Emploi précaire au Canada : un survol de la situation

Temps de lecture : 6 minutes

Note : Une mise à jour de cette publication a été publié en décembre 2020 : Le travail précaire au Canada

(Available in English: Precarious Employment in Canada: An Overview)

Qu’est-ce qu’un emploi précaire?

Pour dire les choses simplement, un emploi précaire est un « mauvais emploi ». Toutefois, les choses se compliquent lorsque nous essayons de définir et de mesurer ce qui caractérise un « mauvais emploi ».

Selon l’Organisation internationale du Travail, un emploi précaire en est un qui n’offre pas une protection et des droits suffisants. Ainsi, les emplois informels sont souvent précaires, mais ce peut être aussi le cas de plusieurs types de travail formel, comme la sous-traitance, les contrats temporaires, le travail intérimaire, certaines formes de travail autonome et le travail à temps partiel involontaire. Ces types d’emploi sont jugés précaires parce qu’ils sont associés à une plus grande insécurité financière en raison d’une plus faible rémunération, d’un accès moindre à certains avantages sociaux (tels que des régimes de pension ou d’assurance-maladie complémentaires), et d’une plus grande incertitude à l’égard du revenu futur[1].

Les études sur la notion d’emploi précaire font également référence à un travail atypique et aux travailleurs vulnérables, c’est-à-dire aux personnes qui occupent un emploi précaire. Bien que les statistiques disponibles constituent une mesure imparfaite de la précarité de l’emploi, les tendances et les effets de composition de ces statistiques offrent un aperçu pertinent sur la situation de l’emploi précaire et sur son incidence sur la société canadienne.

Quelles sont les statistiques dont nous disposons sur les emplois précaires au Canada?

Le graphique 1 illustre les proportions de travailleurs qui occupent un emploi permanent par rapport aux autres catégories de travailleurs. En 2017, approximativement 15 % des travailleurs canadiens étaient des travailleurs autonomes. Parmi les travailleurs autonomes, environ 53 % s’en sortaient suffisamment bien pour être en mesure de se constituer en société ou d’embaucher des employés. Dans cette catégorie, les hommes étaient plus de deux fois plus nombreux que les femmes, ce qui représente un écart considérable.

Graphique 1 : Nombre total d’employés par catégorie de travailleurs : permanents, temporaires et autonomes, selon le sexe, 2017

Notes : Les travailleurs autonomes précaires comprennent tous les travailleurs à leur compte qui ne sont pas constitués en société et qui n’ont pas d’aide rémunérée. Les travailleurs autonomes comprennent tous les travailleurs à leur compte qui ont une aide rémunérée ou qui sont constitués en société.
Les travailleurs temporaires occupent un emploi salarié dont la date de cessation est prédéterminée. Ces emplois comprennent les emplois saisonniers, les emplois occasionnels, les emplois temporaires (c’est-à-dire pour une durée déterminée ou dans le cadre d’un contrat de travail, y compris le travail effectué par l’entremise d’une agence de placement) et autres emplois temporaires.
Source : Graphique produit par l’auteure à partir des données de Statistique Canada, tableaux 282-0002, 282-0012, 282-0014 et 282-0080, base de données CANSIM, consultés le 31 octobre 2018.

Les 47 % restants (environ 7 % de l’ensemble des travailleurs) se trouvaient probablement dans une situation encore plus précaire. Dans ce groupe, les hommes (53 %) étaient plus nombreux que les femmes (47 %). En outre, 12 % de l’ensemble des employés occupaient des postes temporaires, dont 52 % de femmes et 48 % d’hommes.

En 2017, 5,6 % des travailleurs occupaient un emploi à temps partiel involontaire et 14,5 % travaillaient volontairement à temps partiel. Les femmes représentaient 65 % des travailleurs à temps partiel, surpassant ainsi largement les hommes. Parmi les employés d’âge moyen (de 25 à 54 ans), les travailleurs temporaires étaient plus susceptibles que les employés permanents à travailler à temps partiel involontaire (42 % contre 33 %). Par contre, les travailleurs autonomes à temps partiel étaient moins susceptibles à travailler à temps partiel involontaire que leurs homologues employés.[2]

En somme, nous estimons qu’entre 27 et 45 % de tous les travailleurs canadiens n’occupent pas ce que nous considérons traditionnellement comme des emplois stables à temps plein. De plus, une grande proportion de ces emplois atypiques, qui représentent jusqu’à 25 % de la main-d’œuvre rémunérée, pourraient être jugés précaires (c’est-à-dire qu’il s’agirait d’emplois temporaires, autonomes précaires ou à temps partiel involontaire).

Quelles sont les tendances récentes?

Le graphique 2 illustre les tendances en matière d’emploi autonome précaire, de travail à temps partiel involontaire et de travail temporaire chez les hommes et les femmes depuis la récession de 2008. Ces dernières tendances ne présentent qu’un tableau partiel de l’évolution de l’emploi précaire au Canada. Cela est dû au fait que d’autres dimensions de l’emploi précaire (p. ex., le faible salaire), n’ont pas pu être prises en considération, que ces types d’emploi peuvent se recouper (p. ex., un travailleur autonome peut aussi travailler involontairement à temps partiel) et que ces tendances évoluent parfois en sens opposés.

