Vous pouvez également consulter d’autres Notes de la Colline en l’honneur de la Journée internationale de la femme
(Available in English: International Women’s Day: Understanding Gender-Responsive Budgeting)
La Journée internationale des femmes, soulignée le 8 mars de chaque année, offre aux Canadiennes et aux Canadiens une occasion de réfléchir aux réalisations des femmes et de promouvoir l’égalité entre les sexes.
Cette année, le thème choisi par le Canada est #MonFéminisme. Ce thème « s’inspire du rôle que le féminisme continue à jouer dans la définition du Canada et des pays du monde entier ». À l’échelle internationale, le thème choisi par ONU Femmes est « L’heure est venue : les activistes rurales et urbaines transforment la vie des femmes ».
Outre la Journée internationale des femmes, de nombreux gouvernements et parlementaires se sont engagés à faire progresser l’égalité entre les sexes en mettant en œuvre des politiques et des initiatives sensibles au genre. La budgétisation sensible à la sexospécificité (BSS) compte parmi ces initiatives.
Qu’est-ce que la budgétisation sensible à la sexospécificité?
Le Conseil de l’Europe définit la BSS comme étant « une évaluation des budgets existants avec une perspective de genre à tous les niveaux du processus budgétaire ainsi qu’une restructuration des revenus et des dépenses dans le but de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes ».
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) [en anglais seulement] souligne qu’il n’existe aucun modèle normalisé de BSS. La portée et la qualité de la BSS peuvent varier grandement. En outre, la BSS peut être adoptée par un pays de diverses façons, par exemple la mise en œuvre de politiques gouvernementales ou l’adoption de lois.
Les budgets nationaux ne tiennent habituellement pas compte de la spécificité des sexes
Le budget national d’un gouvernement est son plus important énoncé de politique économique, car il expose les priorités socioéconomiques du pays en précisant quels seront ses revenus et ses dépenses au cours d’une année financière donnée.
Un certain nombre d’intervenants favorables à la BSS – par exemple le Secrétariat du Commonwealth [en anglais seulement] et le Fonds monétaire international (FMI) [en anglais seulement] – expliquent que les budgets nationaux sont souvent considérés comme ne faisant pas de discrimination de genre, alors qu’en fait, ils font preuve d’indifférence à l’égard de la spécificité des sexes, puisqu’ils ne prennent pas en considération les effets différents que les dépenses de l’État ont sur les femmes et les hommes et qu’ils renforcent souvent par inadvertance les inégalités existantes entre les sexes.
Les initiatives de BSS peuvent élargir la portée des analyses en prenant aussi en considération d’autres facteurs d’identité tels que la classe socioéconomique, l’identité de genre, l’âge, la situation géographique et l’ethnicité.
La budgétisation sensible à la sexospécificité au Canada
(i) Initiatives du gouvernement fédéral
En 1995, le Canada a signé la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, qui réclamaient, entre autres, « l’intégration systématique de la problématique hommes-femmes dans toutes les politiques et tous les programmes afin que les décisions soient prises en connaissance de cause ».
En réponse au Programme d’action, le gouvernement du Canada a élaboré en 1995 le Plan fédéral pour l’égalité entre les sexes, dans lequel il s’est engagé à mettre en œuvre l’analyse comparative entre les sexes (ACS) dans tous ses ministères et organismes. Il a également précisé dans ce Plan que « les ministères et organismes fédéraux suivr[aient] les répercussions des restrictions et des compressions budgétaires au cours des trois prochaines années afin de s’assurer qu’elles n’affectent pas excessivement ou négativement les femmes et les membres d’autres groupes désignés ».
Bien que le gouvernement du Canada ait adopté officiellement l’ACS – qui est devenue depuis l’Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) –, aucune initiative de BSS n’a été initialement mise sur pied à l’échelle fédérale.
En 2005, le Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes du gouvernement fédéral s’est penché sur la BSS. Dans son rapport final, intitulé L’égalité pour les femmes : Au-delà de l’illusion, il a formulé la recommandation suivante :
La ou le ministre des Finances doit donner l’exemple. Nous croyons qu’en s’inspirant des leçons internationales, la ou le ministre des Finances pourrait appliquer rigoureusement l’analyse comparative entre les sexes à une section clé du budget de 2006.
En mars 2017, le Budget de 2017 comprenait un énoncé relatif aux sexes précisant ce qui suit :
Les décisions prises dans le cadre du budget actuel ont été fondées sur la prise en considération des questions relatives aux sexes, le but ultime étant d’offrir les meilleurs résultats possible aux Canadiens dans toute leur diversité. Cette première tentative permettra d’orienter et d’améliorer le processus qui sera utilisé pour les prochains énoncés.
