(Available in English: The Canadian Dollar: What Determines the Exchange Rate?)
Du début de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à 1950, et de nouveau de 1962 à 1970, la valeur du dollar canadien était fixée relativement au dollar américain. La Banque du Canada était chargée d’intervenir sur les marchés afin de maintenir la valeur de la devise canadienne.
De nos jours, le taux de change entre le dollar canadien et une devise étrangère fluctue au rythme de l’offre et de la demande, de la même façon que tout autre bien ou service offert sur les marchés publics. Les facteurs qui font augmenter (ou diminuer) la demande pour le dollar canadien, ou qui font diminuer (ou augmenter) la demande pour une devise étrangère, exercent des pressions haussières (ou baissières) sur le taux de change.
Facteurs influant sur la valeur du dollar canadien
Les théories économiques et des constatations empiriques ont permis de cerner des facteurs qui, évalués indépendamment les uns des autres, ont des effets prévisibles sur les taux de change. Toutefois, il est difficile de prédire les fluctuations du taux de change, car ces facteurs interviennent tous en même temps. Bien souvent, les raisons à l’origine des changements récents peuvent uniquement être déterminées rétrospectivement.
Voici les principaux facteurs qui influent sur la valeur du dollar canadien :
- Taux d’intérêt : des taux d’intérêt relativement plus élevés au Canada stimulent la demande des investisseurs étrangers à l’égard des valeurs mobilières en dollars canadiens. Cela dit, le rendement des investissements étrangers dépend du rendement futur attendu du dollar canadien. Si les investisseurs étrangers entrevoient une baisse de la valeur du dollar canadien, ils exigeront un taux d’intérêt supérieur pour les valeurs mobilières en dollars canadiens.
- Prix des produits de base : la valeur du dollar canadien est tributaire du prix des produits de base à l’échelle mondiale. Les produits de base forment une grande proportion des exportations canadiennes, ce qui n’est pas le cas aux États-Unis et dans d’autres pays. Lorsque le prix des produits de base augmente, les conditions commerciales au Canada s’améliorent, car les produits canadiens deviennent relativement plus recherchés. Étant donné que le pouvoir d’achat réel du Canada est alors plus élevé, ce mouvement se traduit habituellement par un taux de change supérieur. Le contraire est tout aussi vrai : la baisse du prix des produits de base se traduit par un dollar canadien plus faible.
- Taux d’inflation : l’inflation est le taux auquel le niveau général des prix augmente au fil du temps. Si l’inflation au Canada excédait les taux d’inflation à l’étranger, le pouvoir d’achat du dollar canadien serait réduit par rapport aux devises étrangères. Cette réduction amènerait un déclin de la valeur relative du dollar canadien. Le contraire est également vrai : un taux d’inflation relativement bas et durable au Canada influe de manière positive sur le taux de change.
- Commerce international des biens et des services : un pays enregistre un excédent commercial lorsque ses exportations surpassent ses importations, une situation qui fait grimper le taux de change (la demande pour la devise excède l’offre). En revanche, un déficit commercial (les importations dépassant les exportations) exerce des pressions baissières sur le taux de change (l’offre de la devise excède la demande).
- Investissements étrangers et remboursement de la dette : l’arrivée d’investissements étrangers au Canada augmente la demande étrangère de dollars canadiens, poussant ainsi le taux de change vers le haut. Les investissements directs canadiens à l’étranger ont l’effet inverse. Le remboursement de la dette souscrite auprès de sources étrangères fait, lui aussi, baisser le taux de change.
- Productivité : la productivité d’un pays (c.-à‑d. la quantité d’extrants pouvant être produits grâce à un nombre donné d’intrants) peut influer sur le taux de change en raison de ses retombées sur les prix relatifs et la compétitivité à l’échelle internationale. Par exemple, si la productivité augmentait plus rapidement au Canada qu’aux États-Unis, les prix des biens canadiens seraient plus compétitifs et, au fil du temps, les extrants et les exportations du Canada augmenteraient, ce qui se traduirait par une plus forte demande de dollars canadiens.
Comment peut‑on expliquer le rendement récent du dollar canadien?
De janvier 2002 à novembre 2007, la valeur du dollar canadien a progressé, passant de 0,62 $ US à 1,04 $ US, en raison de l’augmentation des prix de l’énergie et d’une forte demande américaine pour les exportations canadiennes.
En réaction à l’effondrement du marché immobilier en septembre 2007, la Réserve fédérale américaine a réduit en décembre 2008 son taux d’intérêt cible, qui était alors de 5,25 %, à un niveau sans précédent, oscillant entre 0 % et 0,25 %. À mesure que les conséquences de la crise financière de 2008 se faisaient sentir dans d’autres pays, les ralentissements et les contractions de l’économie qui ont suivi ont provoqué la chute des prix de l’énergie et du déficit commercial américain. C’est ainsi que, au début de 2009, la plupart des devises, y compris le dollar canadien, ont perdu la majorité des gains qu’elles avaient enregistrés contre le dollar américain jusqu’en 2008.
