élevé au sein des populations autochtones de certaines régions. Le gouvernement fédéral a estimé que 80 % des communautés des Premières Nations disposaient de plans d’intervention au moment de l’éclosion initiale.
Les membres des Premières Nations ont souffert d’une incidence plus élevée et de formes plus graves de la maladie du virus H1N1. Ils représentaient environ 2 % de la population canadienne, mais 17 % des décès imputés au H1N1. Le gouvernement fédéral a été critiqué pour sa prestation de soins de santé et ses retards dans la coordination de la livraison de matériel de base et d’équipement de protection aux communautés éloignées des Premières Nations.
Après la pandémie de H1N1, le gouvernement fédéral a examiné son intervention en mettant en lumière les mesures qui ont aidé les communautés des Premières Nations, dont les suivantes :
- les plans de lutte contre la pandémie et la vaccination dans les communautés;
- la constitution de réserves d’antiviraux et d’équipement de protection individuelle dans les communautés éloignées;
- la création d’un groupe de travail composé de dirigeants des Premières Nations et de représentants fédéraux et provinciaux, chargé de surveiller la coordination des soins de santé et la communication à cet égard;
- la nomination d’un conseiller médical principal chargé de superviser l’intervention dans les réserves.
3. Mesures fédérales actuelles
Les Premières Nations peuvent déclarer l’état d’urgence lorsque leur capacité d’intervention est insuffisante devant une situation d’urgence. Depuis 2005, le Programme d’aide à la gestion des urgences offre du financement aux communautés des Premières Nations et aux provinces dans le cas d’urgences imminentes ou déjà déclarées dans les réserves. Les provinces fournissent par ailleurs des services de gestion des urgences au nom de Services aux Autochtones Canada.
Dans son budget de 2019, le gouvernement a annoncé l’octroi de 80 millions de dollars sur cinq ans à la préparation aux urgences sanitaires, et de 17 millions de dollars par année à la planification de l’intervention en cas de pandémie dans les communautés des Premières Nations. Le 26 mars 2020, Services aux Autochtones Canada a présenté des mesures destinées à aider les communautés des Premières Nations à lutter contre la COVID-19, dont les suivantes :
- la nomination de coordonnateurs régionaux de la gestion des urgences sanitaires et l’établissement d’un secrétariat national de la gestion des urgences;
- l’élaboration de plans relatifs à la capacité d’intervention en cas d’urgence afin de permettre le déploiement de ressources humaines en santé dans les communautés qui en ont besoin;
- l’examen des besoins particuliers des communautés en matière de capacité et d’intervention, conjointement avec les provinces, les communautés des Premières Nations et les bureaux régionaux de Services aux Autochtones Canada;
- l’adaptation des politiques sur le transport pour raison médicale aux personnes qui présentent un facteur de risque lié spécifiquement à la COVID-19.
4. Nouveau financement relatif à la COVID-19 et aux Autochtones
Le gouvernement a annoncé de nouvelles mesures pour atténuer les impacts de la COVID-19 dans les communautés autochtones. Le 11 mars 2020, le premier ministre a annoncé un financement de 100 millions de dollars pour répondre aux besoins immédiats en santé de ces communautés. Les fonds permettront notamment d’actualiser et de mettre en œuvre des plans de lutte contre la pandémie, de soutenir les capacités des services de santé publique et de soins primaires, et de s’assurer que les mesures de lutte contre l’éclosion reposent sur des preuves scientifiques.
Le 18 mars 2020, le gouvernement a présenté un plan de sauvetage économique, le Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19, qui prévoit consacrer 50 millions de dollars à la prévention des éclosions dans les refuges de femmes, dont ceux situés dans les communautés des Premières Nations, et 305 millions de dollars à un nouveau Fonds de soutien aux communautés autochtones. L’enveloppe du fonds se répartira comme suit :
- 215 millions de dollars pour les Premières Nations;
- 45 millions de dollars pour les Inuits;
- 30 millions de dollars pour les Métis;
- 15 millions de dollars pour les organisations qui fournissent des services aux Autochtones vivant en dehors de leur communauté.