Le 27 février 2018, le gouvernement fédéral a publié le Budget de 2018, dans lequel il déclarait qu’« aucune décision concernant le budget de 2018 n’a[vait] été prise sans l’éclairage apporté par l’analyse comparative entre les sexes plus ».
En outre, dans le Budget de 2018, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il « déposera[it] un nouveau projet de loi sur l’ACS+ visant à faire de la budgétisation fondée sur les sexes une partie permanente du processus budgétaire fédéral », l’objectif étant d’« élargir la portée de l’ACS+ pour examiner les dépenses fiscales, les transferts fédéraux et la base des dépenses, y compris le budget des dépenses ».
(ii) Initiatives parlementaires
En 2008, le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes a formulé, dans son rapport intitulé Vers une budgétisation sensible à la sexospécificité : Relever le défi de l’égalité entre les sexes, 27 recommandations sur la mise en œuvre de la BSS à l’échelle fédérale. Par exemple, il a recommandé :
- que Condition féminine Canada prenne l’initiative de la conception initiale et de la mise en œuvre du processus de la BSS;
- que le gouvernement fédéral présente une loi portant expressément sur la BSS qui établirait un Commissariat à l’égalité entre les sexes chargé de mettre en œuvre le processus de la BSS et de rendre des comptes à cet égard.
Exemples internationaux de budgétisation sensible à la sexospécificité
Depuis plus de dix ans, des organisations internationales telles que les Nations Unies, le Secrétariat du Commonwealth [en anglais seulement] et l’Organisation de coopération et de développement économiques [en anglais seulement] encouragent les gouvernements à mettre en œuvre la BSS.
L’objectif no 5 des Objectifs de développement durable – décrits dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 de l’ONU – vise à parvenir à l’égalité entre les sexes. Il comprend parmi ses indicateurs de réussite [en anglais seulement], la proportion de pays disposant de systèmes pour allouer des fonds publics, y compris des crédits budgétaires, à des initiatives favorisant l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes, et pour faire les suivis nécessaires.
Selon le rapport publié en 2016 [en anglais seulement] par le Fonds monétaire international, plus de 80 pays ont adopté une certaine forme de BSS. Cependant, même si de nombreuses initiatives de BSS sont mises en œuvre, elles ne durent souvent que quelques années, puis disparaissent.
Selon l’European Institute for Gender Equality [en anglais seulement], la réussite de la mise en œuvre de la BSS dépend d’un certain nombre de facteurs :
- la volonté politique et les chefs politiques;
- l’engagement des institutions administratives publiques à un haut niveau;
- l’amélioration des capacités techniques des fonctionnaires;
- la participation de la société publique;
- l’existence de données désagrégées selon le sexe.
Voici quelques exemples de BSS relevés à l’étranger :
- Australie [en anglais seulement] : En 1984, le gouvernement fédéral australien a lancé la première initiative mondiale de BSS à l’échelle nationale. Cette initiative a pris fin en 2014.
- Belgique [en anglais seulement] : La loi belge de 2007 sur l’intégration de la dimension du genre dans l’ensemble des politiques fédérales constitue le fondement juridique nécessaire pour l’identification obligatoire des fonds affectés par le gouvernement à la promotion de l’égalité entre les sexes et assujettit à un « test des genres » toute nouvelle mesure stratégique envisagée. L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes est chargé d’appliquer cette loi
- Suède : L’initiative suédoise de BSS repose sur un «engagement politique de haut niveau » [en anglais seulement]. Le gouvernement de la Suède dit mettre la BSS en œuvre de la façon suivante : « Les effets de la politique budgétaire sur l’égalité entre les sexes sont évalués, un point de vue sexospécifique est constamment appliqué au processus, et les revenus et les dépenses doivent être redistribués pour promouvoir l’égalité entre les sexes ». [traduction]
Lectures supplémentaires
Centre Hubertine Auclert, La budgétisation sensible au genre, Guide pratique, 2015
Fonds monétaire international, Gender Budgeting in G7 Countries, Policy Papers, 19 avril 2017 [disponible en anglais seulement].
Ronnie Downes et al., Gender Budgeting in OECD Countries, Organisation de coopération et de développement économiques : Direction de la gouvernance publique et du développement territorial, 2017 [disponible en anglais seulement].
Auteure : Laura Munn-Rivard, Bibliothèque du Parlement
Catégories :Affaires sociales et communautaires, Gouvernement, Parlement et politique