Bien au fait de cette situation, la Banque du Canada a réduit en avril 2009 son taux d’intérêt cible, le faisant passer de 3 % en octobre 2008 à un creux historique de 0,25 %. Elle l’a maintenu à ce niveau jusqu’en mai 2010. Cette baisse a grandement réduit l’écart entre les taux d’intérêt canadiens et américains à une époque où les prix de l’énergie et les exportations canadiennes étaient en progression. À leur tour, ces facteurs ont fait augmenter la valeur du dollar canadien, qui est passé de 0,78 $ US en mars 2009 à 1,05 $ US en juillet 2011.
Grâce à un taux d’intérêt cible de presque 0 % et à la mise en œuvre d’un plan de relance budgétaire, l’économie américaine s’est lentement remise de la crise financière de 2008. Cette reprise a stimulé la productivité, le taux d’emploi et la valeur des investissements aux États-Unis. Entre-temps, les prix de l’énergie sont demeurés relativement stables, en comparaison, et c’est pourquoi le dollar canadien est lentement devenu moins attrayant et a glissé sous la barre des 0,90 $ US au début de 2014.
Au cours des deux années qui ont suivi, la demande des investisseurs pour les valeurs mobilières en dollars américains a augmenté à mesure que l’économie américaine reprenait de la vigueur, tandis que la plupart des autres économies développées peinaient à se remettre sur pied. La faible demande mondiale pour les produits énergétiques et l’offre excédentaire découlant de l’expansion des techniques d’extraction du pétrole et du gaz, notamment l’« hydrofracturation » aux États-Unis, ont exercé des pressions baissières sur les prix de l’énergie au début de 2016, les amenant à leur plus bas niveau depuis le début des années 2000. Les faibles prix de l’énergie et la force du dollar américain ont fait chuter la valeur du dollar canadien sous la barre des 0,70 $ US en janvier 2016.
Entre janvier 2016 et juin 2018, la lente et constante remontée des prix de l’énergie a stimulé la valeur du dollar canadien, qui est passée de 0,70 $ US à 0,76 $ US.
Auteur : Shaowei Pu, Bibliothèque du Parlement (adapté à partir d’une publication de Michael Holden)
ANNEXES
Figure 1 — Taux de change Canada–États-Unis, le dollar américain par rapport au dollar canadien, 1951‑2018
Nota : Les taux de change représentent les moyennes mensuelles. Pour 2018, seules les données mensuelles de janvier à juillet sont illustrées.
Source : Figure préparée par l’auteur à partir de données obtenues de Statistique Canada, Tableau 33-10-0163-01 — Taux de change moyens mensuels en dollars canadiens, Banque du Canada, et Tableau 10-10-0009-01 — Taux de change étranger en dollars canadiens, Banque du Canada, mensuel. Données consultées le 23 juillet 2018.
Figure 2 — Prix des produits de base et dollar canadien
Nota : Indice des prix des produits de base en janvier 2000 = 100. Les taux de change sont des moyennes mensuelles. Pour 2018, seules les données mensuelles de janvier à juillet sont illustrées.
Source : Figure préparée par l’auteur à partir de données obtenues de la Banque du Canada, Indice des prix des produits de base (IPPB); et de Statistique Canada, Tableau 33-10-0163-01 — Taux de change moyens mensuels en dollars canadiens, Banque du Canada, et Tableau 10-10-0009-01 — Taux de change étranger en dollars canadiens, Banque du Canada, mensuel. Données consultées le 23 juillet 2018.
Figure 3 — Rendement des devises étrangères par rapport au dollar américain, indice des taux de change
Nota : Indice de taux de change en janvier 2001 = 100. Les taux de change sont des moyennes mensuelles. Pour 2018, seules les données mensuelles de janvier à juillet sont illustrées.
Source : Figure préparée par l’auteur au moyen de données obtenues du conseil d’administration de la Réserve fédérale américaine, Taux de change du dollar américain (taux mensuel) [en anglais seulement]. Données consultées le 23 juillet 2018.
Figure 4 — Écarts du taux d’intérêt cible et dollar canadien, 2008‑2018
Nota : L’écart du taux d’intérêt cible représente la différence entre la cible de la Banque du Canada pour le financement à un jour et la cible de la Réserve fédérale américaine pour le taux des fonds fédéraux. À compter du 16 décembre 2008, le taux d’intérêt cible aux États-Unis est présenté sous forme de fourchette avec une limite inférieure et une limite supérieure. Les taux sont ceux publiés le mercredi. Pour 2018, seules les données hebdomadaires de janvier à juillet sont illustrées.
Source : Figure préparée par l’auteur à partir de données obtenues du conseil d’administration de la Réserve fédérale américaine, Taux cible des fonds fédéraux, Fourchette du taux cible des fonds fédéraux – Limite supérieure, Fourchette du taux cible des fonds fédéraux – Limite inférieure, et Taux de change étranger Canada/États-Unis [tous en anglais seulement]; et de Statistique Canada, Tableau 10-10-0139-01 — Taux du marché monétaire et autres taux d’intérêt de la Banque du Canada. Données consultées le 30 août 2018.
Catégories :Économie et finances