Textes fondateurs : les mots qui ont façonné le Canada

Temps de lecture : 6 minutes

« Les Pères de la Confédération à la Conférence de Charlottetown »
George P. Roberts / Bibliothèque et Archives Canada / C-000733

(Available in English: Foundations: The Words That Shaped Canada)

Pour souligner le 150e anniversaire de la Confédération, la Bibliothèque du Parlement a inauguré le 9 mars 2017 une exposition intitulée Textes fondateurs : les mots qui ont façonné le Canada.

Grâce à un prêt consenti par Bibliothèque et Archives Canada, les usagers et les visiteurs qui se rendront à la succursale principale de la Bibliothèque auront l’occasion de découvrir les six documents suivants :

  • l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (1867);
  • le premier discours du Trône du Canada (1867);
  • la Proclamation des Territoires du Nord-Ouest (1869);
  • le Statut de Westminster (1931);
  • la Déclaration canadienne des droits (1960);
  • la proclamation de la Loi constitutionnelle de 1982.

Comme l’indique le titre évocateur de l’exposition, ces documents marquent d’importantes étapes dans l’évolution constitutionnelle du Canada. Mais, il importe aussi de souligner que chacune de ces pièces a une histoire propre qui mérite d’être racontée.

La copie de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique

  • L’Acte de l’Amérique du Nord britannique qui est exposé est la copie ayant appartenu à l’honorable Sir John A. Macdonald. Elles ne comportent pas beaucoup de notes manuscrites, mais en marge de la deuxième page, à la hauteur du paragraphe 4 qui traite de l’interprétation des dispositions subséquentes de la loi, on peut y lire ces quelques mots : « meaning of “union-” – “Canada” ».

Le premier discours du Trône du Canada

  • Sir Charles Stanley Monck, 4e vicomte Monck, gouverneur général de l’Amérique du Nord britannique de 1861 à 1867, est devenu en 1867 le premier gouverneur général du Canada. Le 1er novembre 1867, il écrit à son fils Henry, âgé de 18 ans, qu’il ouvrira bientôt la première session du Parlement et note que ce sera « a great function ». Il mentionne également qu’un régiment de cavalerie de Montréal lui servira d’escorte.
    Le jeudi 7 novembre 1867, le gouverneur général Monck, comme le veut la tradition, a prononcé le discours du Trône deux fois plutôt qu’une… d’abord en anglais, ensuite en français. Les premières pages des copies anglaise et française, visiblement écrites par deux différents greffiers, font partie de l’exposition.
    Le jour même, une fois rentré à sa résidence officielle à Ottawa, Monck a pris la plume pour écrire à son fils au sujet de la cérémonie qui venait de se dérouler. Il lui promet de lui faire parvenir le compte rendu de la procédure et une copie de son discours. Il explique, entre autres, qu’il a demandé aux dames de s’asseoir vers l’avant et aux parlementaires de porter une tenue de soirée. Il affirme que « the whole thing looked very pretty » et mentionne que l’ouverture du Parlement a donné lieu à des soirées et de nombreux dîners auxquels il a assisté assidument.

La Proclamation des Territoires du Nord-Ouest

  • À l’automne 1869, l’honorable William McDougall devait se rendre au Fort Garry pour assumer ses nouvelles fonctions à titre de lieutenant-gouverneur des Territoires du Nord-Ouest. Lorsqu’il a tenté de passer la frontière à la hauteur de Pembina (sur le territoire actuel du Dakota du Nord) pour se rendre au Fort Garry, un groupe armé de Métis lui a interdit le passage. Il est resté un mois à Pembina avec sa famille et ses proches. McDougall croyait que le transfert au Canada de la Terre de Rupert de la Compagnie de la Baie d’Hudson devait se faire le 1er décembre 1869. Il ignorait que le gouvernement du Canada avait repoussé la date en raison des problèmes politiques dans la colonie de la rivière Rouge. Ainsi, on raconte que McDougall a traversé la frontière la nuit du 30 novembre 1869 et, entouré de quelques-uns de ses proches, a lu à haute voix la Proclamation des Territoires du Nord-Ouest. Quoi qu’il en soit, cette proclamation a envenimé les relations avec les Métis. Elle compte parmi les éléments qui ont mené à l’éclatement de la résistance de la rivière Rouge.

Le Statut de Westminster

  • La copie du Statut de Westminster que possède Bibliothèque et Archives Canada a été acquise en 1987. Il s’agit d’une photo de l’original qui est conservé à la Chambre des Lords au Royaume-Uni. En comparant la copie du Statut de Westminster à d’autres documents produits à la même époque, on s’aperçoit qu’ils comportent deux éléments inscrits à la main. Dans un premier temps, on peut lire « le Roy le veult ». Cette phrase normande est prononcée par le greffier des Parlements (Clerk of the Parliaments) dans la Chambre des Lords pour signifier que le projet de loi a obtenu la sanction royale. Dans un deuxième temps, on voit la signature de M. Edward Hall Alderson, greffier des Parlements (de 1930 à 1934) au moment de l’adoption du Statut de Westminster.