Graphique 2 : Nombre de travailleurs autonomes précaires, de travailleurs à temps partiel involontaire et de travailleurs temporaires, parmi les Canadiens de 15 ans et plus, de 2007 à 2017

Notes : Les travailleurs autonomes précaires comprennent tous les travailleurs à leur compte qui ne sont pas constitués en société et qui n’ont pas d’aide rémunérée. Les travailleurs temporaires occupent un emploi salarié dont la date de cessation est prédéterminée. Ces emplois comprennent les emplois saisonniers, les emplois occasionnels, les emplois temporaires (c’est-à-dire pour une durée déterminée ou dans le cadre d’un contrat de travail, y compris le travail effectué par l’entremise d’une agence de placement) et autres emplois temporaires.
Source : Graphique produit par l’auteure à partir des données de Statistique Canada, tableaux 282-0002, 282-0012, 282-0014 et 282-0080, base de données CANSIM, consultés le 31 octobre 2018.

Pendant la récession, le taux d’emploi à temps partiel involontaire a augmenté tant chez les hommes que chez les femmes. À mesure que les conditions du marché du travail se sont améliorées, l’emploi à temps partiel involontaire a reculé chez les femmes, mais est demeuré stable chez les hommes. Le nombre de femmes travailleuses autonomes précaires a augmenté graduellement (14 %) au cours de cette période de 10 ans, tandis que le nombre d’hommes travailleurs autonomes précaires a légèrement diminué. Les emplois temporaires sont devenus plus fréquents pendant la récession, chez les hommes comme chez les femmes, et cette proportion s’est maintenue ou a légèrement augmenté durant la reprise.

Les données révèlent également des écarts sur le plan de l’âge et du secteur d’activité. En 2017, 32 % des travailleurs âgés de 15 à 24 ans occupaient un emploi temporaire, contre 10 % des 24 à 55 ans et 11 % des 55 ans et plus. Le graphique 3 montre que les secteurs de l’éducation, de l’agriculture, de l’information, de la culture et des loisirs comptent une plus grande proportion d’employés temporaires[3].

Graphique 3 : Employés permanents et temporaires, selon l’industrie, en 2017

Source : Graphique produit par l’auteure à partir de données de Statistique Canada. Tableau 14-10-0072-01 Permanence de l’emploi (permanent et temporaire), selon l’industrie, données annuelles (x 1 000), consulté le 31 octobre 2018.

Le graphique 4 illustre le nombre de travailleurs autonomes précaires et de travailleurs temporaires selon l’industrie et le sexe. Le secteur des services, qui regroupe notamment les emplois liés aux soins de santé, à l’assistance sociale, à l’enseignement et au commerce de gros et de détail, compte un nombre beaucoup plus élevé d’emplois précaires.

Graphique 4 : Travailleurs temporaires et autonomes précaires, selon l’industrie et le sexe, en milliers, en 2017

Source : Graphique produit par l’auteure à partir des données de Statistique Canada, tableaux 282-0002, 282-0012, 282-0014 et 282-0080, base de données CANSIM, consultés le 31 octobre 2018.

Enfin, une étude de la Commission du droit de l’Ontario [en anglais seulement] a conclu à une surreprésentation du travail précaire chez les personnes racialisées, les immigrants, les peuples autochtones, les personnes handicapées et les personnes âgées.

Ressources supplémentaires

Bedard M. et coll. Onze propositions pour un meilleur régime d’assurance-emploi, IRPP, 23 juillet 2015.

Busby, C. et coll. Precarious Positions: Policy Options to Mitigate Risks in Non-standard employment, Institut C.D. Howe, décembre 2016 [en anglais seulement].

Fox, Dam et coll. Le bien-être économique des femmes au Canada, Statistique Canada, 16 mai 2018.

Johal, Sohan et coll. Working without a Net: Rethinking Canada’s social policy in the new age of work, Centre Mowat, novembre 2016 [en anglais seulement].

Ontario. Rapport final sur l’examen portant sur l’évolution des milieux de travail (voir Chapitre 4 : Travailleurs vulnérables occupant un emploi précaire), mai 2017.

Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Tous concernés : pourquoi moins d’inégalité profite à tous, mai 2015.

____________.  The Future of Social Protection: What works for non-standard workers? (mai 2018) [en anglais seulement].

Poverty and Employment Precarity in Southern Ontario (PEPSO), Université McMaster et Centraide Toronto. It’s more than poverty, Employment Precarity and Household Well-being, février 2013.

_______________. The Precarity Penalty: The Impact of employment precarity on individuals, households and communities and what to do about it, mai 2015 [en anglais seulement].

Tal, Benjamin. On the Quality of Employment in Canada, CIBC Economics, 28 novembre 2016 [en anglais seulement].

Auteures : Dominique Fleury et Elizabeth Cahill, Bibliothèque du Parlement

[1]       Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Tous concernés : pourquoi moins d’inégalité profite à tous, mai 2015.

[2]       Martha Patterson, Qui travaille à temps partiel et pourquoi?, Statistique Canada, 6 novembre 2018

[3]       Les données relatives au travail à temps plein et à temps partiel dans certaines industries ne sont pas publiées sous forme de tableaux par Statistique Canada.



Catégories :Emploi et travail

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