(Available in English: Update – Climate Change: Implications for Canadian Marine Fisheries and Aquaculture)
Au Canada, les changements climatiques posent de plus en plus de défis pour la pérennité des pêches et de l’aquaculture en mer, deux secteurs dont la production est évaluée à 4,2 milliards de dollars et qui ont une importance économique et sociale particulière pour les communautés des trois côtes.
Aux défis posés par les changements climatiques s’ajoute l’incertitude quant à leurs répercussions. Donc, il est encore plus difficile pour les gestionnaires et les décideurs, tant au pays qu’à l’étranger, d’élaborer des stratégies qui tiennent compte des impacts des changements du milieu marin sur l’industrie des pêches et de l’aquaculture.
Changement des conditions océaniques
Le Canada est bordé par trois océans. Les gaz à effet de serre ainsi que les changements climatiques modifient les conditions océaniques, entraînant des conséquences telles que :
- le réchauffement de la température de l’eau de la mer, notamment près de la surface;
- l’augmentation de l’acidification;
- la diminution de l’oxygène dissous dans l’eau de mer;
- la réduction de la couverture de glace de mer.
Les problèmes qu’ils provoquent sont liés à leur intensité et à la vulnérabilité des régions. Par exemple, les écosystèmes du golfe d’Alaska, du plateau néo-écossais et de la baie d’Hudson font partie des zones marines mondiales sensibles [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT] qui se réchauffent plus vite que 90 % des océans (figure 1). Certaines parties de l’océan Arctique [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT], comme la mer de Beaufort, sont particulièrement vulnérables à l’acidification.
Figure 1 – Zones marines sensibles au Canada
Sources : Carte produite par la Bibliothèque du Parlement, Ottawa, 2016, à partir de données tirées de A.J. Hobday et G.T. Pecl, « Identification of global marine hotspots: sentinels for change and vanguards for adaptation action », Reviews in Fish Biology and Fisheries, vol. 24, 2014, p. 415-425; et Natural Earth, 1:50m Cultural Vectors. Logiciel utilisé : Esri, ArcGIS, version 10.3.1. Contient de l’information visée par la Licence du gouvernement ouvert – Canada. Le fond de carte des océans est la propriété intellectuelle d’Esri et est utilisé ici sous licence; © 2015 Esri et ses concédants de licence.
Répercussions sur les organismes marins
Au début, le réchauffement de l’eau accélère la croissance des organismes marins, mais ensuite il influe sur leur métabolisme [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT] et accroît leur vulnérabilité aux maladies. Ainsi, certaines espèces peuvent se déplacer dans des eaux plus profondes ou migrer plus au nord en réaction au réchauffement de l’océan.
L’acidification menace la capacité des organismes aquatiques à produire des coquilles et des squelettes à partir du carbonate de calcium et, conséquemment, les poissons qui en dépendent. Les œufs et les larves de poisson peuvent être directement touchés par l’augmentation de l’acidification.
Un manque d’oxygène dissous (hypoxie) entraîne une réduction des taux de croissance et de reproduction ainsi qu’une augmentation des taux de mortalité. L’hypoxie peut aussi donner lieu à des changements dans l’aire de répartition du poisson puisque les espèces se déplacent à la recherche de taux d’oxygène plus élevés.
La diminution de la couverture de glace dans l’océan Arctique [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT] nuira probablement aux algues des glaces, desquelles dépendent de nombreuses espèces de poissons indigènes. Toutefois, une couverture de glace réduite peut aussi améliorer les conditions de certains stocks de poissons, comme le flétan du Groenland, en faisant augmenter la productivité de leurs proies et en élargissant leur habitat.
Comme ces changements océaniques sont complexes et que leurs interactions sont peu connues, on ne comprend pas encore très bien les réactions des organismes marins aux effets des changements climatiques. L’effet global sur les stocks de poissons demeure donc incertain.
Risques et possibilités pour les pêches et l’aquaculture en mer
Les recherches menées à ce jour indiquent que des changements radicaux dans le domaine des pêches, tant sur le plan du volume que de la valeur, ne se produiront probablement pas dans les trois océans du Canada au cours des dix prochaines années. Par contre, à plus long terme, les changements climatiques entraîneront la récolte de nouvelles espèces, ainsi que des modifications aux lieux, saisons et méthodes de pêche.
En général, on s’attend à ce que le volume des pêches augmente, mais la valeur économique de ce secteur dépendra des changements des types d’espèces et des aires de répartition.
- Bassin aquatique de l’Atlantique
On assistera vraisemblablement à un déclin de la population de certaines espèces dans la partie méridionale, notamment la crevette, le crabe, le flétan du Groenland et le saumon atlantique. La productivité de certaines espèces, particulièrement le homard et le maquereau, devrait s’accroître, quoique celles-ci puissent se déplacer vers le nord.
On a également fait valoir que le réchauffement des océans pourrait contribuer à un éventuel rétablissement des stocks de capelan et de morue [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT] au large de Terre-Neuve-et-Labrador. Cependant, l’acidification de l’océan pourrait réduire la productivité des crustacés et des mollusques, y compris le homard, le crabe, la crevette et l’huître.
- Bassin aquatique du Pacifique
La population de morue connaîtra probablement un déclin. En revanche, les stocks de merluche, de sardine, de flétan et de hareng devraient rester relativement stables au cours des 50 prochaines années, et leur aire de répartition pourrait s’étendre au nord.
Si on prévoit un déclin des stocks de saumon dans le fleuve Fraser [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT], il reste que les stocks des cours d’eau au nord pourraient profiter d’une augmentation de la productivité de l’océan. Des scientifiques ont aussi prédit un important déclin des pêches de subsistance des Premières Nations [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT] dans les eaux du sud d’ici 2050.