La Déclaration canadienne des droits

  • La Déclaration canadienne des droits de 1960 est un document remarquable par son contenu, mais aussi par sa présentation. L’artiste Yvonne Diceman (née Roberts, 1921-2000) en a réalisé la calligraphie et l’enluminure. Les droits garantis par la Déclaration sont représentés dans quatre dessins sous la plume de cette artiste. L’imagerie et le symbolisme illustrent bien le texte et l’esprit de la Déclaration. Mme Diceman a accordé une place importante à l’Édifice du Centre, le siège du Parlement canadien. La rivière des Outaouais, représentée par deux traits bleus, coule derrière le Parlement et se mêle aux motifs ornementaux. Au-dessus de la signature de Mme Diceman, on aperçoit un castor.
    L’enluminure ne comporte pas de dessin héraldique, mais les motifs de celle-ci se marient parfaitement aux armoiries du Canada, tant par le choix des couleurs que la composition des éléments.
    Née en Angleterre, Mme Diceman a servi dans la Women’s Auxiliary Air Force lors de la Seconde Guerre mondiale. C’est à ce moment qu’elle a rencontré et épousé, en 1945, M. Harold Alonzo Diceman (1916-2009), un jeune adjudant-maître de l’Aviation royale canadienne. Jeune épouse de guerre, elle a reçu sa formation d’artiste au Canada. Au cours de sa carrière, elle a réalisé la calligraphie et l’enluminure d’autres documents canadiens, dont les Livres du Souvenir et la Proclamation du drapeau canadien.

« La reine Elizabeth II signe la Proclamation de la Loi constitutionnelle de 1982 »
Robert Cooper / Bibliothèque et Archives Canada / e008300499

La proclamation de la Loi constitutionnelle de 1982

  • Le document de la proclamation de la Loi constitutionnelle de 1982 qui sera exposé est celui signé par la reine Elizabeth II, le premier ministre Pierre Elliott Trudeau, André Ouellet, le registraire général du Canada et l’honorable Jean Chrétien, alors ministre de la Justice. Cette cérémonie de signature a eu lieu devant l’Édifice du Centre, le 17 avril 1982. Il n’est guère difficile de reconnaître l’authenticité du document de cette proclamation, car on y voit des traces de gouttelettes, un rappel qu’une pluie fine tombait sur Ottawa au moment de sa signature.
    Une deuxième copie de la Proclamation avait également été signée par Sa Majesté et les dignitaires canadiens. En 1983, en guise de protestation, un individu a déversé de la peinture rouge sur ce document. Seule la signature de Jean Chrétien a été recouverte de peinture rouge et, de ce fait, elle est la mieux préservée des quatre signatures. Curieusement, M. Chrétien ne devait pas signer la Proclamation.

Textes fondateurs : les mots qui ont façonné le Canada offre aux visiteurs une chance unique de voir six documents d’une valeur inestimable réunis en une seule exposition. Des écrans tactiles permettront aux visiteurs de consulter des compléments d’information portant sur l’époque, les circonstances de la rédaction des documents ainsi que leur impact sur l’évolution du Canada.

Sources :

Archives et Bibliothèque Canada, « Charles Stanley Monck, 4th Viscount Monck fonds : Henry Monck correspondence : C-2979 ».

Bibliothèque du Parlement, « Débats du Sénat, 1re Législature, 1re Session, vol. 1 ».

CBC, Canada: A People’s History, « The Metis Resistance. John A. MacDonald’s Response ». [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT]

« Chretien’s unplanned signature of 1982 proclamation », The Canadian Press, CTV News, 15 avril 2012. [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT]

Diceman, Harold. Nécrologie, septembre 2009. [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT]

Diceman, Yvonne. Nécrologie, mai 2000. [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT]

Grace, John. « La préservation de la Proclamation du drapeau canadien », L’Archiviste, Bibliothèque et Archives Canada, 1990.

Levitz, Stephanie. « Signed, stained and sealed: Chretien’s unplanned signature of 1982 proclamation ». The Canadian Press, CTV News. [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT]

Parlement de la Grande-Bretagne, « Clerk of the Parliaments (Lords)». [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT]

Peel, Bruce. « Emblèmes du Canada », Encyclopédie canadienne, 4 mars 2011.

Auteure : Lucie Lecomte, Bibliothèque du Parlement



Catégories :Arts, culture et divertissement, Gouvernement, Parlement et politique

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