Révisée le 29 janvier 2018
(Available in English: Asian Carp on the Doorstep of the Great Lakes)
La découverte récente [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT] de carpes asiatiques près des Grands Lacs et la confirmation de la présence d’ADN de carpe de roseau dans le système du fleuve Saint-Laurent semblent indiquer qu’il est minuit moins une dans la lutte contre cette espèce aquatique envahissante.
Selon Pêches et Océans Canada (MPO), au début des années 1970, des gestionnaires aquacoles ont importé la carpe asiatique dans le sud des États-Unis. D’importantes inondations dans cette région des États-Unis auraient permis à cette espèce de rejoindre les affluents du fleuve Mississippi et de rejoindre ensuite la rivière Illinois, située à quelques kilomètres de la ville de Chicago et du lac Michigan.
Les espèces de carpes asiatiques
Quatre espèces de carpes asiatiques ont été introduites en Amérique du Nord : la carpe à grosse tête, la carpe argentée, la carpe de roseau et la carpe noire. De façon générale, ces poissons peuvent atteindre une longueur de plus d’un mètre et un poids de plus de 40 kg. Elles consomment entre 5 % et 20 % de leur poids chaque jour et se reproduisent très rapidement. Elles se nourrissent principalement de plancton, de zooplancton, d’algues, de plantes aquatiques et de mollusques.
Propagation et établissement potentiels dans les Grands Lacs
Selon un rapport [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT] de 2004 du MPO sur le risque posé par la carpe d’Asie au Canada, la notion d’« établissement » fait référence à la colonisation et au maintien d’une population dans un endroit. Selon le United States Geological Survey (USGS), la carpe à grosse tête [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT] a été répertoriée à l’intérieur ou aux abords d’au moins 18 États et serait établie dans deux. La carpe argentée [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT] a été repérée dans 12 États et serait établie dans deux. La carpe de roseau [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT] est la plus répandue, ayant été trouvée dans 45 États et s’étant établie dans plusieurs endroits le long du fleuve Mississippi. La carpe noire [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT] a été repérée dans quatre États, mais il n’y a actuellement pas de preuve d’établissement de cette espèce.
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Selon les experts, le système de voies navigables de la région de Chicago constitue le chemin de propagation le plus probable des carpes vers les Grands Lacs. Afin d’empêcher les carpes d’atteindre les Grands Lacs et éventuellement le fleuve Saint-Laurent, le US Army Corps of Engineers a installé au début des années 2000 des barrières électriques de dispersion [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT] sur le Chicago Sanitary and Ship Canal. Les activités humaines, comme le commerce de poissons vivants et l’aquaculture, sont aussi des sources importantes de propagation.
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Cartes produites par la Bibliothèque du Parlement, Ottawa, 2017, à partir de la Nonindigenous Aquatic Species Database du U.S. Geological Survey, Gainesville (Floride), consultée le 3 août 2017; les données sur le Programme d’échantillonnage de la carpe asiatique ont été fournies par le ministère des Pêches et des Océans, Ottawa (Ontario). Logiciels utilisés : Esri, ArcGIS, version 10.3.1. Contient des renseignements assujettis à la Licence du gouvernement ouvert – Canada et issus du domaine public des États-Unis.
Comme indiqué dans l’évaluation binationale publiée par le MPO en 2012, la probabilité d’arrivée des carpes à grosse tête et argentées par voie physique dans les Grands Lacs serait « très probable » pour le lac Michigan et de « faible » à « très peu probable » pour les autres lacs. Une fois introduites dans les Grands Lacs, la probabilité de survie, d’établissement et de propagation de ces carpes serait de façon générale très élevée et elles rejoindraient probablement les eaux canadiennes en moins de cinq ans.
Quant à la carpe de roseau, l’évaluation du risque écologique publiée par le MPO en janvier 2017 indique que celle-ci est déjà arrivée dans les lacs Michigan (par voie physique) et Érié (par voie humaine). Dans un horizon de cinq à dix ans, sa probabilité de survie et d’établissement varierait, selon les lacs, entre « élevée » et « très élevée », sauf pour le lac Supérieur, où les conditions climatiques hivernales seraient plus difficiles. Sa probabilité de propagation serait plus variable selon les lacs, mais serait généralement située entre « très improbable » et « modérée ». Selon les experts, il faudra moins de dix ans à la carpe de roseau pour parvenir aux eaux canadiennes suite à son arrivée dans le bassin des Grands Lacs par le lac Michigan et moins d’un an si son introduction se fait dans l’ouest du lac Érié. Aucun avis scientifique lié spécifiquement à la carpe noire ne semble avoir été émis par le MPO.
Pourquoi sont-elles une menace?