L’acidification des océans aura vraisemblablement des effets négatifs sur les mollusques [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT], mais ses répercussions ne font dans une large mesure l’objet d’aucune surveillance [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].
- Bassin aquatique de l’Arctique
Avec la réduction de la couverture de glace de mer, des régions qui étaient auparavant inaccessibles pourraient s’ouvrir à la pêche. Toutefois, compte tenu des changements environnementaux actuels, on constate des déclins dans les niveaux de récolte de certaines espèces de poisson, dont le hareng et l’omble, sur lesquelles comptent les pêcheurs de subsistance dans plusieurs communautés inuites.
- Aquaculture
On s’attend aussi à ce que l’industrie de l’aquaculture soit touchée par les changements des conditions océaniques. L’aquaculture a cependant un meilleur potentiel d’adaptation que le secteur des pêches en mer : les installations d’aquaculture pourraient être en mesure de déménager, de changer d’espèces d’élevage et de modifier les périodes d’élevage.
Efforts de gestion adaptative du gouvernement fédéral
Les incertitudes relatives aux impacts des changements climatiques compliquent l’évaluation des stocks de poissons ainsi que les décisions pour une gestion des niveaux de récolte fondée sur des données historiques. À ces incertitudes s’ajoute l’effet combiné des risques climatiques et des répercussions de l’activité humaine, comme la pollution marine.
Au niveau fédéral, les facteurs climatiques ont été pris en compte dans l’élaboration de politiques adaptatives et de plans d’action tels que la Politique du Canada pour la conservation du saumon sauvage du Pacifique de 2005, le Cadre scientifique écosystémique en faveur d’une gestion intégrée de 2007 et l’Initiative nationale pour des plans d’action stratégiques en aquaculture de 2010.
En 2011, le gouvernement fédéral a investi 16,5 millions de dollars sur cinq ans pour la mise en œuvre du Programme des services d’adaptation aux changements climatiques en milieu aquatique. Ce programme a été renouvelé dans le budget de 2016 (avec un financement de 5,6 millions sur deux ans) et de nouveau en 2017 (21,6 millions sur quatre ans). Dans le cadre de ce programme, le ministère des Pêches et Océans Canada surveille et étudie les effets des conditions océaniques changeantes sur la santé des stocks de poissons et la durabilité de l’aquaculture.
Le budget de 2016 prévoyait également un montant de 81,3 millions de dollars sur cinq ans pour appuyer les activités de conservation marine, notamment la désignation de nouvelles zones de protection marine (ZPM). Les ZPM constituent un outil essentiel pour la conservation de la biodiversité des écosystèmes marins; elles contribuent à la résilience des espèces et des habitats face aux impacts du changement climatique.
Une question de gouvernance internationale
Tous les pays partagent un seul et même océan dont les eaux sont reliées entre elles. De ce fait, la santé des océans constitue une question de gouvernance internationale.
En septembre 2015, 193 pays membres des Nations Unies, dont le Canada, ont adopté à l’unanimité le Programme de développement durable à l’horizon 2030. L’objectif 14 vise à conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines, ainsi qu’à « [r]éduire au maximum l’acidification des océans et lutter contre ses effets ».
Lors de la 21e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), tenue à Paris en décembre 2015, le Canada et 21 autres pays ont aussi signé la Déclaration « Parce que l’océan ». Voici quelques exemples des progrès accomplis jusqu’à maintenant :
- la parution, dans le cadre de la CCNUCC, en octobre 2016, d’une Feuille de route stratégique pour des mesures en faveur des océans et du climat de 2016 à 2021 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT], qui recommande des politiques pour aider à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris;
- le lancement en novembre 2016 du Réseau mondial d’observation de l’acidité des océans, qui recueillera des données à long terme et à grande échelle et favorisera la prise de décisions éclairées dans le monde entier;
- La Conférence des Nations Unies sur les océans en juin 2017 afin d’amener activement les gouvernements, la société civile et le secteur privé à mettre en œuvre l’objectif 14;
- un rapport spécial [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT] du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat à propos des océans et de la cryosphère est attendu pour septembre 2019.
Ressources connexes
Campbell, I.D. et al. « La production alimentaire », chapitre 4 dans Warren, F.J. et D.S. Lemmen (dir.). Vivre avec les changements climatiques au Canada : perspectives des secteurs relatives aux impacts et à l’adaptation, Ottawa, Gouvernement du Canada, 2014, p. 99-134.
Clarke, Mercer et al. « Le défi côtier », chapitre 3 dans Lemmen, D.S. et al. C.S.L. (dir.). Le littoral maritime du Canada face à l’évolution du climat, Ottawa, Gouvernement du Canada, 2016, p. 70-99.
Conservation de la flore et de la faune arctiques (CAFF), State of the Arctic Marine Biodiversity : Key Findings and Advice for Monitoring, Conseil de l’Arctique, 2017.
Lam, Vicky W.Y. et al. « Marine capture fisheries in the Arctic: winners or losers under climate change and ocean acidification? », Fish and Fisheries, 2 décembre 2014.
Pêches et Océans Canada. Perspectives à court terme pour les stocks de morue, de crabe et de crevette dans la région de Terre-Neuve et du Labrador (Divisions 2J3KL), Secrétariat canadien de consultation scientifique, Réponse des Sciences 2014/049, novembre 2014.
Auteurs : Odette Madore et Thai Nguyen, Bibliothèque du Parlement
Catégories :Agriculture, environnement, pêches et ressources naturelles