(Available in English: Marine Pilotage in Canada: En Route to Modernizing The Pilotage Act?)
Note : Une mise à jour de cette publication a été publié en septembre 2020 : Le pilotage maritime au Canada : en route vers la modernisation de la Loi sur le pilotage
Le 31 mai 2017, Transports Canada a lancé l’Examen de la Loi sur le pilotage présidé par Marc Grégoire, ancien commissaire de la Garde côtière canadienne et ancien sous-ministre adjoint de Sécurité et sûreté à Transports Canada, afin de moderniser cette loi qui prévoit le cadre législatif pour la prestation de services de pilotage maritime au Canada. Le 22 mai 2018, Transports Canada a publié le rapport final de l’Examen qui formule 38 recommandations; entre autres, il y est suggéré que le gouvernement du Canada revoie les objectifs de la loi, améliore le modèle de gouvernance du pilotage au pays, mette en place un nouveau processus d’évaluation des risques et allège le processus d’établissement des tarifs.
Figure 1 – Les administrations de pilotage au Canada
Le système de pilotage canadien
Le pilotage consiste à la prise de contrôle d’un navire par des pilotes maritimes afin de guider celui-ci à travers les rivières, les ports, les lacs, les détroits et autres voies navigables. Selon le rapport de la Commission royale d’enquête sur le pilotage de 1968, l’exercice du pilotage au Canada remonte aux premiers jours de la colonie et est organisé sur le fleuve Saint-Laurent depuis plus de 200 ans.
L’adoption de la Loi sur le pilotage en 1972 a pavé la voie à la création de quatre administrations de pilotage au pays dont la mission consiste à régir et exploiter un service de pilotage efficace et sécuritaire dans une région déterminée. Chaque administration a l’exclusivité de l’offre de service de pilotage dans sa région respective.
Figure 2 – Zones de pilotage obligatoires sous l’autorité de l’Administration de pilotage du Pacifique
Figure 3 – Zones de pilotage obligatoire sous l’autorité des administrations de pilotage des Grands Lacs et des Laurentides
Figure 4 – Zones de pilotage obligatoire sous l’autorité de l’Administration de pilotage de l’Atlantique
Cartes produites par la Bibliothèque du Parlement, Ottawa, 2018, à partir de données tirées de Ressources naturelles Canada (RNCan), « Entités administratives », Limites administratives au Canada – Série CanVec, 2018; RNCan, « Limites (polygones) » et « Étendues d’eau », Données de l’Atlas du Canada à l’échelle nationale de 1/5 000 000, 2013; National Geospatial-Intelligence Agency, World Port Index, consulté le 30 juillet 2018 [en anglais seulement]; Administration de pilotage des Grands Lacs, Carte des circonscriptions de pilotage de la région des Grands Lacs; Administration de pilotage des Laurentides, Limites géographiques des activités; Administration de pilotage de l’Atlantique, Zones de pilotage obligatoire; et données fournies par l’Administration de pilotage du Pacifique concernant les zones de pilotage obligatoire. Logiciel utilisé : Esri, ArcGIS, version 10.4. Contient de l’information visée par la Licence du gouvernement ouvert – Canada.
Par l’entremise de règlements, les quatre administrations établissent leurs zones de pilotage obligatoire, les catégories de navires assujettis au pilotage obligatoire et les circonstances dans lesquelles un navire peut bénéficier d’une dispense de pilotage obligatoire. Le type de navires visés par les règlements adoptés par les administrations de pilotage varie énormément; ceux-ci incluent des navires cargos, des embarcations de plaisance d’une certaine grandeur ainsi que des plates-formes de forage pétrolier.
En vertu de la Loi sur le pilotage, pour qu’un navire puisse naviguer à l’intérieur des zones définies par les administrations de pilotage, souvent situées près des côtes et des ports, il doit « se trouver sous la conduite d’un pilote breveté ou du titulaire d’un certificat de pilotage ». Un pilote doit donc se rendre à destination du navire, souvent grâce à un bateau-pilote, s’il est en mer, monter à bord de celui-ci et le guider jusqu’à ce qu’il ait traversé la zone de pilotage obligatoire.