Selon l’évaluation binationale du MPO, la présence de la carpe à grosse tête et de la carpe argentée entraînerait, entre autres répercussions, « des changements dans les communautés planctoniques, la réduction de la biomasse planctonivore […] et la diminution des stocks d’espèces piscivores [espèces se nourrissant de poissons] ». De plus, dans l’évaluation du risque écologique de 2017, le MPO indique que la consommation de plantes aquatiques par la carpe de roseau pourrait entraîner une dégradation des zones humides végétalisées, ce qui aurait des conséquences néfastes sur l’ensemble de l’écosystème.
En raison de leur poids, la carpe à grosse tête et la carpe argentée peuvent endommager les embarcations et les filets à pêche. Capable de sauter jusqu’à une hauteur de trois mètres lorsqu’effrayée, la carpe argentée (ou « carpe sauteuse ») pourrait aussi blesser des personnes.
Dans un rapport de 2014, le MPO estime que la présence de la carpe asiatique dans les Grands Lacs pourrait avoir un impact « modéré » à « élevé » sur les industries de la pêche commerciale, de la pêche récréative, de la navigation de plaisance et de l’utilisation des plages.
Initiatives gouvernementales
En vertu de la Loi sur les pêches, le gouvernement fédéral a mis en place en 2015 le Règlement sur les espèces aquatiques envahissantes qui interdit, dans des zones géographiques précises, l’importation, la possession et le transport d’espèces envahissantes au Canada, dont la carpe asiatique, à moins qu’elle soit morte et éviscérée. C’est l’Agence des services frontaliers du Canada qui assure l’application de l’interdiction d’importation. En Ontario, en vertu de la Loi concernant les espèces envahissantes, il est notamment illégal de posséder, de transporter et de vendre des carpes asiatiques vivantes. En date du 1er avril 2017, le Québec a modifié sa réglementation sur les poissons-appâts interdisant à la fois l’utilisation de poisson-appât vivant partout au Québec et l’utilisation de poisson-appât mort durant la période estivale.
Outre la recherche sur les risques écologiques, notamment par l’entremise du Centre d’expertise pour l’analyse des risques aquatiques, le MPO collabore à différents niveaux (recherche, surveillance et intervention) avec les États américains des Grands Lacs et diverses organisations, comme la Commission des pêcheries des Grands Lacs. L’ensemble des efforts pour lutter contre la carpe asiatique est mené par le Asian Carp Regional Coordinating Committee (ACRCC) [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT]. Ainsi, le MPO, en collaboration avec le ministère des Richesses naturelles et des Forêts de l’Ontario (MRNFO), assure la mise en œuvre du Programme de surveillance de l’ADN environnemental dans les Grands Lacs dans la partie canadienne des eaux des Grands Lacs. Les deux ministères effectuent des échantillonnages afin de détecter la présence de carpes et mettent en place des mesures d’intervention lorsque c’est le cas. Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec assure la surveillance et l’échantillonnage dans les eaux du Québec avec son Programme québécois de lutte contre les carpes asiatiques.
Le 23 janvier 2018, le gouvernement du Canada a annoncé que 20 millions de dollars seraient investis sur une période de cinq ans afin de poursuivre les efforts du MPO dans la lutte contre la carpe asiatique.
Ressources connexes
Asian Carp Regional Coordinating Committee. Asian Carp Response in the Great Lakes, « Current Actions ». [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT]
Asian Carp Regional Coordinating Committee. « Asian Carp Action Plan for Fiscal Year 2017 », décembre 2016.
Asian Carp Canada. « Legislation for Aquatic Invasive Species ». [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT]
Chambre des communes, Comité permanent des pêches et des océans. Espèces envahissantes qui représentent une menace pour le bassin des Grands Lacs, Quatrième rapport, 1re session, 41e législature, avril 2013.
Conover, G., R. Simmonds, et M. Whalen. « Management and Control Plan for Bighead, Black, Grass, and Silver Carps in the United States », Washington, Asian Carp Working Group, Aquatic Nuisance Species Task Force, octobre 2007, 223 pages. [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT]
Environnement Canada et ministère de l’Environnement et de l’Action en matière de changement climatique de l’Ontario, Accord Canada-Ontario sur la qualité de l’eau et la santé de l’écosystème du bassin des Grands Lacs, 2014.
Pêches et Océans Canada, Groupe de travail sur les espèces aquatiques envahissantes du Conseil canadien des ministres des pêches et de l’aquaculture, Plan d’action canadien de lutte contre les espèces aquatiques envahissantes, 1er septembre 2004.
Auteure : Geneviève Gosselin, Bibliothèque du Parlement
Catégories :Agriculture, environnement, pêches et ressources naturelles