Selon Services aux Autochtones Canada, les fonds pourront être consacrés à des mesures diverses, par exemple, le soutien des aînés, des enfants et d’autres populations vulnérables, ou les initiatives de préparation en cas d’urgence. Des dirigeants des Premières Nations [en anglais seulement] ont cependant indiqué que ces nouveaux fonds sont insuffisants. Dans la même veine, le comité exécutif de l’Assemblée des Premières Nations a estimé que « les montants octroyés pour la médecine, la santé et la stimulation économique ne sont pas suffisants ».
5. Initiatives menées par les Premières Nations
Les communautés des Premières Nations ont réagi à la COVID‑19 de manière semblable aux autres communautés canadiennes, notamment en fermant les écoles [en anglais seulement], en limitant les déplacements à l’intérieur et à l’extérieur des communautés [en anglais seulement] et en fermant les entreprises non essentielles [en anglais seulement]. Par exemple :
- la Première Nation de Constance Lake [en anglais seulement] a déclaré l’état d’urgence et a fait savoir qu’elle ne disposait pas de fournitures médicales, de personnel et de matériel de dépistage en quantité suffisante;
- la Nation crie de Nisichawayasihk [en anglais seulement] a déclaré l’état d’urgence, ce qui lui a permis d’imposer le confinement aux membres de la communauté;
- des communautés ont porté assistance à leurs membres en organisant la collecte et le don de nourriture traditionnelle [en anglais seulement], en préparant des paniers alimentaires d’urgence [en anglais seulement] et des produits de nettoyage aux personnes âgées, entre autres mesures;
- des tests de dépistage de la COVID-19 ont été effectués dans la réserve des Algonquins de Barriere Lake; et
- le nombre de cas de COVID-19 ayant augmenté dans les communautés des Premières Nations, certaines ont demandé un soutien militaire [en anglais seulement] et les Rangers canadiens ont été déployés dans le nord de l’Ontario [en anglais seulement].
Les organisations des Premières Nations soutiennent leurs membres :
- en déclarant l’état d’urgence afin d’attirer l’attention sur les défis que doivent relever les Premières Nations dans la lutte contre la pandémie (Assemblée des Premières Nations);
- en mettant sur pied une équipe d’intervention contre la pandémie (Assemblée des chefs du Manitoba [en anglais seulement]);
- en communiquant de l’information de santé publique en oji‑cri et en fournissant des ressources sur la planification de la lutte contre la pandémie au sein des Premières Nations (Nation nishnawbe-aski [en anglais seulement]).
Les communautés des Premières Nations s’entraident en mettant en commun des ressources servant à la planification de la lutte contre la pandémie [en anglais seulement]. Des artistes autochtones [en anglais seulement] aident des gens à surmonter les difficultés de l’isolement en mettant en ligne des vidéos de leurs prestations.
Ressources additionnelles
Services aux Autochtones Canada, Préparation et intervention de Services aux Autochtones Canada pour lutter contre la COVID-19.
Services aux Autochtones Canada, COVID-19 : Guide communautaire pour les Premières Nations sur l’accès à du soutien supplémentaire.
Yellowhead Institute, COVID-19 in Community: How are First Nations Responding?, 7 avril 2020 [en anglais seulement].
Pamela Palmater, « Priority pandemic response needed for First Nations » Options politiques, 20 mars 2020 [en anglais seulement].
Dr Alika Lafontaine, Covid-19 and Indigenous Communities: Family Conversations, Yellowhead Institute, 16 mars 2020 [en anglais seulement].
Agence de la santé publique du Canada, Préparation du Canada en cas de grippe pandémique : Guide de planification pour le secteur de la santé, « Annexe B : Considérations relatives au plan de lutte contre la pandémie d’influenza pour les collectivités des Premières nations vivant dans les réserves », mise à jour en juin 2009.
Auteurs : Sara Fryer, Brittany Collier et Olivier Leblanc-Laurendeau, Bibliothèque du Parlement
Catégories :Affaires autochtones, COVID-19, Santé et sécurité