Les administrations de pilotage sont autonomes financièrement et ne perçoivent pas de crédits parlementaires. Leurs dépenses comprennent principalement les salaires des pilotes et les frais relatifs aux bateaux-pilotes. Quant à leurs revenus, ils proviennent des tarifs payés par les navires (armateurs) qui empruntent les cours d’eau situés sur le territoire couvert par chaque administration.
Figure 5 – Dépenses, recettes et nombre de missions des administrations de pilotage du Canada (2008 à 2017)
Note : Le format et le contenu des graphiques sont inspirés des tableaux 1,2,3 et 4 de Marc Grégoire. Rapport de l’examen de la Loi sur le pilotage, Transports Canada, avril 2018.
Source : Figure préparée par l’auteure à partir des données tirées de Transports Canada. Les transports au Canada 2017: Addenda statistique, 2018.
Les administrations de pilotage établissent leurs propres tarifs de droits de pilotage par règlements. Ces tarifs peuvent être contestés auprès de l’Office des transports du Canada par toute personne qui les estime contraires à l’intérêt public. Selon Transports Canada, l’ensemble du processus d’établissement des taux tarifaires, incluant les consultations et l’approbation du gouverneur en conseil, dure en moyenne de six à huit mois.
Le Règlement général sur le pilotage fédéral spécifie pour les demandeurs de brevet ou de certificats de pilotage certaines exigences concernant la santé et les qualifications relatives à la navigation. Chaque administration a le pouvoir d’imposer des critères supplémentaires pour la délivrance de brevets ou de certificats; les frais de délivrance de ceux-ci peuvent varier d’une administration à l’autre.
Bien que la loi autorise les administrations de pilotage à engager des employés, lorsque les pilotes d’une zone donnée décident de se regrouper en corporation, les administrations peuvent louer les services des pilotes de cette zone auprès de la corporation. Cependant, les pilotes employés par une administration de pilotage et les pilotes qui font partie de la corporation ne peuvent pas fournir des services dans les mêmes zones de pilotage obligatoire.
Tableau 1 – Le nombre de pilotes, de missions de pilotage et la moyenne de missions par pilote selon les quatre administrations de pilotage du Canada en 2017
Administrations de pilotage |
Pilotesa |
Missions de pilotage |
|
|
employés |
contractuels |
|||
Atlantique | 49 | 10 | 8 809 | 149 |
Laurentides | 0 | 192 | 22 732 | 118 |
Grands Lacs | 59b | 0 | 7 636 | 143 |
Pacifique | 8 | 114 | 13 397 | 110 |
Total pour toutes les administrations | 116 | 316 | 52 574 | 123 |
432 |
Note : a. Comprend les apprentis-pilotes.
b. Selon le Rapport annuel 2017 de l’Administration de pilotage des Grands Lacs, en plus des 53,6 pilotes en équivalent temps plein, cinq pilotes auraient obtenu leur brevet en 2017.
Source : Les données sur les pilotes proviennent de : Administration de pilotage de l’Atlantique, Rapport annuel 2017; Administration de pilotage des Laurentides, Rapport annuel 2017; Administration de pilotage des Grands Lacs, Rapport annuel 2017; Administration de pilotage du Pacifique, Rapport annuel 2017. Les données sur le nombre de missions et la moyenne de missions de pilotage par pilote proviennent de Transports Canada, Les transports au Canada 2017 : Addenda statistique, 2018.
Dans le cas d’un litige entre les administrations de pilotage et les corporations de pilotes au sujet des termes des contrats de louage de services, un médiateur ou un arbitre est désigné pour régler l’impasse. Si la mésentente persiste, ce médiateur ou cet arbitre demandera à chaque partie de présenter une offre finale; il en choisira une dans son intégralité. Puisque le service de pilotage est obligatoire en vertu de la loi, celui-ci doit être maintenu durant le processus de médiation ou d’arbitrage.
L’examen de la Loi sur le pilotage
L’Examen de la Loi sur le pilotage s’inscrit dans le cadre du Plan de protection des océans du gouvernement du Canada. Selon Transports Canada, l’Examen vise à « moderniser la Loi sur le pilotage tout en conservant les éléments qui contribuent à l’excellent dossier de sécurité du Canada en matière de pilotage ». Les sections ci-dessous fournissent un sommaire des 38 recommandations du rapport final de l’Examen.
A. Gouvernance
La majorité des intervenants consultés dans le cadre de l’Examen de la Loi sur le pilotage (c.-à-d., les membres de l’industrie, les administrations de pilotage et les pilotes) considèrent qu’il est préférable de garder en place les quatre administrations de pilotage pour assurer le maintien de l’expertise locale au sein de celles-ci. Toutefois, le rapport recommande la fusion des administrations de pilotage des Laurentides et des Grands Lacs, compte tenu de leur proximité géographique et de leur relation de travail préexistante. De plus, le rapport recommande la mise sur pied d’un comité consultatif national qui servira de « tribune nationale » pour l’ensemble des intervenants dans le secteur du pilotage.
B. Main-d’œuvre
Malgré l’opposition de la part des corporations de pilotes, le rapport recommande que la loi soit modifiée pour autoriser les pilotes employés à travailler dans les mêmes zones de pilotage que les corporations de pilotes. Cette recommandation vise à permettre aux administrations de pilotage d’utiliser la structure de main d’œuvre qui leur convient et d’assurer le développement d’une expertise au sein de l’administration de pilotage locale.
Quelques intervenants ont souligné la problématique du processus d’arbitrage en cas de mésentente entre les administrations de pilotage et les corporations de pilotes sur les termes des contrats de louage de services puisqu’il ne tient pas compte de la viabilité à long terme des administrations de pilotage (par exemple, lorsqu’une offre choisie par un arbitre n’est pas financièrement viable pour une administration). À cet effet, le rapport recommande que le processus de sélection de l’offre finale soit modifié afin que l’arbitre tienne compte du but et des principes de la loi, notamment l’autonomie financière des administrations.
C. Cadre de sécurité
Selon le rapport sur l’Examen de la Loi sur le pilotage, le taux de missions de pilotage sans accident s’élève à 99,9 % au Canada. À l’heure actuelle, chaque administration établit les règlements précisant le type et la taille des navires visés par les zones de pilotage obligatoire. En réponse aux demandes de plusieurs intervenants réclamant une plus grande uniformité à l’échelle nationale, le rapport recommande que le ministre des Transports puisse, avec l’approbation du gouverneur en conseil, prendre tous les règlements relatifs à la sécurité du pilotage. D’autre part, toujours dans un but d’uniformisation, le rapport recommande que Transports Canada promeuve un programme national de certification de pilotage pour la formation et l’évaluation des officiers de navigation et des capitaines de navire.
D. Tarifs et frais
Le rapport souligne que le processus réglementaire de modification des taux tarifaires est « lourd et long » et en décalage avec le processus de planification annuelle. Pour cette raison, le rapport recommande que les administrations de pilotage aient le « plein pouvoir » de fixer les tarifs et d’autres frais, tout en maintenant le processus de consultation auprès des intervenants. De plus, le rapport propose de modifier le processus d’opposition aux taux tarifaires afin que seules les parties assujetties aux tarifs puissent présenter des oppositions auprès de l’Office des transports du Canada.
Ressources supplémentaires
Transports Canada, Discussion sur l’Examen de la Loi sur le pilotage, octobre 2017.
Transports Canada, Examen de la Loi sur le pilotage : Sommaires de recherche, février 2018.
Transports Canada, Examen de la Loi sur le pilotage : Mémoires, mars 2018.
Auteure : Geneviève Gosselin, Bibliothèque du Parlement
Catégories :Industrie, entreprises et commerce, Lois, justice et droits